Chapitre II - Eduquer et recruter le personnel de
l'organisation
L'Opus Dei, cela dit, ne se contente pas d'éduquer les
membres des familles surnuméraires et les futurs numéraires, dans
les quartiers riches de Santiago. L'organisation n'a pas pour but d'être
vue comme élitiste et sectaire, ne cherchant à recruter ses
membres que dans une certaine catégorie de la population. Au contraire,
elle a également besoin de la partie plus modeste de la
société pour écarter cette critique, et fait tout pour
jouir d'une bonne réputation au sein de ces catégories sociales,
se chargeant de leur éducation, autant au niveau primaire et secondaire
que dans l'éducation supérieure, en mettant à leur
disposition des établissements de trés bon niveau.
Section I - Ç Tailler des joyaux dans de la pierre
bruteÈ
Dans les quartiers plus défavorisés de la
capitale, l'Opus Dei a longtemps été absente, et ce n'est que
plus récemment que l'organisation a pris conscience du parti à
tirer de ces catégories sociales, elle qui a besoin d'un personnel
domestique important et appliqué, mais également de main
d'Ïuvre docile dans ses entreprises. Un grand travail a alors
été fait, depuis les années 1990, pour remédier
à ce manque, et les activités destinées à ces
secteurs de la population sont en constante augmentation.
§ I - La vitrine sociale de l'Opus Dei: une
education exceptionnelle
Au début de l'année 1992, dans les bureaux de la
corporation chilienne de construction se réunit un groupe d'hommes
d'affaires et divers professionnels liés à l'Opus Dei, dont le
numéraire Juan Cox Huneeus, et les ingénieurs Alberto Ureta
Alamos, Mario Ram--n Dominguéz Rojas, Sergio Silva Alcalde ou encore
Carlos Arteaga Marchant, tous catholiques, sinon membres connus de l'Opus Dei.
Leur objectif était de développer le projet de construction d'une
école technique professionnelle dans un quartier d'extrême
pauvreté à Santiago. Ils pensérent au début
à Puente Alto, un quartier à problèmes
dans le Sud de la ville, ou l'Opus Dei avait
déjà développé des activités formatives. Le
lieu choisi au commencement s'appelait Nocedal. Mais ils n'arrivérent
pas à un accord avec les propriétaires du site à Puente
Alto, et optérent pour le quartier La Pintana, un peu à l'Ouest
de Puente Alto. A La Pintana, 31% de la population est pauvre, et plus de 10%
de la population vit en situation d'indigence, depuis qu'à sa
création, le gouvernement métropolitain a transféré
là-bas, comme à Puente Alto, une grande partie de la population
qui vivait jadis dans des campements
précaires, en leur achetant des terrains de peu de valeur.
Aujourd'hui encore, la Pintana manque d'infrastructures et
d'équipements, et beaucoup de familles souffrent problémes de
drogue d'alcoolisme 39
d'importants et . Il existait déjà plusieurs
écoles
dans ce quartier, mais aucune ne remportait
véritablement l'adhésion. Toutes les autres écoles sont
publiques, et, comme dans le reste du Chili, ont beaucoup souffert de la
Dictature. Dans tout le pays, les meilleures écoles sont privées,
et chéres. L'éducation publique primaire et secondaire est en
général de médiocre qualité, elle manque
d'infrastructures, et les professeurs, peu payés, travaillent souvent
dans de mauvaises conditions. Evidemment, dans un quartier comme La Pintana,
trés peu de gens ont les moyens d'offrir une scolarité
privée à leurs enfants. Ceux qui le peuvent les font scolariser
dans le quartier
de Peñalolen, le plus proche qui posséde des
écoles privées, mais sur 100 enfants, seuls 23, en 1995,
accédaient à l'éducation secondaire. A la Pintana, seules
13 écoles publiques fonctionnent, et n'ont en général pas
trés bonne réputation. 40
Le projet naissant des membres de l'Opus Dei prit finalement
vie en 1995 quand la fondation Nocedal, à peine créée,
recoit une généreuse donation au travers d'une fondation
espagnole, au moment même oü Nocedal obtient une personnalité
juridique. Ce don d'un million de dollars est suffisant pour l'achat d'un
terrain de 5 hectares et pour la construction de la première partie de
l'école, par les architectes Cristobal Edwards Prado et Alberto Soffia
Garc'a, et l'entreprise Nicolás Hurtado Vickuña, tous de l'Opus
Dei, alors que le futur directeur, Manuel Dannemann sortait
littéralement sur
la place centrale éléves 41
du quartier pour faire conna»tre leur projet et recruter des
.
