Partie II - Former la société à la
manière de San José Maria
L'Opus Dei, contrairement à d'autres groupes religieux
minoritaires, n'a pas pour but de convertir le plus de personnes possible.
Comme nous l'avons vu, c'est un mouvement élitiste, dans lequel les
fidèles sont choisis, plus qu'ils ne choisissent
70 LUIS MOYANO, Antonio, ouvrage précité, p 49.
dÕintégrer lÕinstitution. Cependant,
lÕÎuvre a toujours eu, depuis sa creation, une doctrine
apostolique, au sens large du terme, de propagation dÕun système
de valeurs, qui est sa vraie raison d'être. Autrement dit, peu de
personnes deviendront finalement membres, mais toute la société
doit etre touchée par les valeurs de lÕOpus Dei, et ce, par le
biais de lÕéducation. CÕest pourquoi tous les efforts
portent vers lÕextension des activités éducatives
réalisées et la diffusion des valeurs dans tous les milieux de la
société, et dans tout le pays.
Chapitre I - L'extension des activités de l'Opus
Dei à tous les milieux éducatifs, et tous les publics
LÕOpus Dei a développé une strategie
dÕéducation qui fut très tTMt, la plus large possible. Non
seulement au Chili mais dans dÕautres pays, lÕorganisation a su
sÕimplanter dans différents secteurs éducatifs, et pas
seulement ceux qui lÕintéressaient pour ses activités
dÕapostolat. LÕinstitution met tout en Ïuvre pour etre
présente dans lÕéducation de la société,
à tous les %oges, et dans toutes les formations possibles. Depuis
lÕenfance jusquÕà la vieillesse, lÕÎuvre
transmet une formation chrétienne conforme aux valeurs de San Josemar'a.
Le but est dÕinfluencer la société entière, sans se
cantonner aux secteurs les plus favorisés qui forment la majorité
du public de lÕorganisation.
Section I - S'imposer dans toutes les branches de
l'éducation
Les écoles techniques, par exemple, ne sont pas a
priori des terrains de recrutement de lÕÎuvre, mais sont un bon
moyen pour diffuser les valeurs de lÕinstitution dans dÕautres
categories de la population, et à lÕextérieur de Santiago.
De même que lÕuniversité Los Andes, un veritable relais
dÕinfluence de la population, qui a su acquérir beaucoup
dÕimportance dans tout le pays.
§ I - Les écoles techniques
On a pu lire dans tous les journaux nationaux, il y a quelques
mois, que les élèves de lÕécole agricole Las Garzas
ont construit, en juin, six logements temporaires destinés à des
familles à faibles revenus de la commune de Chimbarongo, laissés
sans domicile par le tremblement de terre qui a affecté le Chili dans la
nuit du 27 février
2010. C'est avec beaucoup d'enthousiasme qu'ils ont, avec
leurs professeurs, mené à bien ces constructions, dans le cadre
du programme Ç Reconstruire le Chili È, qui canalise les dons
financiers aux victimes de la catastrophe. Selon le directeur de l'école
Las Garzas, Marcelo Silva, ce fut Ç une opportunité unique de
renforcer la formation de valeur des élèves 71 È
Cette école technique a été construite
sur un terrain de 20 hectares à 150 km au Sud de Santiago, dans la
commune de Chimbarongo, dans la région O'higgins. Elle est construite
dans un milieu rural, sur un domaine nommé San Juan de la Sierra, qui
compte un parc d'eucalyptus, de pins et autres arbres autochtones centenaires,
et 4000 m2 d'édifices de briques rouges, entourés de jardins avec
une belle pelouse fleurie et bien entretenue, comme tous les bâtiments
qui appartiennent à Dei 72
l'Opus . En plus
des dortoirs, il y a des salles communes et des salles
d'étude, une laiterie, une salle informatique, une bibliothéque
moderne, un amphithéâtre, des terrains de sport, mais aussi une
résidence de numéraires masculins, et une maison isolée
pour l'équipe administrative. Le nom, Las Garzas, a été
donné en raison des hérons (Ç garzas È) qui nichent
dans le parc.
L'école a été crée en 1963,
seulement treize ans aprés le début du labeur apostolique au
Chili, quand les bases de l'Opus Dei étaient encore assez fragiles dans
le pays. Un groupe de numéraires et surnuméraires formule donc ce
projet, qui vise à former les paysans chiliens, pour leur permettre une
promotion technique et sociale, dans un pays dans lequel les études
supérieures sont toujours le privilege d'une minorité
possédante. C'est l'agriculteur Fernando Silva qui fait donation des
maisons patronales et du parc, à partir desquels l'école s'est
ensuite agrandie, en acquérant des terres et en construisant de
nouvelles installations. Ce sont les architectes Alliende, Guridi et Rodriguez
qui dirigent la construction, comme pour beaucoup d'autres
établissements de l'Opus Dei. Il ne reste maintenant plus qu'une petite
partie de la vieille maison, car le reste s'est effondré. Las Garzas
appartient à la Fondation Chilienne pour la Culture, dont nous avons
parlé plus haut, qui appartient également à l'Opus Dei.
C'est la fondation qui paye les salaires des professeurs et de l'équipe
administrative, alors que le financement de l'école agricole
dépend des subventions de l'Etat, des fonds apportés par
l'association d'amis et d'entreprises de l'école, mais aussi de
l'exploitation de la laiterie, et des vignes. Les donations privées
représentent environ 30% du total du budget de
l'établissement.
71
Ç Alumnos de las Garzas ayudan a familias afectadas por el
terremoto È, Diario VI region, 2 juillet 2010.
72 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p
510
La bibliothèque et les salles contigu`s ont
été construites grâce à un projet du
ministère de l'éducation: le projet Montegrande a ainsi
départagé 300 écoles municipales subventionnées,
qui avaient postulé à l'aide en élaborant un projet de
développement pédagogique. Cinquante et un établissements
ont ensuite été sélectionnés, dont Las Garzas, dont
le projet comprenait une réforme des plans d'études, une
formation particulièrement poussée pour les professeurs, et la
bibliothèque.
A Las Garzas, un enseignement technique dans le domaine
agricole est donc donné aux étudiants de 11 à 16 ans, et
l'Opus Dei, une fois encore, prend en charge la formation morale et religieuse
des élèves. D'ailleurs, San Josemar'a a, selon les dires de la
fondation qui s'occupe de l'école, suivi de près sa
création et son développement. L'école agraire a
été crée suite à ses encouragements, et en juin
1974, lors de sa visite au Chili, le Père Fondateur a rencontré
certains de ses enseignants, et les a félicité pour leur travail
de formation des jeunes, grâce à leur connaissance, leur
affection, leur patience et surtout leur piété.
L'école est exclusivement masculine. Tous les
élèves sont des hommes, ainsi que les professeurs et
l'équipe de direction. Seul un petit groupe de femmes, des
numéraires auxiliaires, s'occupe de l'entretien des locaux et de la
cuisine, mais elles restent en général invisibles, travaillant
selon des horaires fixés avec précision pour que personne ne les
rencontre.
La première année, l'école ne put
accueillir qu'une promotion de 13 élèves, car elle manquait
cruellement de personnel. Maintenant, elle a atteint une capacité de 160
élèves, dont 90 en internat. On encourage fortement les
élèves à rester à l'internat, construit en 1967,
pendant leur formation, car il est plus facile pour le personnel
pédagogique de leur donner des habitudes de travail et de comportement
qu'ils désirent. Depuis quelques années cela dit, l'internat
atteint sa capacité maximale tous les ans, et certains enfants ne
peuvent y rester.
Actuellement, 25 professeurs enseignent à Las Garzas.
Ceux qui enseignent des matières techniques sont des techniciens
agricoles ou des ingénieurs agronomes, parfois eux-mêmes
diplTMmés de Las Garzas. Selon le directeur, seuls huit d'entre
eux appartiennent à l'Opus Dei. Le rythme de travail et
d'études est intense. Il comprend les tâches propres à une
école de ce style, mais les élèves suivent aussi une
intense formation de l'Opus Dei: la journée commence très tTMt,
et avant les cours, les élèves doivent faire leur lit, laver et
ranger leur dortoir, et ont une heure consacrée au travail personnel.
Après, ils déjeunent, puis la moitié des
élèves ont des cours théoriques de
mathématiques, espagnol, biologie, histoire, anglais,
musique et de sport, pendant que l'autre moitié suit les cours pratiques
de soin de la vigne, d'entretien des champs ou de la laiterie.
L'après-midi, chaque groupe fait ce que l'autre a fait le matin.
Toute la formation de Las Garzas est basée sur un
principe: apprendre en faisant. En effet, les élèves sont
encouragés à prendre de plus en plus de responsabilités
dans les travaux de production, pour finir, durant la dernière
année du cursus, par diriger, aidé par un professeur tuteur, une
section complète de la production, par exemple la laiterie, ou
l'élevage des veaux. L'élève de dernière
année est donc responsable, et a sous ses ordres les
élèves des années suivantes, encore en apprentissage. Ce
système a été installé par Héctor Lizana,
ancien élève maintenant professeur et chef de la laiterie de son
ancienne école.
Les élèves apprennent le métier dans des
champs d'activité très différents: du vignoble à
l'usine d'aliments concentrés, en passant par un atelier de
mécanique agricole et un laboratoire d'analyse, les professeurs tentent
de former leurs élèves de manière très
complète. Les deux premières années du cursus portent sur
des connaissances plutôt humanistes et scientifiques, alors que les deux
années suivantes sont plus techniques.
Outre les cours, les élèves participent à
des activités extrascolaires, pour leur formation ou pour leurs loisirs.
Par exemple, en 2001, un groupe de dix élèves et leur professeur
ont effectué des travaux de jardinage et de manutention dans
l'école Santa Eugenia, de Chimbarongo. Ils rendent aussi visite à
des familles défavorisées des alentours, et effectuent d'autres
activités de bénévolat, très encouragées par
l'Opus Dei. Des championnats sportifs sont également organisés
dans diverses spécialités.
