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La relation thérapeutique dans les interférences entre la biomédecine et la tradipratique. Une lecture anthropologique à  l'hôpital Laquintinie et à  l'African Clinic de Douala (cameroun).

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par Bruno Duovany BEKOLO ENGOUDOU
Université de Douala (Cameroun) - D.E.A en anthropologie, mention santé 2007
  

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2- De la tradipratique à Douala

La tradipratique encore appelée tradithérapie, médecine traditionnelle, existe depuis belle lurette dans la ville de Douala. Seulement, tous ceux-là qui adjoignent à cette médecine une dimension ésotérique se retrouvent, mieux sont localisés dans les banlieues de la ville Douala. Le propre ou la particularité de la tradipratique est qu'elle allie la thérapie à l'ésotérisme. Donc elle intègre une dimension métaphysique, méta naturelle (HEGBA M. 1973). Les cas de figure relevés par le prêtre DE ROSNY dans la ville de Douala des années 1980-1992 illustrent notre propos (op. cit.)

En outre, la tradipratique, comme le dit AURENCHE E, inclue une bonne dose de la dimension traditionnelle. Par conséquent, le « Nganga » (DE ROSNY op. cit. p30), peut faire appel aux forces occultes pour soigner son patient. Le « Nganga » est le tradipraticien. C'est l'appellation Duala du tradithérapeute-. A Douala, ils sont nombreux et exercent leur métier dans leurs domiciles. (Pour ceux qui ont préféré rester dans la ville). Ils jouissent d'ailleurs d'une bonne réputation.

Le « Nganga » est un homme tout à la fois admiré et craint. Admiré pour les services inappréciables qu'il rend à ses patients. C'est généralement un monsieur d'âge mûr, marié et père d'enfants. Son attitude toujours paternaliste qu'il adopte face au malade traduit son désir de susciter la confiance en celui-ci. C'est le cas du « Nganga » que nous allons appeler X pour des besoins d'anonymat. X est non seulement tradipraticien mais également chef de quartier à Deido. X est comme un père pour tous ses patients, lesquels affirment : « Il nous écoute, il nous conseille et il nous soigne. Parfois, quand j'ai des problèmes dans mon foyer, il appelle ma femme et moi pour qu'on s'arrange » (Entretien réalisé le 05-01-07 au quartier Deido au domicile du chef de quartier).

Le tradipraticien est craint par ses patients parce qu'il détient un pouvoir qui lui vient de ses aïeuls, de ses ancêtres. En effet, le fait de pouvoir faire guérir un malade de sa maladie entraîne immanquablement du respect de la part de celui-ci et de ses proches. Dès lors, quand on adjoint à ce pouvoir, le mystique, l'ésotérique, domaine non moins important pour le vrai africain, il est certain que le tradipraticien sera admiré, honoré et tout aussi craint. Ce qui lui permet sans doute de comprendre ses malades et de les soigner. Les tradipraticiens sont nombreux dans la ville de Douala. Il n'y a qu'à suivre les annonces qu'ils font lire aux média de la place. Seulement, ceux qui font ces annonces sont beaucoup plus phytothérapeutes que tradipraticiens ou pour emprunter un mot cher à ERIC DE ROSNY, que « Nganga ». il s'agit, entre autres bien sûr ,du Dr Prince Aimé de New-bell, du Dr ABIDOU, du Dr LOUMPIT et qui chacun dispose d'une pharmacie considérable dans sa clinique. Ceux-là sont plus scientifiques que les Nganga ou les « Mbock-mbock » (tradipraticien, chef traditionnel en langue bassa du Cameroun).

Ces scientifiques de la médicine naturelle, de par ces annonces, bénéficieront d'une aura considérable. Les tradipraticiens par contre doivent très souvent se contenter du téléphone arabe (Nouvelle qui se transmet de bouches à oreilles). Ce qui fait penser au paradigme épidémiologique de Henri MENDRAS (Rocher G, 1968). Selon ce paradigme, une innovation se répand sur une population comme une épidémie de choléra sur celle-ci ou comme un tâche d'huile sur une feuille blanche. Ce qui veut dire que pour les « Nganga », les patients fidélisés vont parler de leurs prouesses aux personnes malades et les leur conseillent. C'est ainsi ici qu'ils finissent par devenir célèbres et jouissent aussi d'une bonne réputation.

L'assimilation de la réputation du tradipraticien à l'expansion d'une innovation tient au fait que le processus est sensiblement identique. Un tradipraticien qui exerce nouvellement dans la ville de Douala et qui vient de s'y installer est vu comme un « fait nouveau » par la population de son quartier. Ceux des malades qui vont l'aborder en premier se rapprochaient de ce que MENDRAS H. appelle « les pionniers ». Ces derniers, ayant été guéris par ce nouveau tradipraticien, s'en iront ne et ne manqueront pas de parler de lui à leurs proches. Ceux-ci, lorsqu'ils tomberont malades, se rendront volontiers chez notre tradipraticien. Ils constitueraient ce que MENDRAS H. désigne par la notion de « la majorité précoce ». Celle-ci va également entrer en contact avec d'autres malades qui jusque-là, avaient hésité à consulter le tradithérapeute pour des raisons sommes toutes subjectives. Mais ayant vu les prouesses dudit tradipraticien sur leurs proches, ils se décident alors de se faire soigner par lui. Cette catégorie est appelée par Henri MENDRAS « Les retardataires ». La dernière catégorie, celle dite des « réfractaires », est celle qui abhorraient ou tenaient en piètre estime la médecine traditionnelle et lui préféraient les hôpitaux. Cette catégorie est caractérisée par son conservatisme. Cependant, Henri dit qu'à force d'entendre parler de la médecine traditionnelle et de ses vertus, ils se verraient obliger de reconsidérer leur position, leur attitude envers elle.

L'évolution de la réputation du tradipraticien que nous venons de faire et que nous avons assimilé au paradigme épidémiologique de Henri MENDRAS, met en évidence les étapes qui sous-tendent la construction et la consolidation de ladite réputation. La réputation dont il est question ici, est la résultante du type de rapport que ce Nganga aura au préalable entretenu avec tous ses patients. C'est sans doute ce qui fait dire à PIAULT C. (1975) que ce qui fait la force d'un thérapeute, c'est son aptitude à comprendre et à réconforter ses malades dans tous les rapports qu'il a avec eux. Selon lui donc, la médecine doit pas seulement être somatique, elle doit s'occuper tout à la fois du psychique et du somatique (le corps) du patient. C'est également un des objectifs que s'efforce d'atteindre la médecine naturelle dans cette ville.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery