Section II - Recruter les numéraires auxiliaires
Fontanar, l'école technique d'hôtellerie et
restauration, oeuvre corporative de l'organisation, est l'un des plus anciens
établissements éducatifs de l'Opus Dei au Chili. Il répond
principalement au besoin de recruter des numéraires auxiliaires pour
s'occuper des centres de l'organisation, mais aussi à la
nécessité de répandre ses valeurs centrales chez les
employées de maison.
§ I - Fontanar: former les numéraires
auxiliaires de l'Opus Dei
A Fontanar, les sols brillent, les toilettes sont impeccables,
l'air sent le propre. Il n'y a pas un seul papier par terre, ni une voix plus
haute que l'autre dans les couloirs. Comme tous les établissements de
l'Opus Dei, l'endroit est immaculé et calme.
Fontanar na»t en 1965, pour améliorer les
qualifications des employées de maison et revaloriser le travail
domestique. C'est un b%otiment discret fait de briques rouges, avec une
minuscule entrée donnant sur la rue Vicku-a Mackenna, dont la
création correspond à une ligne d'action mondiale de l'Opus Dei,
qui met l'accent sur la nécessité de former des employées
domestiques pour les maisons de l'institution. Les numéraires Otilia
Trenova Balharry, professeur, et Sandra del Campo Mullins, assistante sociale,
en sont les fondatrices. La fondation dans son statut proclame son influence
dans « l'éducation et la formation professionnelle, scientifique,
culturelle et morale de tout type de personne50 ». Le conseil
de direction est aujourd'hui fondé exclusivement de femmes piliers de
l'OEuvre au Chili, avec à leur tete Rosita Errzuriz, directrice
depuis 1999, surnuméraire. Les débuts furent difficiles, raconte
Rosita
50
www.fontanar.cl
Errázuriz51 : Ç On a l'impression que
l'Opus Dei a beaucoup d'argent. C'est vrai qu'il y a des gens dans
l'Îuvre qui ont de l'argent, mais ce n'est pas pour ca que nous, nous
pouvons utiliser cet argent. Et quand je voyais que tous les mois il me
manquait de l'argent pour régler les factures, et je me mettais à
prier et prier, essayant de l'obtenir. È
Fontanar a commencé comme un cours de formation pour
femmes au foyer, puis en 1978, l'Îuvre créa le Collège, un
établissement technique qui donne un diplôme d'hôtellerie.
Il fonctionne toujours aujourd'hui mais de moins en moins d'éleves le
fréquentent, et il est question de le fermer, car beaucoup
d'équivalents existent aujourd'hui dans différents
établissements. Par contre, en 1998, Fontanar ouvre le centre de
formation technique, qui avait déjà des racines dans les ateliers
de coiffure, de couture ou encore de peinture que fréquentaient les
employées de maison, et les femmes au foyer de Santiago. Cependant avec
les années, beaucoup de municipalités avaient imité cette
idée, et Fontanar a préféré par la suite se
concentrer exclusivement sur la formation technique. Le centre commence avec
trente éleves, qui suivent des cours du soir. Les cours du jour naissent
seulement en 1999, quand Rosita Errázuriz est nommée au poste de
directrice. Deux carrieres, qui donnent un titre de Ç technicien de
niveau supérieur È, sont alors ouvertes : gastronomie, et
hôtellerie, deux champs dans lesquels les femmes de l'Opus Dei sont
spécialisées. Les deux carrieres durent quatre semestres en cours
diurnes, et six semestres en cours du soir, car les éleves n'ont cours
que trois soirs par semaine. Pour pouvoir préparer ces diplômes,
il faut avoir l'équivalent du baccalauréat, et passer un examen
d'admission, et une entrevue personnelle52.
Fontanar est une autre des grandes idées de l'Opus Dei.
A partir de 1999, l'école devient un lieu de formation de techniciennes
en services gastronomiques, hôteliers et de restaurants, techniciennes en
infirmerie, et techniciennes en assistance de direction. Mais la
préparation est aussi humaine, éthique, et culturelle, comme dans
toutes les institutions éducatives de l'Opus
Dei. Les éleves ont des cours d'anthropologie, de
relations humaines, de théologie et d'éthique. De plus, elles ont
chacune une tutrice personnelle et recoivent une formation spirituelle et les
sacrements qu'elles n'ont pas, explique la directrice. Elle ajoute Ç
Monseigneur Escriva désirait qu'il y ait des Ïuvres corporatives de
service. Ici on enseigne aux jeunes filles que servir l'autre n'est pas
avilissant, cela sert à démontrer son amour au prochain.
