CONCLUSION GENERALE
A l'entame de cette étude qui porte sur la
relation patient/traitant dans les médecines conventionnelle et
tradinaturelle africaines : Cas de l'hôpital Laquintinie et de
l'African Clinic de Douala (Cameroun), nous avions pour
question générale de recherche : « La
relation thérapeutique est-elle aussi indispensable que les
médicaments dans les deux formes de
médecines ? ». Cette dernière nous a
permis de meubler notre travail en nous appuyant sur plus d'une
hypothèse spécifique. L'objectif principal étant
d'établir les ressemblances et les dissemblances entre la
médecine conventionnelle et la médecine tradinaturelle dans la
prise en charge des patients respectivement à l'HLD et à l'AC.
Ainsi à l'AC et à l'HLD, nous avons remarqué que la
relation thérapeutique n'a pas la même importance. .
Ce qui implique que nos
hypothèses générale et spécifiques sont
confirmées.
A l'HLD, la relation. thérapeutique
a pour conditionnalité des
médicaments et l'économique. Le patient qui veut être
soigné ici doit d'abord « passer à la
caisse » ; avoir les moyens du coût du
traitement et pouvoir donner des dessous de tables au personnel soignant.
Dès lors, il pourra être pris en charge. Dans le cas contraire,
il est abandonné à lui-même. En plus, la relation
médicale ici est alors perçue comme une épreuve par nombre
de patients qui, à la fin, n'ont plus de volonté, subissent et
croient que l'hôpital public est un mouroir, une jungle, et un
labyrinthe où le personnel soignant dicte ses lois et enjoint les
patients à les suivre.
A l'AC par contre, le personnel soignant est sur la même
longueur d'onde que ses patients, il s'implique même dans la vie
privée des patients en faisant des consultations à domicile. Cela
entraîne un rapprochement entre le patient et son traitant. Il nous a
été donné de constater que la médecine naturelle
mieux tradinaturelle est une médecine
« complète et
holistique » parce qu'elle prend en compte tous
les aspects de la vie du patient (MBONJI E. op. cit.).
La méthode que nous avons utilisée pour
recueillir toutes ces données va des recherches documentaires et
livresques aux observations sur le terrain en passant bien sûr par les
entretiens de groupe, les entretiens individuelles et l'administration des
questionnaires. Les informations recueillies grâce à toutes ces
techniques nous ont permis d'étoffer notre travail et de le diviser en
deux parties, faites chacune de deux chapitres.
Les ouvrages que nous avons lus portaient sur la
méthode de la recherche et sur les questions de santé. Ces
ouvrages nous ont permis de mieux visualiser les techniques de collectes de
données les plus a même de nous aider à recueillir bien des
informations relatives à notre thème.
Les théories sociologiques dont nous nous sommes
servies étaient l'interactionnisme symbolique et sa fille
l'ethnométhodologie grâce auxquelles nous avons mis un accent sur
l'observation in situ, l'analyse des interactions entre patients et traitants,
les représentations qu'ils ont les uns des autres et enfin les ethno
méthodes (COULON A. , op. cit.) que chacun d'eux met en oeuvre pour se
faire soigner. C'est dire que notre travail a adopté une approche
compréhensive de la relation patient/traitant tant dans la
médecine conventionnelle que dans la médecine traditionnelle.
Les résultats auxquels nous aboutissons sont nombreux.
Tout d'abord, la médecine conventionnelle des hôpitaux publics en
général et de l'HLD en particulier, est une médecine sinon
à plusieurs vitesses selon les classes sociales, tout au moins à
deux vitesses lorsqu'on perçoit la société camerounaise
comme étant une entité bipolaire : les riches et les
pauvres. Nous sommes donc en présence de plusieurs types de
médecines dispensées dans une seule et même institution
médicale. Ainsi, quand on est riche, bénéficiera-t-on des
soins de santé conséquents et à la pointe des
innovations médicales. Quand par contre on est pauvre, il nous sera
dispensé des soins de santé approximatifs comme c'est très
souvent le cas à l'HLD.
En plus, la relation médicale est également
fonction de l'origine sociale du patient. Le patient qui est issus d'un milieu
social aisé a une relation dense et profonde avec le personnel soignant
lui permettant d'endiguer sa pathologie. Mais le patient qui est issu d'un
milieu social défavorisé n'a droit qu'à une prise en
charge médicamenteuse et non médicamenteuse faible et
insuffisante. En clair, à l'HLD, la thérapie
médico-sociale est fonction de la valeur économique du
patient.
Bien plus, certains soignants, pour améliorer leurs
conditions salariales, rackettent et rançonnent nombre de patients. Ces
derniers, pour être pris en charge, préfèrent consulter
dans les cliniques médicales privées qui se comptent par
centaines dans la ville de Douala. Le paquet minimum d'activités se
révèle être très souvent insuffisants pour tous
les patients qui arrivent aux urgences de l'HLD. La prise en charge sociale et
non médicamenteuse est insuffisante et presque inexistante.
