DEUXIEME PARTIE :
LE SOCIAL, L'ECONOMIQUE ET LA RELATION PATIENT-TRAITANT
DANS LES DEUX FORMES DE MEDECINES
Introduction
La présente partie s'appesantie sur les places
qu'occupent le social et l'économique dans les deux formes de
médecines. Ces places respectives se manifestent par l'importance que
les praticiens accordent à ces deux dimensions qui font partie
intégrante de l'accès à la santé. En fait, il est
ici question de savoir si la place qu'occupent le social et l'économique
dans la médecine conventionnelle est identique à la place
réservée à ces deux aspects dans la médecine
complémentaire et parallèle (OMS, 2002-2005). Dès lors,
nous plongerons dans l'univers de la perception de ces deux dimensions de la
thérapie tant dans la médecine moderne des hôpitaux que
dans la médecine traditionnelle encore appelée médecine
alternative (OMS, op. cit.). Ceci par l'analyse des interactions qui existent
entre soignants et soignés aussi bien à l'HLD qu'à l'AC de
cette même ville. Il convient de signaler d'entrer de jeu que cette
étude s'inscrit dans une perspective comparative. Aussi nous
référons- nous de temps à autre aux anecdotes, aux
récits de vie et aux observations prises sur notre terrain de recherche.
Ainsi, le premier chapitre de cette partie portera un regard sur la place du
social et de l'économique dans la médecine conventionnelle
à l'HLD, le second tournera autour de ces mêmes dimensions, mais
cette fois dans la médecine traditionnelle telle qu'elle est
pratiquée par l'African Clinic.
« Dans cette tâche d'entretien
d'un bon moral chez un malade intervient la personnalité du
médecin qui le soigne. Nous ne dirons jamais assez combien le rôle
de celui- ci est important et à quel point il peut modifier, par sa
propre attitude, les réactions du malade devant la
maladie. »
Maurice TIECHE (op. cit.)
CHAPITRE III :
LE SOCIAL ET L'ECONOMIQUE DANS LES RAPPORTS ENTRE
TRAITANTS ET PATIENTS A
L'HOPITAL LAQUINTINIE DE DOUALA
Introduction
L'accès à la santé dans la ville Douala
est une préoccupation majeure pour la population morbide (HOURS B. op.
cit.). Chaque malade a généralement devant lui un
répertoire diversifié d'offre médicale dans bien des
structures sanitaires. L'Hôpital LAQUINTINIE est, comme nous l'avons dit
plus haut, fortement sollicité au regard des foules de malades qu'il
accueille et du nombre sans cesse croissant des patients qui y
séjournent. Seulement, pour que toutes ces personnes puissent
accéder à la santé, il est des conditionnalités
à remplir. Ces conditionnalités, sommes toutes, tournent autour
des finances et du social. La notion de relation étant usitée ici
au sens bourdieusien. En fait, elle renvoie au « capital
social » d'un patient alors que l'économique
renvoie à ce que BOURDIEU P. (1980) appelle le
« capital économique »
(p25). Les rapports entre le personnel soignant et leurs patients
s'entretiennent donc sur la base de ces deux dimensions, selon la
gravité de la maladie dont chaque patient souffre. Le présent
chapitre tourne par conséquent autour de l'importance que les
prestataires de soins accordent aux dimensions sus-évoquées.
C'est à ce niveau que se révèlent nombre de pratiques qui
nous intéressent à plus d'un titre en tant que sociologues et qui
mettent en évidence « les paliers en
profondeurs » (GURWITCH G.) de l'accès à
la santé dans les hôpitaux publics en général et
à l'HLD en particulier. Dès lors, nous présenterons les
cotés officiel et officieux de la relation patient/ traitant, tout
autant que nous mettrons en évidence les fondements de ces relations
selon les principes cardinaux de la médecine conventionnelle.
I- A la Base des rapports entre personnel soignant et
patients à l'HLD.
Les rapports entre le personnel soignant et leurs patients
doivent être vus sous deux angles : le formel ou l'officiel d'un
coté et de l'autre, l'informel ou l'officieux. L'officiel à trait
ici au respect du code de la déontologie médicale et au respect
du serment d'Hyppocrate.