Avec le temps, Las Garzas a souvent innové dans
l'enseignement des techniques agricoles, en acquérant un matériel
technologique et audiovisuel moderne, visant deux objectifs : obtenir une plus
grande autonomie dans l'apprentissage pour que les élèves
développent leur propre capacité d'accès à
l'information, et également afin que les enseignants améliorent
leurs méthodes à l'aide des nouvelles technologies.
Des cours de religion sont également au programme: ils
sont obligatoires, contrairement à la messe, à 7h30 tous les
matins, dans la chapelle de l'école, très bien
décorée, et qui comporte une illumination de San Josemar'a et la
croix de bois noir sans crucifix qui représente l'Opus Dei. Les
élèves peuvent également assister à des
débats et conférences sur les valeurs religieuses, mais comme
pour la messe, ils n'y sont pas obligés. Pour intégrer
l'école, les enfants ne sont d'ailleurs pas tenus d'être
catholiques. La diversité de culte est
respectée, comme dans tous les établissements éducatifs de
l'Îuvre.
L'examen d'entrée peut se faire à 11, 12, 13 ou
14 ans, mais pas aprés, car tous les éléves doivent passer
au moins deux ans à Las Garzas pour obtenir le diplôme. Chaque
éléve doit pour candidater, se soumettre à un examen de
mathématiques et d'expression verbale, mais l'attitude des parents
durant l'entrevue avec le directeur de l'établissement est fondamentale.
Ils doivent s'engager à collaborer avec l'école dans
l'éducation de leurs enfants, donc apprendre à conna»tre
l'école et suivre certaines activités formatives qu'elle dispense
pour les parents d'éléves, dont un cours d'orientation
familiale.
Le style propre à l'Opus Dei se manifeste dans le
résultat final: les employeurs apprécient en
général la formation intégrale de la personne que les
éléves recoivent, car ils sont responsables, sérieux,
honnêtes. Le fait qu'il y ait constamment un groupe de membres de
l'Îuvre avec les éléves marque la différence. Selon
eux, l'école est trés différente des établissements
qui ont des horaires rigides, avec des professeurs qui arrivent à une
heure précise et repartent des leurjournée finie. A Las Garzas,
le contact avec les éléves est permanent, et même le
week-end, les éléves et les professeurs se relaient pour
s'occuper de la laiterie.
Le contact d'ailleurs, est étroit avec les entreprises
agricoles des environs. De la création de l'école à
l'année 2008, 891 techniciens agricoles ont recu leur diplôme
à Las Garzas, et l'école fait en sorte de maintenir des liens
trés suivis avec les anciens éléves. Cela permet de
générer l'existence de sympathisants chez les enfants de paysans
éduqués comme techniciens agricoles, et chez leurs parents.
A Las Garzas, tous les ans est organisée une
journée des anciens éléves, durant laquelle le public suit
des cours d'approfondissements sur des points techniques, mais aussi et
simultanément des cours sur les vertus humaines, donnés par des
membres de l'Îuvre. Toute l'année, on envoie à tous les
anciens éléves une petite revue pour les tenir au courant des
nouvelles relatives à la vie de l'école, et aux résultats
obtenus dans les différents secteurs d'activités. Beaucoup
d'entre eux, d'ailleurs, travaillent par la suite quelques années
à l'école, parfois de maniére saisonniére, la
majorité dans les vignes et les caves à vin.
Les éléves, sortant de l`école avec un
diplôme de technicien agricole, sont souvent embauchés par des
entreprises agricoles de la zone, bien que certains soient appelés
à travailler dans d'autres régions, voire même à
l'étranger, par exemple dans le vin. L'association d'anciens
éléves, trés active, regroupe environ 600
diplômés et les
tient au courant des offres de travail, trés bien
actualisées. Toutes ces productions contribuent au financement de
l'établissement. La laiterie, les vignes et le laboratoire d'analyse
sont les trois principales sources de revenus. Deux cent cinquante vaches sont
soignées en permanence par vingt ouvriers à la laiterie, mais les
résultats ne couvrent pas ces derniéres années, les
coüts d'entretien, et elle fonctionne au ralenti, tandis que plus de la
moitié des laiteries du secteur ont dü fermer.
Les vignes et le laboratoire fonctionnent beaucoup mieux. Le
laboratoire vend ses analyses d'eaux, de sols, et de capacité nutritive
des aliments, tout en servant d'apprentissage aux éléves.
L'école agricole Las Garzas est donc une
réussite en tous points de vue. Non seulement elle s'autofinance, pour u
ne grande partie du budget, mais surtout, elle peut diffuser les valeurs de
l'Opus Dei dans une région moins accessible à l'apostolat, car
elle ne compte pas d'autres activités éducatives, et car les
habitants, en général travailleurs du secteur primaire, n'ont pas
le profil recherché par l'Îuvre pour ses futurs membres.
L'intérêt est ici d'influencer la société en
général, et de provoquer la sympathie des gens pour
l'organisation.
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