Pour ce qui est de la médecine traditionnelle, l'AC
allie prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse pour
pouvoir soigner tous les malades qui sollicitent ses services. Les
médicaments sont à la portée de toutes les couches
sociales. La prise en charge médico-sociale est efficiente et la
relation thérapeutique est profonde à telle enseigne que l'AC
s'emploie dans les consultations et les hospitalisations à domicile.
Quand la maladie du patient est grave, le docteur TAJOUDINE se déplace
pour le soigner à domicile. Aussi remarque-t-on que les rapports entre
soignants et soignés sont denses. Tous vibrent en phase et sont toujours
sur le même diapason. Ce qui nous amène à penser que la
médecine traditionnelle est une médecine de proximité et
une médecine qui vient pallier les lacunes de la prise en charge
sociale du système sanitaire public du Cameroun. Sans elle, pour
sûr que le taux de morbidité et partant celui de la
mortalité seraient revues à la hausse au Cameroun , dans les
villes et les compagnes africaines (HATTIER, op. cit.).
La fonction sociale de cette forme de médecine vient
remettre sur la sellette l'épineuse question de sa légalisation
et de sa réglementation. En fait, on a le sentiment que l'Etat a sa
forme de médecine à savoir la médecine conventionnelle
occidentale qui, on l'imagine bien, lui rapporte des devises venant des
grosses firmes pharmaceutiques internationales. Ces dernières
s'attellent à lui exiger de ne pas légaliser la médecine
traditionnelle. Laquelle est la médecine de la plus grande partie des
populations camerounaise et africaine. Cette médecine traditionnelle
rend de fiers services à l'immense majorité de pauvres qui se
trouvent en Afrique.
Les promoteurs de cette forme de médecine ont vite fait
de comprendre cela. C'est pourquoi l'on assiste à une expansion des
« cliniques traditionnelles » mieux des cliniques de
médecine traditionnelle et naturelle partout au Cameroun en
général et à Douala en particulier. Cette expansion fait
le bonheur des couches sociales défavorisées de la ville de
Douala. Pour une maladie, on tourne dans un coin de la rue du sous quartier et
l'on se fait soigner par le tradithérapeute plutôt que d'aller
à l'HLD où il faut d'abord payer le taxi, acheter le billet de
session et après attendre. Tout ceci sans être sûr qu'on
sera bien reçu et traité à la fin ou qu'on pourra
rencontrer le soignant. La médecine traditionnelle est dès lors,
vue sous cet angle, une médecine
« palliative » pour les peuples
d'Afrique (FAINZANG S. op. cit.). Les Etats africains en général
et l'Etat camerounais en particulier, gagneraient à l'officialiser et
à la réglementer pour garantir le bien être des
populations. Elle représente un patrimoine et une richesse brute qu'il
leur incombe d'exploiter, de valoriser. Bien des camerounais, dès lors,
s'en trouveraient mieux (LANTUM D. op. cit.).
Quant aux hôpitaux publics, leur problème de fond
tire sa source dans les conditions salariales du personnel soignant. En
l'espace de deux ans, ce personnel a observé trois (03) mouvements de
grèves tous liées à ses conditions salariales. Un jeune
médecin, fraîchement sorti du CUSS n'a pas un salaire fixe.
Celui-ci varie entre 20.000 et 50. 000 Fcfa, quand on pense même
à le lui verser. Une infirmière n'atteint pas un salaire de
30 000Fcfa par mois. Quant aux infirmiers bénévoles, ils
font dans le sacerdoce. C'est dire qu'ils ne sont pas
rémunérés comme ils devraient l'être . Dans un tel
contexte, on comprend pourquoi nombre de soignants sont amenés à
rançonner, à maltraiter les patients, à négliger et
à mépriser leurs postes de travail. Ils ne leur accordent de
l'importance que dans la mesure où ils leur rapportent de l'argent.
Ensuite, parce qu'ils ne sont pas satisfaits de leurs
conditions salariales, ils inventent des palliatifs. Ce peut être en
rackettant les patients ou en exerçant en consultations privées
pour arrondir les fins de mois et pour survivre dans la ville de Douala
où cela est bien difficile lorsqu'on n'a pas un revenu stable et
conséquent. En outre, il faut admettre que la notion de respect de la
déontologie médicale fait défaut à bien des
soignants. A l'analyse, on comprend que bon nombre exercent ce métier
non pas par vocation mais bien plutôt par «
que faire d'autre dans la vie ». D'où nous
observons tous les dérapages qu'on leur connaît. Ainsi ils
perçoivent leur travail comme une contrainte et non comme un devoir. Par
conséquent, il faut capitaliser, tirer profit au maximum, même si
pour cela ils doivent faire fi de la déontologie médicale. Nos
observations nous ont poussé à croire que nombre d'entre eux ne
savent pas ce qu'elle signifie (les bénévoles et certains
aides-soignants). On pourrait donc comprendre que leur recrutement se fait par
parrainage, par copinage au détriment des règles de l'art.
Enfin, il se fait donc urgent de scruter de près les
milieux médicaux publics du Cameroun, au risque de les voir devenir,
davantage des sortes de mouroirs pour les malades. Il est aussi indispensable
de légaliser, de codifier et de réglementer la médecine
tradinaturelle pour pallier la morbidité dans les couches sociales.
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