1- Des normes officielles d'accès aux prestations
sanitaires
Toutes ses normes se résument dans la notion de la
déontologie médicale. Cette dernière dérive de
l'association de deux mots grecs. Ainsi, nous avons le mot
« déontos » qui renvoie à ce qu'il convient
de faire ou de ne pas faire. Le deuxième mot
« logos » renvoie au discours. Il s'agit alors d'un
discours médical sur la conduite à tenir ou sur ce qu'il
convient de faire ou de ne pas faire. La déontologie peut être
aussi comprise comme l'ensemble des règles et des devoirs qui
régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent. Les
rapports entre ceux-ci et les clients ou le public (MANUILA M. Et MANUILA I.
1996). En conséquence, c'est un ensemble de principe moraux qu'un
travailleur exerçant dans un domaine précis est tenu d'observer,
de respecter et d'honorer pour donner un bonne image de son travail et de sa
profession afin d'améliorer les conditions de vie des individus en
société . La notion de déontologie médicale se
situe dans le même sillage, ceci dans l'optique de sauver des vies et de
guérir les malades (MEYER P. op. cit.).
En clair, la profession de personnel soignant semble donc
être des plus délicates parce qu'elle permet aux personnes malades
de se rétablir et de recouvrer la santé mise à rude
épreuve par la maladie. Cette dernière menace très souvent
la vie des individus et pis, la leur arrache. D'où le besoin de se
faire soigner par un prestataire de soins se fait alors pressant. Par
conséquent il apparaît une nécessité sociale de
recourir à un thérapeute. Le cas échéant, c'est la
morbidité et/ou le décès. Les praticiens de la
santé s'apparentent donc à ce que nous pourrions appeler les
gardiens de la santé physique, mentale et sociale. Autrement dit, ce
sont des protecteurs et des promoteurs de la bonne santé des individus
en société (WERNER D. op. cit.). cette tâche - étant
entendu qu'elle ambitionne de restaurer la santé des patients,
présente cependant des risques, des dangers qui ne peuvent être
éviter qu'avec la bonne formation du personnel de santé et le
respect scrupuleux, de la part de celui-ci, de la déontologie
médicale.
· · De la qualité de l'accueil
réservé aux patients
Le respect de la déontologie médicale commence
avec la qualité de l'accueil réservé aux patients.
(FAINZANG S. op. cit). Cet accueil doit être chaleureux et
zélée. En effet, la maladie comme le dit David WERNER (op.
cit.), est d'abord une affaire psychologique. Il faut donc que le
médecin ou l'infirmière sache accueillir les malades, car selon
lui « The first contact and those who follow with the
patients are very decisive and very important in the healing
process. » (p17). La qualité de l'accueil, en
d'autres termes, est déterminante dans le prélude à la
guérison du patient. (MICHAEL H. et alii, op. cit.) Le patient doit
être pris avec délicatesse, avec tact, avec douceur parce
qu'étant diminué amoindrit par sa maladie. Il faut donc de la
part du personnel soignant un maximum de patience, d'écoute,
d'attention et beaucoup d'égards envers les malades. Le respect de ces
prescriptions favorise la guérison de leurs patients.
· L'enregistrement du malade
Il s'agit ici d'une étape importante. Il est question
de recueillir les informations liées à la personne même du
malade. Il s'agit de son âge, de son quartier résidentiel, de sa
profession, de son sexe, de son heure d'arrivée à l'institution
hospitalière. Bref, lors de l'enregistrement du patient, le personnel
soignant doit glaner le maximum d'informations possible. Ceci afin de savoir,
mieux de connaître ses antécédents avec la maladie.
L'enregistrement permet aussi d'établir les statistiques sur le taux de
prévalence de certaines maladies pour des besoins
épidémiologiques.
