3- La médecine tradinaturelle comme une
médecine holistique
La médecine traditionnelle est une médecine
holistique en ceci qu'elle soigne l'être malade dans la globalité
(LANTUM D., op. cit.). C'est dire qu'elle ne se limite pas à
circonscrire le mal ou la douleur mais qu'elle recherche ses origines dans la
société où vit le patient. En clair, elle prend le tout
de l'être malade pour mettre en exergue les rapports entre ce tout et la
maladie. Dès lors, le patient est perçu comme une organisme
défaillant qui requiert une observation attentive. WERNER D. , affirme
à ce sujet :
La médecine naturelle revêt
des aspects de scientificité qui établissent des
corrélations entre les malades et son environnement. L'on ne peut
dissocier maladie, malade et société. Mêmes les maladies
dites héréditaires le sont parce qu'on vit en
société. D'où l'on ne doit pas toujours réduire la
maladie à la douleur. Ce défi, la médecine naturelle l'a
toujours relevé. (op. cit. p17)
En réalité, la médecine traditionnelle
africaine est héritière des cultures africaines qui estiment
qu'il y a de richesses que l'Homme. Par conséquent, l'être malade
doit être pris avec délicatesse selon la plupart des cultures
africaines. C'est la raison pour laquelle, le tradipraticien que les peuples du
Littoral camerounais appellent « Nganga » et/ou
« Mbock-Mbock », se faisait le devoir et l'honneur
d'héberger chez lui les malades et mêmes leurs proches venus le
soutenir. Ceci afin de mieux le soigner (DE ROSNY E. op. cit.). Dès
lors, il s'agit de permettre aux malades non seulement de guérir mais
aussi de retrouver leur place dans la société. SOW I.
déclare à juste titre :
Soigner le malade, c'est le comprendre et
identifier ses craintes, ses aspirations, ses liens sociaux aussi complexes
soient-ils. A l'évidence, c'est ce que font nombre de traditions
africaines en matière de santé. Ici, l'on est un présence
d'une médecine qui n'exclut pas le malade quelle que soit sa maladie.
Dans les familles africaines où l'on retrouve des enfants atteints de
démence ou de malades mentales, on les garde toujours avec soi à
la maison ou au foyer. Ceci parce que la famille est un tout et doit le
demeurer. On comprend alors pourquoi la médecine ici est un tout qui
soigne l'être en entier ( op. cit. ,p49).
La médecine traditionnelle moderne de l'AC
prônent bien des valeurs qu'elle semble avoir hérité de la
tradipratique et bien évidemment, des cultures africaines du Cameroun. A
l'AC, le malade est au centre des préoccupations même s'il ne
paie pas. Il est certain qu'on trouvera une solution pour lui. De plus, le
personnel de l'AC est fortement imprégné des règles de
civilité et de bienséance inhérentes à la
médecine africaine. La preuve en est que l'AC multiplie des
stratégies pour que les produits médicamenteux soient à la
portée de toutes les bourses. Bien plus, elle fait dans la consultation
à domicile qui se révèle être indispensable pour les
populations des zones reculées de la ville de Douala. Son statut de
médecine de proximité lui permet de résorber la demande
médicale des couches sociales démunies et de bien d'autres
personnes.
Tout bien considéré, la médecine
traditionnelle est « holistique »
(MBONJI E. op. cit.) et est à la portée de toutes les couches
sociales. On lui préfère la médecine moderne parce qu'elle
est proche de tout le monde et qu'elle soigne le corps et le psychique du
malade. On la retrouve un peu partout. Pour avoir accès à elle,
on n'a pas besoin de fournir beaucoup d'efforts (HATTIER, op. cit.).
CONCLUSION
A l'issue de ce chapitre, il convient de rappeler que la
médecine à l'AC accorde une place prépondérante
à l'être malade, à la relation thérapeutique entre
le traitant et son patient. Cette relation thérapeutique peut
être , comme nous l'avons vue, paternaliste, de sujet à sujet
mais beaucoup plus de compréhension mutuelle. En plus, sur la base de
nos observations, le social l'emporte sur l'économique et frise le
caritatif. Ceci pour permettre à bien des patients de guérir de
leurs maladies. Bien plus, nous avons également vu que patients et
traitants sont plus proches les uns des autres dans la médecine
traditionnelle que dans le médecine conventionnelle. Au surplus, la
médecine traditionnelle est une médecine de proximité et
une médecine holistique. Elle revalorise l'être malade et lui
accorde une valeur, une importance qui agit comme un moyen
thérapeutique. Par ailleurs, elle permet de revaloriser, de revisiter
les cultures africaines en matière de savoir médical (OMS, op.
cit.). Les africains de souche lui accordent du crédit et lui
préfèrent à la médecine conventionnelle (DE ROSNY,
op. cit.)
. CONCLUSION DE LA DEUXIEME
PARTIE
Le social et l'économique, dans les médecines
conventionnelle et traditionnelle africaines, ont fait l'objet d'analyse de
cette partie. Il était question de cerner les places qu'on leur accorde
dans les deux médecines à passant au scanner les relations entre
soignants et patients. A l'HLD, nous avons remarqué que
l'économique est à la base de tous les soins. Il sous-tend toute
initiative thérapeutique de quelle que nature qu'elle soit (SEUMO H.,
op. cit.) quand bien même des patients entretiennent de bons rapports
avec leurs soignants, ces rapports sont basés sur l'économique.
