III- La médecine tradinaturelle : un
palliatif au problème de santé publique en Afrique
La médecine tradinaturelle au fil des années
prend de l'ampleur dans l'espace public africain en général et
camerounais en particulier (YORRO S. op. cit.). Cela tient au fait que la
médecine conventionnelle ou occidentale vient d'ailleurs et qu'elle a
été en quelque sorte imposée aux peuples africains pendant
la période coloniale (M'BOKOLO E. op. cit.). Certains auteurs pensent
même que ce qui l'a fait perdurer et résister aux
velléités du pouvoir colonial de la phagocyter, c'est parce que
bien des africains traditionalistes l'ont toujours pratiquée
discrètement et secrètement. (DE ROSNY E., op cit). D'où
aujourd'hui, jouissant d'une certaine autonomie politique, les pays d'Afrique
l'ont en quelque sorte réhabilitée et restaurée (Ghana,
Sénégal, Togo, Bénin, Mali, Nigeria, etc.). De plus, l'on
ne peut exclure le contexte socio-économique qui favorise aussi son
embellie. Le PR LANTUM D. (op. cit.) a mis en relief les facteurs sociaux,
économiques et culturels qui sous- tendent son expansion.
1- Les facteurs d'expansion de la médecine
naturelle
Les facteurs explicatifs du retour en grâces de la
médecine traditionnelle (HOURS B. op. cit.) sont recensés par le
PR LANTUM Daniel, spécialiste des questions relevant de cette forme de
médecine au Cameroun. Il en a distingué 22 qui combinent le
social, l'économique et le culturel. Nous avons donc , pour les
énumérer, la lettre F comme initiale du mot facteur et la
numérotation va de 1 jusqu'à 22.
Les facteurs que nous avons évoqués plus haut
(cf. page 18 et 19) relèvent du social, de l'économique et du
culturel dans la médecine traditionnelle
« primaire ». Celle-là qu'on appelle tradipratique
et que DE ROSNY E (op. cit.) explore dans ses ouvrages. Dans la tradipratique,
tous ces facteurs sont confirmés. Mais dans la médecine
naturelle moderne, le souci de faire le profit se fait ressentir quand bien
même certains praticiens sont consciencieux, solidaires et hospitaliers.
Seulement, ils ne subliment par l'économique au même titre que
les médecins des hôpitaux. Il faut bien vendre les produits, se
nourrir, et s'occuper de la famille tout en satisfaisant ses patients. Il en
découle une consolidation des relations existant entre eux et leurs
patients, une bonne entente, un respect mutuel et une satisfaction mutuelle. En
clair, chacune des parties en présence tire profit de
« l'interaction de face à
face » (GOFFMAN E., op. cit.).
2- Une solution au problème d'infrastructure
sanitaire
La médecine tradinaturelle prend de l'ampleur comme
nous l'avons dit plus haut et dans chaque quartier, on remarque une
pléthore de « cliniques » traditionnelles. (HATTIER,
op cit). La ville de Douala en est remplie. Certes, nous ne disposons pas
encore de statistiques relatives à leur nombre, mais le plus
significatif est le rôle qu'elle joue auprès de la population
morbide. Plutôt que d'aller à l'hôpital qui est à des
années lumières du lieu où on est, on
préfère consulter directement tout à coté le
thérapeute de la médecine naturelle qui offre des prestations
sanitaires à faibles coûts et qui accueille bien. Plutôt que
de se rendre à l'hôpital où l'on n'est pas sûr d'y
être bien accueilli et de bénéficier de soins à
faibles coûts ou du paquet minimum d'activité (PMA). En outre,
c'est sans compter les frais de déplacement, l'attente de la
consultation qui, à elle seule, peut décourager le malade le plus
tenace.
Bien plus, il est vrai que les cabinets privés de
santé conventionnelle, se disputent le paysage médical avec les
« cliniques » traditionnelles, mais ils s'efforcent de
satisfaire la population morbide qui n'a pas de moyens pour se faire soigner
à l'hôpital. Ce dernier, pour nombre de patients, est un
labyrinthe et tout se marchande. La multiplication des cabinets de santé
de la médecine naturelle vient remédier aux lacunes notoires du
système sanitaire public du Cameroun notamment de Douala. Que ce soit au
Nord ou au Sud Cameroun, la médecine traditionnelle soutient la
médecine conventionnelle (FONTAINE M. op. cit.).
Au surplus, la médecine tradinaturelle est une
réponse de la société à la solidarité
organique (DURKHEIM E. op. cit.) parce que la médecine conventionnelle
semble la promouvoir. La médecine traditionnelle à l'inverse
replace l'homme au centre de ses préoccupations. Elle véhicule
des valeurs traditionnelles africaines d'entraide, de patience, de
générosité, de partage, d'intégrité, de paix
et d'oubli de soi (DE ROSNY, op. cit.). Les prestations de soins ici sont
encore pétries d'humanisme et valorisent l'Homme plutôt que
l'argent. La possession de ce dernier est bien difficile pour les classes
sociales pauvres. Selon le rapport 2006 du programme des nations Unies pour le
développement (PNUD), près de 47% de la population camerounaise
vit avec moins de 500F par jour.
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