Moins d'un an plus tard, le 4 mars 1996, le lycée
Nocedal pour garcons est inauguré. Il est gratuit, car il appartient
à la catégorie des établissements particuliers
subventionnés: c'est à dire qu'il reçoit un fond de l'Etat
qui varie selon le nombre d'éléves, comme tous les
établissements de ce type. Les éléves, eux, ne paient
rien. Les subventions étatiques couvrent environ le tiers des
dépenses pour chaque éléve (300 000 pesos par
éléve et par an, soit environ 440 euros), et
l'établissement trouve le reste dans les dons de personnes
privées, d'entreprises et de certaines fondations.
Les petits déjeuners et déjeuners sont par
exemple fournis par l'Assemblée Nationale des Auxiliaires Scolaires et
des Bourses, comme dans les autres écoles
39
www.pintana.cl
40 Voir annexe n°6
41 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p
337
subventionnées, mais certaines entreprises aident
Nocedal à enrichir le régime proposé. On leur donne ainsi
des poulets, des chocolats, ou encore des céréales.
Au milieu de la banlieue El Castillo, la partie la plus pauvre
du quartier de La Pintana, se dresse maintenant Nocedal, une construction de 5
000m2 sur un terrain de plus de 5 hectares. L'édifice central du
collège Nocedal a trois étages, et deux bâtiments sur le
côté, qui sont des salles de classe. Dans la partie centrale, on
trouve l'administration, la bibliothèque, les salles de réunion,
la chapelle, la cantine et les bureaux des professeurs. L'ensemble est neuf,
lumineux, spacieux, et brillant de propreté.
Les bibliothèques ont toujours beaucoup d'importance
dans les bâtiments de l'Opus Dei: il n'y a pas seulement des livres, mais
aussi de spacieuses salles d'étude et de consultation. Celle de Nocedal
a une capacité de 50 élèves assis, et compte 5000
ouvrages. Elle a été réalisée grâce à
un don d'August'n Hunneus Cox, entrepreneur viticole qui vit depuis une dizaine
d'années hors du Chili. Il a été pendant des années
le gérant général du domaine viticole Concha y Toro, avant
de s'exiler sous la présidence de Salvador Allende, et a fait ensuite
fortune dans le vin en Californie.
L'ameublement est moderne, et le lieu agréable et
accueillant.
Le collège compte aussi un terrain de football en
pelouse aux dimensions homologuées, plusieurs terrains multisports, une
piste de course, un parc de conifères et une serre. Ces espaces naturels
ont été beaucoup exploités par Andrés Ruiz-Tagle,
directeur adjoint, et professeur de biologie à Nocedal. Après
avoir lui-même étudié à l'école Tabancura, il
entre à l'Opus Dei à 19 ans, puis devient professeur à
l'école Cordillera. A la création de Nocedal, le directeur lui
propose ce poste. A peine arrivé, il plante des arbres, des arbustes, et
crée de beaux jardins, grâce aux plantes données par les
familles du quartier reconnaissantes.
Quelques années après l'ouverture de Nocedal,
selon l'histoire que les membres de l'Opus Dei aiment raconter, une mère
de famille s'approcha du directeur, et lui demanda quand est-ce qu'ils allaient
créer un collège de filles. Quand il lui demanda pourquoi, elle
lui répondit tout naturellement par une autre question: Ç A qui
allons- nou s marier nos fils alors ? 42È. Depuis 1999,
à 500 mètres à côté de Nocedal
s'élève l'Almendral, sa réciproque pour filles.