· De la consultation des malades
La consultation est incluse dans l'accueil et est capitale
lorsqu'il s'agit de poser le diagnostic (CELERIER I. op. cit.). Elle est
synallagmatique et /ou réciproque. Autant le patient consulte son
médecin traitant autant celui-ci le consulte dans la mesure où il
lui demande ce qui ne va pas, ce qu'il ressent. La consultation est
« bonne » quand le traitant permet aux patients de
s'exprimer librement. Quant le médecin ou l'infirmier écoute
attentivement le malade et lui consacre un temps considérable qui est
fonction de la gravité de la maladie. Ce qui doit induire un examen
minutieux du malade (BEISECKER, op. cit.).
L'auscultation du malade est donc non négligeable dans
l'accueil qui lui est fait ceci parce qu'elle permet à l'infirmier de
tirer avec exactitude des conclusions sur la nature de son mal, sur la nature
de la maladie dont souffre son patient. Le tact, la douceur et la patience
entrent donc en jeux tout comme le questionnement continu du malade. Le
touché est aussi important dans cet examen (CARRICABARU D. et MENORET
M. op. cit.). L'étape de la consultation achevée, s'ensuit celle
de l'orientation du malade soit chez un spécialistes, soit à la
pharmacie, soit un généraliste et soit dans un pavillon
précis pour son internement ou son hospitalisation. Celle-ci est
subséquente à la décision du service des urgences
à d'interner le malade.
· L'orientation du malade
Il s'agit ici d'envoyer le patient dans le pavillon
approprié pour sa maladie, ce service est le plus à même
de faire en sorte qu'il guérisse vite de sa maladie en
bénéficiant de l'expertise des spécialistes dans ce
domaine. Il n'est donc pas question d'orienter un malade souffrant du paludisme
à la chirurgie alors qu'il doit être envoyé au pavillon de
la médecine générale ou encore d'envoyer une femme en
pleine parturition à la radiologie plutôt que de la conduire au
pavillon de la maternité (NCHINDA T. op. cit.). On comprend dès
lors que l'orientation qu'on doit donner aux malades est fonction du type de
maladies dont ils souffrent. Tous ces principes de la déontologie
médicale sous-entendent que le personnel ait été bien
formé, qu'il soit régulièrement soumis au recyclage en
vue d'un traitement efficient des patients.
-La formation du personnel et le
traitement des patients
LA déontologie médicale considère la
qualité des soins comme s'intégrant dans un tout cohérent
car, elle commence avec la qualité de la formation du personnel
médicale et se répercute sur la qualité des soins
dispensés aux malades. Il y a donc un lien logique entre leur bonne
formation et leur degré élevé de conscience
professionnelle (NCHINDA T. op. cit.).
- La formation du personnel
Outre la maîtrise de la médecine, elle inculque
au personnel de santé un sens poussé des valeurs de
ponctualité, de rigueur, de responsabilité, de patience,
d'humilité, d'humanisme etc. ; parce qu'il s'agit de sauvegarder
la vie des acteurs sociaux. Lorsqu'on prête le serment d'Hippocrate, l'on
n'est tenu de ne manquer sous aucun prétexte à son devoir. La
santé du patient doit primer sur toutes les autres
considérations. Le personnel de santé est donc obligé
d'être rompu à la tâche et de maîtriser celle-ci dans
tous ces contours. Dans le cas contraire, les conséquences seront
désastreuses. La Déontologie médicale doit donc être
à la base de toute action que pose un agent de santé. Elle
codifie tous ces agissements dans la structure médicale de même au
sein de la société. De toute façon, d'après elle,
le personnel de santé est le gardien de la santé des individus
en société. Il ne peut bien assumer cette tâche s'il n'est
pas au préalable bien formé ; ce qui aurait des
répercussions sur la qualité des prestations sanitaires et bien
évidemment sur la qualité du traitement dont les patients
feront l'objet.