»53
51 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p398
52 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p412
53 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p414
Fontanar se targue de former des techniciens d'excellence dans
le secteur tertiaire, en adéquation avec les besoins du pays, puisque
l'école s'adapte aux demandes des entreprises pour former des
spécialistes selon leurs attentes. Dedans, tout fonctionne comme une
véritable entreprise. Le bâtiment de plus de 2000m2
possède, en plus de la chapelle et de la bibliothèque,
obligatoires dans toute institution éducative de l'Îuvre, de
gigantesques chambres froides, des cuisines aux meubles en acier inoxydable,
équipées avec toute la technologie moderne, un four de
dernière génération et tous types d'ustensiles, et un
dortoir aménagé comme un hTMtel, oü les élèves
apprennent à faire le ménage et à faire les lits.
Les diplTMmées de cette école travaillent
maintenant dans des hTMtels ou des restaurants, mais beaucoup d'entre elles
demandent aussi leur admission comme numéraires auxiliaires, ces femmes
qui dévouent leur vie à servir dans les maisons de l'Opus Dei.
Le parcours vers la vie et la vocation de numéraire
auxiliaire commence d'ailleurs souvent encore plus tTMt. Si on examine la
promotion diplTMmée de l'équivalent du baccalauréat en
2009 à l'Almendral, on voit que sur 80 fillettes, 12 sont en 2010
à l'université, une travaille à l'école comme
assistante, plus de 15 ont trouvé un travail directement, et 12 ont
continué leurs études à Fontanar. De celles-ci, trois ont
déjà demandé leur intégration comme
numéraires, tandis que celles qui ont choisi d'aller à
l'université sont toutes à l'Université Los Andes, dans la
carrière d'infirmière, grâce à un accord
spécial avec l'université. Les stratégies d'apostolat
fonctionnent parfaitement dans ces quartiers.
Le fonctionnement de Fontanar est une routine bien
installée, et inamovible, comme aime à le répéter
la directrice. En gastronomie, chaque élève travaille à un
poste et après usage, doit le laisser absolument impeccable. Les moules
d'aluminium ont quelques années, mais ils brillent comme s'ils sortaient
de l'usine. Une liste identifie tout ce qu'il y a à disposition, et une
élève est responsable de tout ce qui entre et sort de la
pièce de rangement, chaque jour. Toutes les courses et tout ce qui
s'utilise dans les ateliers est suivi par ordinateur et le coüt de
fabrication est calculé automatiquement à la minute près,
durant les cours. Ce qui n'a pas été utilisé est
étiqueté, pesé, et rangé. Rien ne se perd et rien
ne se jette.
Toutes ces activités ont évidemment un
coüt, important pour le niveau de vie chilien. Le cursus normal coüte
77 000 pesos par mois (environ 100 euros), et celui en cours du soir coüte
58 000 pesos. Il existe un centre de bourse, et beaucoup d'entreprises se sont
engagées à aider les élèves les plus pauvres. Elles
font des
remises de 5 à 20% sur le coüt complet de la
formation, mais seule la bourse que donne l'entreprise de poulets Ariztia
à la meilleure éléve couvre 100% du coüt. Chaque
éléve en gastronomie représente une somme de 170 000 pesos
par mois (250 euros environ), on fournit tout le matériel, les aliments,
et même l'uniforme. 54
car
leur
C'est pourquoi des le début de leur cursus, les
éléves travaillent beaucoup en stage, pour se préparer le
plus rapidement possible à la vie active. Elles doivent effectuer trois
stages internes et deux stages externes. La cafeteria du centre a
été créée spécialement en forme de
restaurant pour que les éléves puissent mettre en Ïuvre la
pratique enseignée. Tous les jours à 12h15, huit
éléves de classes différentes doivent préparer
à grande vitesse un repas du midi qui doit être prêt
à 13h30, pour tout le centre. On profite de ce qui n'a pas
été utilisé dans les ateliers pendant la matinée,
et on se sert d'aliments pré élaborés. De plus, les lundis
et vendredis, c'est un repas avec invités qui est élaboré.
Au cours de notre journée à Fontanar, nous avons participé
à un de ces repas, et avons été extrêmement surpris
de la rapidité d'exécution, et du résultat,
étonnant, qu'avaient pu obtenir les éléves en si peu de
temps. Toutes les semaines, des hommes d'affaire et des hôteliers sont
invités, pour pouvoir admirer le travail des éléves de
gastronomie, qui font la cuisine, et des éléves
d'hôtellerie, qui font le service.
Les étudiantes en hôtellerie ont par ailleurs une
laverie, oü elles apprennent à laver et repasser de la meilleure
maniére, et pratiquent aussi dans l'édifice
d'à côté, qui est un centre de retraite spirituelle et de
week-ends de réflexion organisés par l'Opus Dei, durant lesquels
elles travaillent comme dans un hôtel, organisant le service des chambres
et de la restauration, pendant que des étudiantes en gastronomie
préparent le petit déjeuner, le repas du midi, le thé et
le repas du soir. Chacune des étudiantes doit donc travailler dans ce
centre un weekend end par semestre, à tour de rôle.
