2.3.4. Conditions de
validité des actes posés par les OPJ
Les OPJ appartiennent à la famille judiciaire. Ils
constituent le premier chaînon de la répression des infractions
qui suppose la découverte du délinquant et de la
vérité. La réussite de cette double mission repose sur la
police judiciaire.
La police judiciaire est une délégation de la
justice et doit présenter les garanties judiciaires. Pour cela, la
première condition est la compétence. L'OPJ de la PNC qui nous
concerne jouit d'une compétence matérielle générale
et d'une compétence territoriale restreinte. C'est pourquoi, il doit
prêter serment chaque fois qu'il change de ressort.
La deuxième manière de rendre compte de la
validité des actes posés par les OPJ est le serment. C'est le
serment qui impose chaque fois que toutes les opérations couchées
dans un procès verbal doit obligatoirement se terminer par cette
formule : « Je jure que le présent
procès-verbal est sincère ».
Sur ce, les OPJ sont des auxiliaires de la justice. Le serment
leur est imposé parce que les activités qu'ils exercent sont une
opération administrative. De ce fait, ils sont considérés
comme des agents de l'exécutif qui participent accessoirement à
l'exercice du pouvoir judiciaire, c'est-à-dire à l'administration
de la justice (RUBENS, T, 1965 : 67)
Le procès-verbal, sans ce serment, est nul et de
nullité absolue. Or, le contenu peut servir à l'administration de
la justice. Le serment a son sens certes, mais il ne doit pas être une
condition sine qua non.
Signalons aussi que l'usage des violences physiques dans le
but d'obtenir l'aveu s'oppose à la validité de l'acte. Cependant,
il est admis que les OPJ peuvent exercer certaines activités
incompatibles aux fonctions de magistrat. Ils peuvent avoir des relations avec
les repris de justice, se déguiser, procéder à des
filatures, à des embuscades et même adhérer à une
association des malfaiteurs en vue de déjouer leurs plans. (KENGO WA
DONDO, 1972 : 40 - 42)
Ces procédés font parties intégrantes de
la mission générale qui incombe à la police et à
laquelle aucune société ne peut être indifférente
quelle que soit la structure politique, sans se vouer elle-même à
l'anarchie et à la destruction (BESSON A., 1958 : 133).
Ainsi, la recherche de l'efficacité pousse les OPJ
à ne pas respecter le droit fondamental de l'homme. C'est comme la
pratique qui consiste à garder à vue un membre de la famille du
délinquant afin que ce dernier soit obligé de se
présenter. Encore une fois, la recherche de l'efficacité pousse
les acteurs à ne pas respecter la dignité humaine. Un innocent
est sanctionné à la place d'un sien. Tout se passe comme si la
plainte est filiale. La responsabilité est mise au second plan.
Nous ne pouvons pas clôturer cette partie du travail
sans parler des agents de l'ordre. Ils sont des auxiliaires de la justice. Dans
le cadre de cette recherche, ce sont les Agents de Police Judiciaire qui
travaillent sous le commandement de l'OPJ. Ils sont sous ordres et par
conséquent, sont censés de les exécuter dans le cadre des
activités judiciaires.
C'est dans ce contexte que nous présentons cette
recherche qui consiste à montrer comment un APJ se substitue à
l'OPJ pour poser les actes en lieu et place de ce dernier. La compétence
pour lui n'est pas l'habilitation et la prestation de serment, mais son
expérience sur terrain dans la manière de résoudre le
conflit, c'est-à-dire de rendre justice pour créer l'harmonie
sociétale qui n'est que relative et temporaire.
Quant au serment du procès-verbal, il est officier de
police judiciaire debout. Il n'a ni bureau, ni papier, ni bic, il ne dresse pas
le PV. , sa finalité est de résoudre le conflit entre les
individus et enfin de compte, il trouve sa récompense. Il ne vise pas
à obtenir l'aveu, mais la réconciliation, l'arrangement à
l'amiable. C'est pourquoi, il doit avoir de l'art et de l'expérience. De
cette manière, il échappe au recours à la violence
physique. Son plus grand souhait est qu'il arrive à une solution. Ainsi,
l'arrestation n'est-elle pas reléguée au second plan. Elle ne
peut intervenir qu'en de non compromis entre les deux parties. Dès lors,
l'idée de prise en « otage » d'un membre de la
famille du délinquant est obnulée par la recherche de la
nécessité de son action réconciliatrice.
Quelle synthèse pouvons-nous tirer de ce
chapitre ?
Pour comprendre comment l' « APJ »
renverse la « hiérarchie » en se substituant
à l'« OPJ au regard du travail judiciaire, nous avons
mobilisé la police comme « organisation » et les
policiers comme « acteurs sociaux ». Sur ce, la
manière la mieux indiquée pour les comprendre a été
de les contextualiser, une façon pour nous de prendre la distance par
rapport aux évidences.
Du point de vue historique, la Police Nationale Congolaise est
une organisation fortement hiérarchisée. Elle est
militarisée et répond à une logique militaire. Elle est
jeune tout en étant vieille. Elle est jeune par sa création
juridique et veille par sa composition qui regorge les membres de toutes les
forces qu'a connues notre pays. En son sein, nous enregistrons les anciens de
la Force Publique, la Gendarmerie, la Garde Civile, la Division Spéciale
Présidentielle, les éléments de la Force Armée
Zaïroise en général, les factions belligérantes, sans
oublier les militaires. Les retraités militaires, les veuves et
orphelins de la police. Elle est hybride puisque sur papier, elle tient du
militaire et du civil, du professionnel et du non professionnel.
Du point de vue socio-économique, la police
évolue dans un contexte guidé par la précarité
dominée par le souci de « treizer »
c'est-à-dire de capitaliser.
Du point de vue travail judiciaire, la police judiciaire
n'est pas l'apanage du seul droit écrit puisque le Droit coutumier en
disposait également et s'imposait où celui-là
n'était pas d'application. Du reste, la recherche de l'efficacité
est un obstacle au respect de la valeur humaine.
Ceci étant, quelles sont les perspectives
méthodologiques adaptées et convenables pour recueillir et
analyser les données empiriques ?
Cette question est mieux exploitée dans le chapitre qui
suit.
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