- Le traitement des patients
La qualité de la formation comme, nous l'avons vu plus
haut, ne va pas sans conséquence sur la qualité des prestations
sanitaires tant il est vrai que tout ce que l'on fait avec
célérité dépend du background qu'on a. Quant un
agent de santé a été bien formé, il est fort
probable qu'il prenne très au sérieux son devoir. Il suscite la
confiance aux patients et ceux-ci se sentent en sécurité avec
lui. Ce qui est un grand pas vers la guérison (SPEEDLING E. and ROSE
D., op. cit.). C'est pourquoi la relation entre le malade et son traitant doit
être une relation de confiance mutuelle et toute aussi de respect
mutuel. Ajouter à l'action de la cure, le malade se sentira bien dans sa
tête. Tout ce qui affecte le psychique du malade retarde ou
accélère sa guérison. MEYER P. op cit). En plus, il est
strictement interdit qu'il fasse l'objet d'une vente illicite des
médicaments au sein de la structure sanitaire dans laquelle il
séjourne.
· Le serment d'Hippocrate
- Soulager la souffrance et conserver la
vie
Ce serment vise la conservation de la vie et sa protection
au travers de l'action thérapeutique. Mais pour y parvenir, il faut
soulager le patient de ses maux et de ses douleurs qui l'affaiblissent
l'amoindrissent sur les plans physique et psychologique. Soulager le malade,
c'est donc l'aider médicalement à se rétablir. C'est
l'amener à recouvrer sa santé et faire en sorte que ses douleurs
s'estompent aux moyens d'une bonne prise en charge psychologique et d'un
traitement efficace. Le préventif et le curatif jouent ici un rôle
déterminant dans le prompt rétablissement du patient (KNUESEL R.
op. cit.).
En outre, conserver la vie est synonyme de la primauté
de la vie du patient sur les priorités du personnel soignant. Cela est
la priorité des priorités. Pour q'un patient ou un malade
gravement souffrant soit amené à l'hôpital et que
personnel médical soit sur le point de s'en aller celui-ci doit
s'occuper de lui premièrement et faire tout ce qui est en son pouvoir
pour le maintenir en vie (FAINZANG S. op. cit.). Il devra donc user de son
expertise pour sauver ce malade qui est dans un état critique. La
conservation de la vie part de la prévention jusqu'à la
guérison du patient grâce aux médicaments en passant par
les séances d'éducation sanitaire. L'infirmier ou le
médecin se doivent donc d'être les garants ou les
dépositaires de la santé ou du moins de la vie des individus.
Ce n'est pas à eux de décider de la mort d'un individu du fait
qu'il soit en proie aux maux ineffables. Lorsque le personnel de santé
entretient des relations thérapeutiques avec des malades, il doit
pouvoir garder le secret médical.
· Savoir garder le secret
médical
Le métier d'infirmier et celui de médecin sont
très délicats dans la mesure où le personnel de
santé est toujours au contact de milliers de personnes qui le consultent
et dont il est très souvent appelé à connaître
l'intimité et les secrets. Ce personnel connaît bien de secrets
propres aux acteurs sociaux quand le sont les malades. Les hommes, les femmes
et les enfants lors des consultations, sont amenés à leur confier
leurs secrets les plus intimes afin qu'ils fassent un diagnostic adéquat
ou approprié. Ils sont obligés de s'ouvrir à ce personnel.
On comprend dès lors que le médecin ou l'infirmier ne doivent pas
divulguer une information liée à la vie de leur patient sauf si
c'est dans un cadre strictement professionnel. Mais, quant à ameuter
l'entourage sur tel ou tel autre patient, cela est fortement interdit pour
favoriser le plein épanouissement des patients dans les hôpitaux.
On peut donc dire qu'avec la déontologie médicale, les patients
ou du moins les malades sont assurés d'être bien traités du
moins dignement (BENSING J. M., 1991, P40).
En somme, ce tour d'horizon des normes et des bases officielle
sur lesquelles sont fondées les interactions entre soignants et
soignés à l'hôpital Laquintinie de Douala nous permet de
les assimiler à des garde-fous sans lesquels il serait difficile de se
faire soigner dans cet hôpital. Seulement il nous a été
donné de constater lors de nos enquêtes, que quand bien même
ces normes officielles existent, elles côtoient d'autres qui,
celles-là, sont « officieuses ».
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