De plus, au milieu de leur cursus, elles font un stage d'un
mois, trouvé par Fontanar, dans des hôtels ou restaurants avec qui
l'organisation a des accords, et à la fin de leurs études, le
stage dure trois mois, en général dans la même structure.
Les stages proposés montrent que l'école est déjà
trés reconnue dans le milieu éducatif chilien, pour pouvoir
proposer à ses éléves des stages dans des hôtels
comme le Hyatt Regency, le Holiday Inn, le Kennedy, ou le Radisson, parmi les
hôtels les plus
54 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p418
prestigieux de la ville, ou encore dans des restaurants comme
l'Opera y Catedral, ou l'Union el Golf, tous les deux trés
luxueux55.
Les résultats de tous ces efforts, indubitablement,
sont là. Le cursus de gastronomie est un succés incroyable au
Chili, et provoque beaucoup d'intérêt. L'hôtellerie a un
succés plus relatif car, avec ce diplôme, les étudiantes
accédent à des postes seulement techniques, car, ne suivant aucun
cours d'anglais, elles ne peuvent être en charge de postes plus
importants dans l'administration. Elles ont, selon le personnel enseignant, un
tel déficit en anglais en arrivant à Fontanar qu'il serait
illusoire de leur faire rattraper le retard en deux ans. Elles peuvent donc
être femmes de ménage, serveuses, voire chef d'étage ou de
salle, mais pas réceptionniste par exemple.
Les promotions qui sont déjà sorties de
Fontanar, depuis 2003, ont toutefois recu un trés bon accueil dans des
entreprises aussi prestigieuses que l'hôtel Radisson, ou la cha»ne
de restaurants Mariott, et la grande majorité a aujourd'hui un emploi
stable, bien que peu qualifié.
Cet accueil trés favorable est en partie dü aux
valeurs transmises par l'Opus Dei au travers de Fontanar, puisque
l'organisation a établi une véritable anthropologie du service :
en effet, avec l'éducation technique, elle donne aux
éléves une formation morale qui les rend différentes,
selon elle. Les étudiantes sont amenées à se demander
pourquoi elles doivent servir, et pourquoi c'est digne de le faire. Elles
suivent également un cours de théologie, obligatoire,
malgré la diversité de religion des éléves, dont
beaucoup de témoins de Jehova et d'évangéliques. Par
ailleurs, comme à l'université de Los Andes, chaque
éléve à une conseillére académique, qui est
un guide durant toutes ses études, et peut aussi la conseiller dans sa
vie privée. En effet, certaines d'entre elles ont de gros
problémes personnels, alcoolisme, drogues, grossesse, et ne peuvent se
consacrer pleinement à leurs études.
Bien sür, le but est que le plus grand nombre possible de
numéraires auxiliaire suivent un cursus à Fontanar, et celles qui
le font accédent ensuite à des postes de plus haute
responsabilité dans les maisons de l'Opus Dei. Dans l'autre sens,
beaucoup des éléves qui suivent ces cours demandent ensuite leur
admission comme numéraires auxiliaires. D'ailleurs, les familles
surnuméraires recoivent avec plaisir des diplômées de
Fontanar comme personnel domestique à domicile, ce qui se fait
trés fréquemment au Chili. Historiquement, il y a encore une
trentaine d'années, l'énorme majorité des
55
www.fontanar.cl
familles chiliennes possédait encore une Ç nana
È, cÕest à dire une femme de ménage,
cuisinière, nounou des enfants, qui vivait très souvent Ç
puertas adentro È, dans la maison, dans une petite piece qui lui
était réservée, souvent bien séparde du reste de la
maisonnée. AujourdÕhui, même si leur nombre diminue, un
très grand nombre de familles assez favorisées possède
encore sa « nana », qui est un membre de la famille à part
entière, et les familles surnuméraires préfèrent de
loin avoir affaire à une personne éduquée selon les
valeurs de lÕOpus Dei, sachant que la Ç nana È va etre
amenée à passer beaucoup de temps en compagnie des enfants.
La section dÕinfirmerie, qui commence juste à
prendre son envol, sert également à lÕÎuvre, bien
que lÕavantage quÕelle retire dÕavoir des
infirmières formées à son idéologie para»t
moins evident. Effectivement, lÕOpus Dei possède
déjà une clinique dans la commune défavorisée de
San Bernardo, au Sud Est de Santiago, et est en train de développer un
projet de construction dÕune autre clinique à San Carlos de
Apoquindo, à cTMté de lÕuniversité Los Andes. Pour
les deux, il est nécessaire dÕavoir à disposition des
infirmières formées selon les valeurs chrétiennes, qui
jamais ne seraient en faveur de lÕavortement, même
thérapeutique, ni de quelconque moyen de contraception, par exemple.
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