§ II - Rallier les milieux sociaux
défavorisés, un appui dans la société
En quelques années, l'Opus Dei, parti de rien dans ces
quartiers, a réussi à s'imposer comme un des acteurs majeurs de
la commune de la Pintana, et récolte toutes les louanges. Ces colleges
représentent en effet un espoir d'avenir pour ces enfants de familles
pauvres voire tres pauvres.
Sélectionnés avec beaucoup de rigueur, les
éleves de Nocedal et de l'Almendral doivent refléter une image
tres positive de l'Îuvre, qui a fait beaucoup d'efforts aussi bien
humains qu'économiques, pour créer de toutes pieces cette vitrine
sociale, sensée redorer l'image de l'organisation. En effet, la
Dictature a beaucoup écorné la vision des gens à propos de
l'Îuvre, puisqu'un grand nombre de ses membres ont activement
participé au gouvernement du Général Pinochet, et se sont
enrichis avec lui. L'Opus Dei a pour but, avec ces écoles, d'envoyer un
signal tout différent: dire
aux catégories défavorisées de la
société que l'organisation veut également les aider, et ne
s'intéresse pas qu'aux quartiers riches, puisque tout le monde peut
devenir saint, selon l'Îuvre.
Cela dit, selon le Fondateur, on na»t dans une condition
à laquelle on est destiné, et il ne faut pas chercher à en
changer, ce qui n'empêche pas d'accéder à la
sainteté depuis cette même position. Dans Ç Le Chemin
È, il écrit Ç Hiérarchie : chaque piece
à sa place. Que resterait-il d'un tableau de Velsquez si chaque
touche de couleur s'en
45 Voir annexe n°6
46 El Mercurio Ç US$ 16 millones para
construir dos colegios en una comuna pobre», 27 mars 2010.
allait à son gré, si chaque fil de la toile
cédait, chaque bout de bois du ch%ossis se détachait des autres
?47 È.
L'Opus Dei, gr%oce à ces écoles, cherche
également à former des membres et des sympathisants de
l'organisation, dociles car, en sortant de ces écoles, ils leurs doivent
tout, et s'assurent un futur gr%oce à cette formation reconnue par les
employeurs.
C'est pourquoi le processus de sélection est
trés soigneux: environ 500 éléves postulent tous les ans
pour une place, dans chacun des deux colleges, et seulement 80 filles et 80
garcons sont acceptés aprés plusieurs étapes. Les enfants
doivent être domiciliés à La Pintana, et nécessiter
une éducation tous frais payés. Pour s'en assurer, une assistante
sociale visite les maisons, car beaucoup de candidatures sont abusives. Selon
la directrice de l'Almendral, le college a déjà recu des demandes
venant de familles habitant à Las Condes, un des quartiers les plus
aisés.
L'assistante sociale décrit les maisons, les besoins de
la famille, l'attitude des parents et de l'enfant, etc. Ce sont à terme
les plus pauvres qui sont acceptés. En effet, ils sont aussi les plus
reconnaissants de l'aide qu'on leur apporte dans leur éducation. La
deuxiéme étape consiste en une entrevue avec les parents et
l'enfant. La directrice ou la directrice adjointe explique aux parents la
mission de l'école, et ils doivent s'engager à suivre de
trés prés leur enfant, à signer les cahiers, et le
calendrier d'examens envoyé chaque mois pour les préparer
à l'avance. Ils doivent également s'assurer de la propreté
de leur enfant, qui doit être peigné, et habillé
correctement, avec son uniforme. Pour les candidats qui ont plus de 11 ans, un
examen est également de rigueur, avant l'entrée: il consiste en
un test de mathématiques et de langues.
Pendant l'entretien, on répéte aux parents que
ces établissements sont confessionnels, à la charge de l'Opus
Dei, et qu'il sera enseigné le catéchisme à leurs enfants.