Même si peu après ils feront plus ample connaissance. Cependant,
on observe ça et là des îlots de conscience
professionnelle. Le rapport thérapeutique est donc fonction du rapport
économique. A l'AC par contre, les considérations
thérapeutiques prennent le pas sur l'économique. Patients et
traitants font des efforts pour être sur la même longueur d'onde au
point de former une famille où les membres se soucient du
bien-être collectif. De l'accueil au traitement en passant par la
consultation, le patient se sent en sécurité et met sa confiance
en son traitant (LANTUM D. op. cit.). Le traitant lui accorde une certaine
valeur, une certaine importance qui le revigorent et lui redonnent espoir. Le
soutien moral est plus considérable ici qu'à l'HLD où
l'on se demande même si les prestataires qui sont dans cet hôpital
connaissent ce que cela signifie. Toutefois, l'on doit pouvoir comprendre
que toutes ces médecines africaines ont chacune leurs tares
spécifiques. Les hôpitaux publics camerounais sont des
structures qui représentent un système politique qui a fait du
désordre, de l'incompétence, de la corruption et de la
négligence, ses normes. Le mauvais traitement du personnel soignant se
répercute directement sur les relations entre lui et ses patients
malgré le serment d'Hippocrate et l'existence du code de
déontologie médicale (MANUILA I, MANUILA M. et MICOULIN M.,
op. cit.).
Approche évaluative des
politiques sanitaires publiques du Cameroun
Il s'agit ici d'une approche critique et d'un regard
sociologique sur la politique sanitaire en vigueur au Cameroun. Nul ne peut
objectivement remettre en cause les problèmes que pose la distribution
des soins de santé dans notre pays. La sécurité sociale
apparaît à l'examen comme le dernier des soucis de nos
gouvernants.
Pourtant le budget de la santé publique au Cameroun est
souvent l'un des plus importants. Il se chiffre régulièrement en
centaines de milliards de francs CFA. Comment, dès lors, comprendre la
situation déficitaire, lacunaire de ce système sanitaire presque
toujours chronique que l'on observe ? Est-ce le fait de nos hôpitaux
publics accusés à torts ou à raison d'être
gaspilleurs ou mal gérés ? Est-ce la faute des pharmaciens
dont les profits sont taxés d'excessifs ? De toute façon, le
malaise des hôpitaux publics camerounais tire sa source de son
système politique (HOURS B., op. cit.).
En fait, en deux années (de 2005 à 2007), le
personnel soignant des hôpitaux publics a observé au moins deux
(02) mouvements de grève. Le malaise dans ces hôpitaux est de
deux ordres. Le malaise du personnel lui-même dû sans doute aux
mauvaises conditions de travail et aux salaires qui sont bas et par
conséquent ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins
basiques. Le malaise des patients qui lui, est dû à
l'irresponsabilité du personnel sanitaire. En clair, devant ce malaise
général, les responsabilités sont partagées. L'Etat
a les siennes, le personnel soignant a les siennes et les patients aussi ne
sont pas toujours exempts de tout reproche. (MEYER P. op cit).
Très souvent ; les malades rejettent sur le dos
des soignants toutes les difficultés sur lesquelles ils butent dans les
hôpitaux publics et ce à tort ou à raison. Cependant, l'on
doit comprendre que le personnel médical des hôpitaux publics
camerounais travaille dans des conditions inimaginables où le sacrifice,
l'oubli de soi et la débrouillardise sont les règles. Lors de
nos enquêtes, nous avons eu à rencontrer des jeunes
médecins qui n'avaient pas de salaires mensuels mais qui pourtant
devaient, chaque jour, donner le meilleur d'eux-mêmes en soignant les
malades à l'HLD. La conséquence de cette situation est qu'ils
exercent en consultations à domicile et désertent très
souvent leurs postes de travail à l'HLD. Ils sont en plus
sollicités par les cliniques privées. Ce qui leur permet de
survivre et de subvenir aux besoins de leurs familles. C'est pourquoi
rencontrer certains médecins n'est pas chose aisée dans la
soirée à l'HLD (il est des malades qui nous ont affirmer avoir
fait plus d'une semaine à chercher à rencontrer un
médecin). (HOURS B, op. Cit.).
A l'inverse, la médecine traditionnelle offre des
potentialités énormes qui permettent non seulement de
résorber les problèmes d'accès à la santé
mais aussi de l'exploiter. (LANTUM D. op cit). Les camerounais en
général et ceux de Douala en particulier la respectent et
aimeraient la voir légaliser et réglementer effectivement afin de
limiter tout débordement (ETOA M. in Cameroun tribune du 04 avril 2007).
Seulement, l'on sait que ce ne sera pas facile dans la mesure où les
grandes firmes pharmaceutiques mondiales la perçoivent comme une
concurrente voire un adversaire sérieux et redoutable en Afrique.
D'où elles exercent leur droit de veto sur l'Etat camerounais afin
qu'il réduise au maximum son essor. Malgré cela, elles n'y
parviennent pas puisque, de toute évidence, nous sommes passés
de la tradipratique à la médecine naturelle moderne faite
à base de plantes aux vertus thérapeutiques diverses (HATTIER,
op. cit.). Elles prennent de l'ampleur et l'OMS reconnaît dans son
rapport de l'année 2005 : « Près de
80% de la population africaine recourt à la médecine
complémentaire et parallèle pour se faire
soigner » (OMS, op. cit.). Par
conséquent, il y a fort à parier qu'elle a devant elle, un avenir
reluisant avec l'expansion, dans la plupart des quartiers de la ville de
Douala, des cliniques de médecine naturelles. Lesquelles sont tenues par
des spécialistes -généralement des docteurs qui ont fait
leurs études en Afrique de l'Ouest- (FAINZANG S., 1982).
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