II- De la place de l'économique à
l'Hôpital Laquintinie
L'accès à la santé nécessite le
concours d'un certain nombre de préalables, lesquels conditionnent la
guérison des patients ou des malades comme nous l'avons vu plus haut.
Nous avons également dit que dans cet accès à la
santé, les dimensions sociale et économique de la relation
thérapeutique sont de mises voire incontournables dans une ville de
douala où l'argent et tout ce qui s'y rapporte sont estimés,
valorisés et survalorisés. Dès lors, l'objectif de la
présente section est de mesurer, au travers de données
recueillies sur le terrain et de nos observations, l'importance de l'une et
l'autre de ces deux dimensions dans la médecine conventionnelle telle
que pratiquée par l' hôpital Laquintinie de Douala. Les
données analysées et interprétées ici sont issues
des pavillons de la maternité et de la médecine de l'H.L.D.
1- Patients et traitants dans les prix des soins
La relation thérapeutique en rapport avec les
conditionnalités d'accès à la santé notamment les
prix des médicaments et des soins, révèlent que l'argent
est roi dans cet hôpital. Déjà pour y accéder,
à des heures sommes toutes indues, il faut débourser une somme de
cent francs FCFA (100Fcfa). C'est dire qu'autant d'entrées, autant de
pièces de 100Fcfa à débourser ou à remettre aux
vigiles prostrées au portail central de cet hôpital. Cette somme
que qu'on réclame à tout les visiteurs ou gardes- malades,
servirait à l'entretien des locaux et des bâtiments de cet
hôpital. Seulement, pour nombre de visiteurs, l'on se demande bien si
effectivement ces pièces de 100Fcfa servent à l'entretien de cet
hôpital puisque l'entretien de l'hôpital est
budgétisé. C'est sans doute pour cette raison que plusieurs
visiteurs interviewés à ce propos pensent comme M. LINDJOUN Luc,
agent de l'Etat à la délégation provinciale des
enseignements secondaires du Littoral :
Hier, quand j'ai amené mon fils
était gravement malade, je suis ressorti pour acheter des
médicaments. Au retour, ils m'ont exigé le billet
d'entrée. Je n'avais pas de pièce d'argent sur moi. Ils m'ont
fait perdre une quinzaine de minute. Quand je suis arrivé du bloc
opératoire, mon fils était déjà dans le coma. Il
faut qu'on réglemente cette activité. Ils viennent importuner
les nobles citoyens même quand le maladie les frappe. Quand je pense
qu'à cause des 100F qu'ils demandent là à l'entrée,
j'ai failli perdre mon fils, ça me révolte.
(Entretien à l'entrée de l'hôpital
Laquintinie). M. BALEP Valentin pour sa part déclare :
J'ai amené mon épouse ici
hier pour rendre visite à un collègue de service . Au niveau du
portail, on nous intercepte parce qu'on n'avait pas acheté de billet
d'entrée. Alors que je me dirigeais vers le guichet pour le faire, l'un
des concierges, celui qui a les rastas comme un fou là, a eu l'audace de
poser ses mains sur les fesses de mon épouse. Il est même
allé jusqu'à touché ses seins. J'ai failli faire sortir
mon arme de sa sacoche pour lui donner une bonne leçon. C'est pour
100FCFA qu'il manque de respect envers les honnêtes citoyens. En plus,
dès l'entrée, il faut payer, à l'intérieur alors,
c'est grave. On ne regarde bien que ceux-là qui paient et paient bien.
(Entretien réalisé le 09-02-09) au pavillon de la
médecine de la médecine de l'hôpital Laquintinie).
Bien plus, la particularité des analyses sur les prix
est que ce sont les patients issus de classas démuni qui se plaignent.
Le personnel soignant pense que ces prix des médicaments sont
abordables pour les patients issus d'une classe moyenne. Mais, il semble
oublier que ce ne sont pas tous les patients qui sont issus des classes
moyennes. L'accès à une consultation au niveau des services
externes nécessite une somme de 1200Fcfa. La consultation qui elle, est
parfois « mécanique et
machinal » (Selon les termes d'un patient qui a requis
l'anonymat) ne porte que sur les douleurs physiques dans la plupart des cas. A
l'issue de cette consultation, l'on doit débourser au moins 3000Fcfa
pour acheter les médicaments prescrits.
Au surplus, payer les prestations sanitaires, en soi n'est
pas mauvais dans la mesure où cela permet de faire fonctionner
l'hôpital. (70% des revenus de cet hôpital sont alloués
à son fonctionnement et les autres 30% sont envoyés à la
tutelle qui n'est autre que le Ministère de la santé publique).
Mais bien des patients n'acceptent pas qu'on exige le paiement des frais
hospitaliers avant tout soins au point de permettre que les patients gravement
malades passent de vie à trépas. Aussi avons-nous vu des patients
délaissés pour des affections bénignes. D'autres
agonisants et couchés à même le sol à cause du
manque d'argent. Une infirmière est même allée
jusqu'à dire :
Laquintinie n'est pas le cap de bonne
espérance, encore moins l'hôpital du bon samaritain. La
règle est simple ici. Si tu es malade, tu payes avant d'être
soigné. Vous nous causez du souci. Nous n'avons pas des
médicaments gratuits ici. Le paquet minimum n'est pas suffisant. La
demande de soins est supérieure à l'offre médicale.
(Propos recueillis lors des observations faites à
Laquintinie).
La maternité offre un spectacle porteur de sens en
ceci qu'elle s'est présentée comme un laboratoire in vivo
(MENDRAS H., op. cit.). Les femmes en pleine parturition sont parfois
traitées comme des bêtes de somme. Plus d'une fois, il a
été question d'une atteinte à la dignité humaine
comme l'atteste le cas de figure qui suit et dont les principaux acteurs
sont les sages-femmes et les femmes enceintes. «
Tu pleures maintenant, alors que le jour où ton type et toi
faisiez cela, jouissiez là-bas, nous étions là ? Si
tu veux, meurt même une fois. Les vieilles femmes comme ça qui
viennent déranger les gens ici » (Propos d'une
infirmière accoucheuses de la maternité de l'HLD). Quand le
patient ne paie pas, il dérange. Mais quand il paie, il ne
dérange pas. Parfois, aux faîtes de douleurs atroces
qu'éprouve une femme en pleine délivrance, certaines se
permettent de manquer du sérieux dans l'accomplissement de leur
tâche. C'est là que les injures fusent de toutes parts (DIAKITE
T., op. cit.) et que l'on néglige son poste de travail (MEYER P., op.
cit.).
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