Les colleges respectent cela dit la liberté de chacun. Environ 20% des
éléves ne sont pas catholiques. La messe est inscrite sur
l'emploi du temps de tous les éléves, mais seuls les
éléves en dessous de 13 ans sont obligés d'y assister au
moins une fois par semaine. Les plus grands décident. Par contre, tous
les éléves ont un cours de catéchisme par semaine, car,
selon la directrice de l'Almendral, Ç qui ne
47 ESCRIVA DE BALAGUER, Josemar'a, Le Chemin,
obéissance 624
48
conna»t pas ne s'intéresse jamaisÈ. Il y a
beaucoup d'éléves évangéliques, en particulier, qui
ne semblent pas du tout gênés par les cours de religion.
Un prêtre de l'organisation officie à Nocedal et
à l'Almendral. Dans son emploi du temps sont aménagées des
heures prévues pour que les enfants, les parents et les professeurs
puissent s'entretenir avec lui de n'importe quel sujet. Mais aucune obligation
n'est donnée aux éléves, et le prêtre est parfois
désÏuvré.
Les professeurs sont en général tous
catholiques, bien qu'ils soient recrutés par des annonces dans les
journaux, car un entretien a pour unique but de vérifier si leurs
valeurs correspondent avec celles de l'école, bien que par la suite, ils
ne soient pas obligés d'aller à la messe. Cela dit, selon la
directrice de l'Almendral, on compte trés peu de membres de l'Opus Dei
parmi l'équipe de direction et l'équipe enseignante, seulement 10
ou 11 sur les 80 employés, sans compter le personnel d'entretien. Le
professeur Hector Canquil enseigne à Nocedal depuis 1996, et a choisi de
rester dans cette école, malgré les nombreux autres postes qu'on
lui a proposés, car il se sent en adéquation avec les valeurs
transmises par l'école. Il n'est pas membre de l'Îuvre, mais d'un
autre mouvement catholique, et est trés pratiquant. Selon lui, les
valeurs transmises sont celles qu'on peut attendre de n'importe qui: ordre,
sincérité, respect, soin, joie, amitié,
fraternité49. Pour lui, dans ces établissements, on
s'intéresse vraiment à l'éléve, que chaque
professeur conna»t individuellement.
Les deux colleges cultivent par ailleurs un rapport
spécial entre les éléves et tout le personnel enseignant
et de direction. Les parents, d'ailleurs, peuvent quand ils le veulent, parler
directement avec le directeur, ou avec n'importe lequel des professeurs, tous
trés disponibles, comme le demande l'administration. Les parents sont en
général trés satisfaits car ils sentent leurs enfants
guidés, loin de la rue et de la drogue, voire même loin de leurs
fréres et sÏurs désÏuvrés.
L'équipe éducative dit vouloir agir sur tout
l'être de l'éléve, et pas seulement sur ses connaissances
culturelles. Un véritable plan de développement de l'être
humain est alors mis en place, et deux psychopédagogues sont à la
disposition des éléves, alors qu'il y a des professeurs qui
organisent des heures de soutien scolaire dans chaque matiére. En tout,
une centaine d'entre eux, dans chaque établissement, sont ainsi suivis
de maniére particuliére par des professionnels.
Cet encadrement spécialisé a séduit la
grande majorité des parents, qui conna»t souvent assez bien les
professeurs des enfants, mais aussi la directrice et la directrice
48 Voir annexe n°6
49 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p
403
adjointe, ce qui est plus rare. Les collèges Nocedal et
Almendral semblent etre un petit oasis ordonné et calme au milieu du
quartier.
Bien plus que de simples écoles au centre d'un quartier
défavorisé, Nocedal et Almendral sont la meilleure
publicité de l'Opus Dei, qui tente d'imposer une image philanthrope et
charitable, conforme avec les valeurs de la religion chrétienne.
Cependant, non contente de donner une bonne éducation à ces
enfants, l'OEuvre cherche surtout à diffuser ses règles et
valeurs, voire à recruter ses numéraires auxiliaires,
indispensables au bon fonctionnement de l'organisation.
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