Conclusion
Après avoir détaillé les différents
aspects que prend l'activité éducative de l'Îuvre au Chili,
nous sommes en mesure d'expliquer en partie le succès rencontré
par l'organisation religieuse. Effectivement, l'Opus Dei a rencontré,
dès le début de son entreprise éducative au Chili, en
1953, un accueil extrêmement favorable, auprès des
différents milieux sociaux d'abord de la capitale, puis des
régions.
Depuis lors, l'organisation n'a cessé de diversifier ses
activités éducatives et de les étendre dans le pays,
créant de nouvelles structures d'abord dans les grandes villes du Sud et
du Nord, points de départ pour s'insérer ensuite dans le monde
rural.
Il est certain que l'éducation offerte, autant dans les
écoles qu'à l'université ou que dans les
différentes associations ou résidences étudiantes, est
d'un très bon niveau, certifié par les résultats aux
examens nationaux d'une part, et par la facilité de l'insertion dans le
monde du travail pour les élèves, d'autre part. En effet,
l'Îuvre fait beaucoup d'efforts pour entretenir des liens étroits
avec les milieux entrepreneuriaux, ce qui fournit de très bons
débouchés aux élèves. Par ailleurs, ses propres
établissements éducatifs représentent une très
bonne option pour les futurs professeurs, massivement formés à
l'université Los Andes.
D'autre part, l'Opus Dei bénéficie, gr%oce aux dons
de ses membres, de fonds suffisants pour construire et faire fonctionner des
établissements éducatifs bien au-dessus de la moyenne chilienne,
et ne lésinent pas sur le matériel informatique, les salles de
sport ou encore les équipements audiovisuels pour donner aux
élèves un environnement idéal pour étudier. Les
valeurs de l'Îuvre, travail acharné, application, perfectionnisme,
obéissance, sont bien évidemment une autre raison de la
réussite de cette mission d'éducation, à tous les
étages de la pyramide.
De plus, l'Opus Dei représente une possibilité,
pour les parents, de confier leurs enfants à des éducateurs qui
les maintiendront dans ce qu'ils estiment le droit chemin, gr%oce à une
discipline stricte et un encadrement soigneux de chaque élève.
Pour ceux qui n'auraient pas eu la chance d'étudier sans l'Îuvre,
les femmes au foyer par exemple, ou ceux qui n'auraient pas pu suivre leur
scolarité dans de bonnes conditions, comme les enfants des quartiers
pauvres, l'Opus Dei représente une solution à très bas
coüt et néanmoins très enrichissante.
Par le biais de toutes ces activités, l'organisation
réussit à diffuser son système de valeurs, celui de
Monseigneur Escriva de Balaguer, dans toute la société. Par
ailleurs, l'Opus Dei cherche, comme tout mouvement religieux minoritaire,
à faire Ïuvre
d'apostolat et à convaincre de nouveaux membres. Ses
activités d'éducation doivent donc servir ce but, en formant des
individus aux valeurs de San Josemar'a, leur permettre de les diffuser à
leur tour dans la société, voire, d'intégrer
l'organisation en tant que numéraires ou surnuméraires.
Pourtant, même quand le public concerné par
l'Ïuvre éducative de l'organisation n'adhére pas ensuite, ce
qui est le cas de la majorité des anciens éléves, l'Opus
Dei provoque une grande sympathie, du moins pour ses méthodes
d'éducation, considérées comme une barriére contre
les possibles dérives de l'enfant et de l'adolescent, et
également comme une possibilité d'accéder à une
bonne situation sociale et économique gr%oce au bon niveau
d'études.
Dans le cas précis du Chili, cette évaluation
semble pertinente car de grands pans de la population ne pourraient pas, si ces
établissements de tous types n'existaient pas, profiter d'une offre
éducative similaire. En effet, que ce soit à cause du coüt
des études, de la généralisation de l'école pour
tous encore trés récente, ou encore du milieu social auquel ces
groupes appartiennent, recevoir une bonne éducation n'est pas encore
donné à tous au Chili.
On peut d'ailleurs souvent sentir, dans les propos tenus par les
éléves de ces établissements, tout comme par les jeunes ou
moins jeunes qui fréquentent les structures éducatives de l'Opus
Dei, une sorte de gratitude envers l'organisation, qui leur a, bien souvent,
ouvert des possibilités de futur.
Pourtant, nous avons vu que l'action de l'Opus Dei ne se limite
jamais à permettre une éducation académiquement
impeccable, et qu'elle s'accompagne au contraire de tout un corpus de valeurs
inséparables de l'organisation. Le Chili était seulement un pays
stratégique pour développer l'organisation à
l'étranger dans les années 1950, étant un pays à
écrasante majorité catholique. Par la suite, la Dictature et ses
normes strictes et conservatrices ont installé un climat favorable
à la diffusion de ses activités éducatives. L'Îuvre
répond, il est vrai, à une demande précise, qui n'est pas
satisfaite par l'offre traditionnelle dans le secteur de l'éducation,
autant en ce qui concerne les clubs pour enfants, par exemple, que les
formations pour adultes.
On peut toutefois se demander si cette demande n'est pas
proprement chilienne, et si la politique de l'Opus Dei peut fonctionner dans
d'autres pays, par exemple en Europe, ou les structures éducatives sont
trés différentes, tout comme la société elle-
mê m e , plus éduquée, avec un niveau de vie globalement
plus élevé.
Il est alors surprenant de constater qu'en France, l'Opus Dei
conna»t un essor tout aussi surprenant. Il serait intéressant de
mener plus loin les recherches, alors qu'on
peut constater qu'il y a déjà plusieurs
écoles, collèges et lycées qui sont des Ïuvres
corporatives de l'Opus Dei, comme le collège de garcons Hautefeuille,
à Courbevole, inauguré en 1985, ou l'école
hôtelière féminine de Dosnon, à Courvelles.
L'organisation utilise en effet exactement le même schéma de
développement de ses activités éducatives qu'au Chili et,
probablement, le même que dans le reste des pays oü elle est
implantée. En France, on trouve donc également des clubs de
jeunesse, comme Fontneuve, pour garcons, et également des
résidences universitaires, comme Les écoles, à Paris, pour
filles.
Dans tous ces établissements, les valeurs transmises sont
identiques, les normes de comportement sont les mêmes. Bien qu'au Chili,
l'uniforme soit de rigueur dans toutes les écoles, ce n'est pas le cas
en France. Pourtant, dans les écoles de l'Opus Dei, tous les
élèves sont habillés à l'identique, et tous les
établissements pratiquent également la séparation des
sexes. On peut donc en conclure qu'il existe un public réceptif à
ce genre de valeurs en France, un public dont seulement une infime partie est
membre de l'Îuvre, car on sait que la France compte moins de 1 000
membres de l'organisation. C'est donc des raisons autres que l'affinité
religieuse qui pousse les parents à faire confiance à
l'Îuvre pour éduquer leurs enfants. Ces raisons sont donc à
chercher du côté des valeurs de travail transmises, ainsi que de
l'enseignement lui-même, tout comme au Chili.
En définitive, au Chili comme en France, c'est donc moins
la religion que l'ascétisme qui l'accompagne qui convainc et permet un
développement de ces activités éducatives
particulières.
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