3. De la présence des gardes- malades
à l'HLD
S'il est une remarque que l'observateur occidental puisse
faire quand il étudie les hôpitaux africains en
général, ceux du Cameroun en particulier, c'est celle ayant trait
à la présence aux côtés du patient, de proches
parents qui l'aident et veillent sur lui pendant tout son séjour
à l'hôpital. En Occident, les gardes- malades sont une
catégorie socioprofessionnelle. C'est dire qu'ils sont recrutés
par le ministère en charge des questions sanitaires et médicales
en tant que personnel à part entière de la santé publique
(CARRICABURU D. et MENORET M., op. cit.). Leur devoir est de s'occuper du
patient pendant son séjour à l'hôpital surtout quand il y
est interné. C'est du moins ce que révèlent FASSIN D. et
JAFFRE Y. (op. cit.). En Afrique par contre, et notamment au Cameroun, les
gardes- malades sont généralement les proches du patient. Ce sont
soit ses parents, soit ses frères, soit ses amis et/ou ses
connaissances.
Les gardes- malades viennent pallier le déficit en
personnel médical de nos hôpitaux. Etant donné que l'Etat
ne peut pas recruter des gardes- malades qui devront laver, nettoyer les effets
du patient, l'écouter, lui donner à manger, créer des
liens avec lui, liens qui doivent l'aider à avoir un moral haut, rien de
mieux que les proches parents ou amis pour pouvoir jouer ce rôle.
Dès lors, l'on comprend pourquoi quand on visite les
pavillons de ces hôpitaux, on rencontre des patients toujours
accompagnés des leurs. Ces derniers sont le relais entre eux et le
personnel soignant au point où on peut affirmer sans ambages que le
patient qui se rend dans un hôpital africain sans être
accompagné des siens alors qu'il est dans un état critique,
rencontrera bien des difficultés pour accéder aux soins (DIAKITE
T., op. cit.).
A l'HLD ou du moins dans les pavillons que nous avons
visités, il nous a été donné des remarquer que huit
patients sur dix étaient accompagnés des leurs proches parents ou
amis. Dans les salles d'hospitalisation du service de la médecine par
exemple, les gardes- malades rencontrés pour la plupart disaient
connaître les malades pour lesquels ils étaient là. C'est
le cas d'Alain qui dit :
Mon petit frère a été
victime d'un accident de voiture qui l'a gravement blessé. Si
je ne venais pas le garder ou quelqu'un d'autre de la famille, il serait
certainement mort. Le médecin a dit que je dois l'essuyer au moins cinq
fois par jour à cause de la chaleur. Si non, ses blessures vont
dégager une mauvaise odeur. Je ne vois pas quelqu'un d'autre pouvant
accepter un travail et un sacrifice de ce genre si ce n'est pas un membre de
ta famille ou si n'est pas ta personne. (Entretien du 10 janvier
2007).
Un témoignage identique nous est fait par madame ABENA
Célestine, garde- malade de son époux :
Mon mari a une blessure qu'il porte depuis
un an. Il faut beaucoup de patience pour supporter ses caprices et ce
que le médecin veut qu'on fasse pour lui. En plus, beaucoup d'eau sort
de sa blessure. Je crois que ce n'est que moi qui peux supporter ce genre de
chose parce que c'est mon mari. Je dois le laver, nettoyer ses vêtements.
Tantôt il veut manger ceci, tantôt il veut manger cela. Ce n'est
pas facile. A la maison, les enfants sont seuls. C'est ma voisine qui les aide
à faire la cuisine. Il faut également acheter les
médicaments et aller toujours appeler le major ou l'infirmier quand il
fait une crise. Ce n'est pas facile, mais je supporte. (Entretien
du 12 décembre 2006).
L'état de morbidité fait donc que le garde-
malade doit être des plus patients, disponible et éveillé.
Ces attributs viennent alors faciliter l'accès auprès du
personnel soignant des pavillons.
Le garde- malade joue un rôle très important
voire indispensable dans la relation que son malade entretient avec le
traitant. Sans lui, il serait difficile pour le patient - surtout dans une
auguste formation sanitaire comme l'HLD - de se retrouver ou de se
repérer. A cela, s'adjoint la douleur qui, très souvent, le
terrasse. Le garde- malade vient alors lui permettre de ne pas avoir de soucis
supplémentaires susceptibles d'aggraver sa maladie.
Les gardes- malades qui viennent faire consulter leurs
patients dans les services externes vont d'abord acheter un carnet
médical au guichet ensuite, il se dirige au service de consultation
externe situé au dessus des urgences où ils feront prendre des
paramètres (pouls, température, tension, informations
paramédicales et para symptomatiques). Enfin, il faut attendre l'appel
de son nom, lequel donne accès auprès du médecin.
L'attente de l'entrevue avec le médecin semble être une
étape éprouvante. C'est ici que le garde- malade doit faire
preuve de patience parce que le médecin est fortement sollicité
par les autres patients. Le garde- malade, s'il n'est pas
téméraire, risquerait de perdre patience. A cela s'ajoutent bien
souvent les gestes douloureux et pathétiques qui n'hésitent pas
à vous arracher les larmes.
Après la consultation, les consignes sont
données aux gardes- malades par le médecin ou l'infirmier lui
signifiant la conduite à tenir par le malade. Il s'agit de la posologie
des médicaments, de l'explication de l'ordonnance. Dans le cas où
le patient n'est pas à même de prendre acte toutes les
recommandations à lui données, c'est à lui que le
personnel soignant explique la posologie (BLANCHARD G., op. cit.). La
posologie se rapporte à la fréquence avec laquelle le malade doit
prendre un médicament précis.
En suite à cela, le garde-malade et son malade prennent
congés du médecin, lequel, s'il le juge indispensable, donne un
autre rendez-vous au patient. Dès lors, ils iront acheter les
médicaments prescrits sur l'ordonnance soit à la pharmacie de
l'HLD ou dans une pharmacie que leur aura indiquée le médecin.
L'on imagine très certainement qu'à la maison, le garde- malade
continuera de veiller sur son patient. C'est pourquoi madame ONANA Aline,
mère d'enfants, affirme : « Quand je viens
à l'hôpital, je dois être éveillée. Je dois
aussi suivre les ordres que me donne le pédiatre par rapport à
l'enfant. Même à la maison, je le fais »
(entretien du 16 novembre 2006 à l'HLD). Une autre dame
rencontrée dans le même service déclare :
« Prendre soin de nos petits enfants ne
s'arrête pas ici. Cela continue à la maison où c'est plus
difficile à cause des autres travaux qu'on doit accomplir. Ici à
l'hôpital, nous expliquons au médecin, les symptômes de la
maladie de l'enfant. A la maison, nous sommes des mères et des
épouses qui doivent s'occuper du foyer. Ma présence ici est
indispensable pour pouvoir identifier la maladie qui dérange mon
enfant » (entretien du 16 novembre 2006).
C'est sensiblement le même discours que nous ont tenu
tous ceux et toutes celles qui accompagnent les malades aux consultations
externes. Tout cela ne vient que confirmer le rôle
prépondérant des gardes-malades dans les relations qui existent
entre le patient et son traitant. C'est en tout cas ce que pensent WERNER D.
(op. cit.) et SPEEDING E. (op. cit.) respectivement dans leurs ouvrage et
article respectifs. C'est le lieu de nous plonger dans l'univers des
différents pavillons de l'HLD.
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