1.2. Justification
methodologique
Avant de justifier le choix qui a dicté de mobiliser la
méthode ethnographique du type qualitatif et de dégager sa
pertinence, il nous parait impérieux de préciser la notion de
méthodologie. Celle-ci est un substantif féminin qui
désigne une partie de la logique qui étudie les méthodes
de divers ordre de connaissances. La méthode, quant à elle, est
un substantif féminin étymologiquement construit du grec
« methodos » tiré de méta et d'odas qui
signifie avec voie. Elle désigne une marche raisonnée, qui l'on
suit pour arriver à un but. (AKOUN A., 1974 : 644)
Très large et imprécise, il sera question ici de
stigmatiser la méthode de recherche scientifique. MUCCHIELLI distingue
à ses propos la méthode et la technique. Il précise que
celle-là se veut large et globalisante. Elle est un agencement
spécifique de techniques de traitement, appropriées à la
résolution d'une problématique de recherche. (2004 : 213)
KIENGEKIENGE R. fait remarquer que l'explication par le
chercheur de sa démarche méthodologique rend intelligible les
choix qu'il fait dans la construction de l'objet et permet en même temps
de soumettre la recherche à la critique scientifique rigoureuse sur la
portée et la validité du savoir qu'il construit sur l'objet.
(2005 : 17)
Pour nous, la méthode consiste à répondre
à la question : « comment concevoir l'objet dont on
se livre à l'étude » et les techniques sont les
réponses à celle de savoir « comment
l'atteindre ».
Les opérations et manipulation techniques nous aident
dans la volonté de faire surgir le sens. C'est à ce moment
qu'apparaît la spécificité fondamentale des méthodes
qualitatives qui s'inscrivent dans le paradigme compréhensif,
c'est-à-dire subjectiviste ou interprétatif. (KAUFMAN J.C.,
1996 : 23)
Le chercheur doit être capable d'interpréter et
d'expliquer les phénomènes à partir des données
recueillies. La compréhension n'est qu'un instrument, le but c'est
l'explication du social. (1996 : 23)
La méthode qualitative repose sur
l'herméneutique. Son fondement épistémologique
considère les phénomènes humains comme des
phénomènes de sens qui peuvent être compris par un effort
spécifique tenant à la fois à la nature humaine de ces
phénomènes de sens. Cet effort, MUCCHIELLI A., l'a appelé
l' « empathie » (2004 : 213).
Le même auteur conçoit, définitif et
précise la visée de la méthode qualitative en ces
termes : « elle est une succession d'opération et de
manipulation techniques et intellectuelles qu'un chercheur fait subir à
un objet ou phénomène humain pour en faire surgir les
significations pour lui-même et les autres hommes. (2004 :
212)
Comme nous venons de le démontrer dans le tracé
de la recherche, la démarche inductive dicte le choix de la posture
méthodologique du type qualitatif et subjectif. A cet effet, agir
autrement serait pêché à la règle de contre nature.
La recherche qualitative est une forme d'investigation visant l'avancement des
connaissances théoriques ou pratiques au sujet d'un
phénomène (MUCHIELLI A., 2004 : 193)
Il s'agit d'une approche méthodologique susceptible de
produire un savoir criminologique pertinent par l'échange de
connaissances entre le chercheur et les acteurs qui vivent la
réalité à étudier.
Sa pertinence est justifiée par la logique de la
découverte, de l'exploration et de la construction émergente.
Pour elle, la conceptualisation de l'objet est toujours, en partie, une affaire
de terrain, d'examen in situ, du matériau empirique. (2004 :
196)
Elle permet au chercheur d'aborder le terrain avec des
questions volontairement encombrantes, avec des hypothèses formelles,
avec des prioris théoriques, auxquels ils n'accordent, toutefois qu'une
valeur instrumentale.
En tant que chercheur à la fois observant et
observé, elle permet de découvrir les connaissances nouvelles
échappant à notre horizon de savoir. Elle permet de rendre compte
que les individus participent en permanence à l'édification de la
réalité par leurs actions et réactions réciproques,
leur manière de voir les choses, leur représentation sociale et
interprétation de la vie.
Le choix de la méthode qualitative du type
ethnographique a été dicté à la fois par notre
formation de base anthropologique et notre profession ainsi que sa pertinence.
Cette méthode tire sa source de l'ethnographie. Celle-ci est
l'enquête sur le terrain pour l'établissement de monographie.
C'est l'étude la plus exhaustive possible d'un groupe social pris comme
une totalité. L'ethnographe se veut en quelque sorte le
« biographe d'une seule société de petite dimension, ce
qui lui permet la construction d'une étude exhaustive (AKOUN A.,
1974 : 172 - 173)
Cette méthode présente deux alternatives
diamétralement opposées. La première posture est celle
où le chercheur mène une recherche dans une communauté qui
est différente de la sienne. L'impératif de cette méthode
l'oblige à demeurer pendant longtemps dans la communauté pour
apprendre la langue de ses membres et avoir l'opportunité de recueillir
les données fiables et pertinentes. L'exigence linguistique est un
préalable parce que la langue n'est pas seulement un instrument de
communication, il est aussi un véhicule du vécu quotidien d'une
communauté. La connaissance de la langue du milieu évite le
recours à l'informateur avec tout ce qu'il comporte comme danger de
déformation et surtout s'il est lié au secret, il ne saura pas se
dévoiler. Il s'agit ici d'une enquête menée de
l'extérieur par un chercheur étranger que la communauté
considère comme « outsider ». Il faut qu'il
s'intègre pour qu'il soit « insider ».
La seconde posture est celle où le chercheur
mène une étude de l'intérieur, c'est-à-dire il est
membre de la communauté dont il étudie. Précisions que le
chercheur est un autobiographe, non pas de sa vie, mais plutôt de sa
communauté.
La présente recherche épouse cette
dernière posture qui pourrait être la mieux indiquée et
adaptée ; Le chercheur analyse sa propre communauté.
Celle-ci n'est pas à entendre comme une communauté ethnique ou
linguistique, mais plutôt comme une communauté professionnelle.
Ici, c'est la police qui est prise comme une communauté d'étude
avec une organisation particulière qu'il faudra décortiquer.
La première pertinence de cette méthode est
qu'elle offre au chercheur les atouts privilégiés de part sa
position d'appartenance à la communauté, d'analyser
scientifiquement certains faits auxquels un chercheur de l'intérieur ne
saura pas facilement approcher, comme ceux liés aux
« tabous », «interdits » ou
« secret ».
Toute communauté linguistique ou professionnelle a des
sujets « interdits » ou « secrets »
auxquels on ne touche pas impunément, que l'on soit scientifique ou non.
Le chercheur est buté au dilemme de rechercher la réalité
à tout prix ou de l'abandonner. C'est le hic ou le noeud de cette
recherche. C'est la question de la légitimité même de la
recherche sociale appliquée à certains objets.
La police est une organisation liée au principe du
secret et dispose d'une déontologie professionnelle. La grille de
lecture criminologique mobilisée dans cette recherche de l'acteur social
et l'organisation nous a éclairé sur les deux sphères de
l'organisation policière. L'une est le cadre de pratiques prescrites ou
réglementaires et l'autre de celles dites non prescrites ou non
réglementaires. Pour légitimer cette recherche au regard du
secret professionnel, l'opportunité nous est offerte de
pénétrer le « secret » des pratiques non
prescrites pour en décortiquer les intérêts ou avantages
à élever aux valeurs de la société. C'est le point
focal de cette recherche dont la visée essentielle ne pourra être
atteinte que grâce à la position du chercheur et à la
pertinence de cette méthode menée de l'intérieur.
Par ailleurs, la censure de la recherche libre ne s'exerce
plus au nom de la religion, ou d'une idéologie politique, mais
plutôt au nom de l'éthique considérée comme
l'ensemble des valeurs d'une société.
C'est ici que nous rejoignons l'idée de SHAKESPIRE qui
indique que : « le chercheur est donc appelé sinon
à choisir, du moins à composer avec les valeurs de la
société qui tendent au maintien du statuquo et celles de la
science qui invitent au savoir, à la remise en question des idées
reçues ». (1987 : 2007)
Manifestement, cette méthode nous a permis de cerner en
tant que chercheur acteur professionnel, les représentations, les
logiques, les contradictions et la nature des relations entre « OPJ
assis et debout ». Elle rend compte des pratiques observables qui
rentrent dans la prescription du champ pénal et celles qui
évoluent dans l'ombre comme soutien invisible de celles-là. C'est
le champ non réglementaire de régulation des conflits dans le
contrôle policier qui est plus intéressant et dont nous avons
l'opportunité d'analyser.
Son utilité est la construction d'un savoir
scientifique par l'interaction du chercheur avec les participants grâce
à l'observation et l'entretien. Elle exige l'adaptation de la recherche
aux participants et impose la prise de distance avec l'objet de recherche. Elle
exige l'acquisition d' « attitude neuve ». Il s'en faut
toutefois, pour qu'un chercheur puisse faire « tabula
rasa » de ses connaissances, et se présente à
l'écoute de la réalité (MUCCHIELLI A., 2004 : 197)
C'est une des manières pour cette méthode de valider la
connaissance.
Cette méthode a aussi l'avantage de mettre à
notre portée les informations originales très variées et
diversifiées. Il faut pour cela, acquérir le
« réflexe de la source originale » précise
ALBARELLO L., (2004 : 59)
Elle permet non seulement de dégager la pertinence de
recueillir des données originales auprès des « OPJ et
APJ » dont il s'agit précisément d'épingler les
motivations, les représentations mentales qui les animent et le sens
qu'ils donnent à leurs pratiques, mais aussi la voie de
matérialiser les données et de les manipuler. Cela est
réalisé grâce à l'enquête par entretien.
Dans une méthode qualitative, on distingue
classiquement la phase de recueil et celle de traitement données. Elles
sont développées dans la phase qui suit.
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