La fondation fut efficace. En 1997, Msg Javier Echeverria, le
prélat de l'Opus Dei, réalisa un voyage au Chili et encouragea
lui aussi les membres de la fondation
42
www.nocedal.cl
Nocedal à créer un collège pour filles.
En septembre de l'année 1998, elle fit acquisition des terrains,
grâce au don d'une famille surnuméraire, et en mars 1999 le
collège commenca à fonctionner, avec des cours du CP au CM1, et
140 nouvelles élèves. En 2009, la fondation Nocedal a fait
acquisition de 40 ordinateurs, pour équiper deux salles informatiques
dans l`Almendral
Les élèves, que ce soit à Nocedal ou
à l'Almendral, suivent des matières
généralesjusqu'à leurs 15 ans, puis, en plus des branches
générales, ils ont des cours particuliers à leur section.
A Nocedal, les spécialités sont: électronique,
électricité et télécommunications. Cela les
mène à un niveau de technicien professionnel de niveau
intermédiaire. A l'Almendral, les fillettes ont une
spécialité technique dans la santé. Elles sont
dirigées vers des postes d'infirmières, ou d'aides-soignantes.
A part ces spécialités, la liste des
activités est longue dans les deux établissements. Nocedal place
tout son orgueil dans l'orchestre infantile, crée en mars 2002. Pour la
deuxième fois, cet orchestre, composé de 32 enfants
étudiant la musique, et de 42 instruments, a remporté le concours
de la fondation Andes, tandis que les filles de l'Almendral ont obtenu la
première place dans la ligue scolaire de gymnastique artistique en 2009.
Les garcons de Nocedal ont eux, obtenu le prix de l'innovation technologique
à Atlanta, aux Etats Unis, au concours mondial de First Lego League.
Parmi 18 000 étudiants du monde entier, ils ont su se distinguer avec
leur système d'arrosage automatique fonctionnant avec l'énergie
solaire, après avoir récolté des
43
dons pour pouvoir payer le voyage aux Etats Unis . Dans les
deux écoles, on encourage les enfants à participer à
plusieurs ateliers extrascolaires: lecture, tennis de table, volley, folklore,
théâtre, modélisme, etc. En résumé, toutes
les activités développées dans les clubs de jeunes de
l'Opus Dei dans les quartiers riches. «Nous
44
pensons que ces enfants ont une capacité
d'apprentissage qu asiment illimitée»dit Emilia Ferrera,
éducatrice et membre du conseil de direction de l'Almendral.
En 2009, le collège Almendral comptait 1076
élèves, de 3 à 15 ans. Il cro»t chaque année
d'une classe, de 80 élèves chacune, et dès 2002,
l'établissement se situait déja au dessus de la moyenne nationale
en langues et mathématiques, dans les examens nationaux. Nocedal
également a obtenu trés rapidement d'excellents résultats,
et une bonne partie des élèves suivent maintenant des cours
à l'université. Les demandes pour inscrire les enfants dans ces
établissements sont en constante augmentation, à tel point que
beaucoup sont refusés chaque année. Mar'a José
43
Ç Colegio Nocedal de La Pintana gana concurso
mundial», El Mercurio 20 avril 2009.
44 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p
348
Traboldt, la directrice de l'Almendral, avoue volontiers qu'il
y a selon elle, d'autres bons établissements à la Pintana,
avec des professeurs de qualité, mais que les écoles de la
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fondation Nocedal ont un côté humain, chaleureux,
qui a fait leur réputation .
L'Opus Dei ne compte cela dit pas s'arréter en si bon
chemin. En mars 2010, l'organisation annoncait une donation de 16 millions de
dollars de la fondation éducative Claro Vial, crée par Ricardo
Claro avant sa mort, pour la construction de deux nouveaux colleges, un pour
filles, l'autre pour garcons, dans une commune pauvre du Chili.
L'éducation morale et religieuse sera la responsabilité de l'Opus
Dei, dans les futurs colleges, qui pourraient être construits à
Concepci--n, Valpara'so, Viña del Mar ou Santiago46.
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