C. Typologie des régimes politiques
démocratiques
Si le terme régime politique est couramment
utilisé dans les conversations, l'idée que l'on s'en fait n'est
pas la même. On l'utilise tantôt comme synonyme de Gouvernement,
tantôt comme l'incarnation d'une philosophie sociale.
Pour fixer les idées, MULUMBATI NGASHA se propose de
définir avec Duverger un régime politique comme : « Un
ensemble complet d'institutions, coordonnées et articulés qui se
réfèrent à la fois au fondement du pouvoir, aux choix des
gouvernants, à leur limitation » 23.
Le régime politique ainsi défini n'est pas
à confondre avec le Gouvernement, forme sous laquelle il
s'extériorise. Il constitue un cadre auquel le Gouvernement se
réfère dans sa forme, son organisation et son fonctionnement. Le
régime politique ne doit pas non plus être considéré
comme l'incarnation d'une philosophie sociale. Tout régime politique
repose sur la philosophie sociale qu'il s'emploie à réaliser ou
dont il veut favoriser la réalisation. La philosophie sociale sert ici,
de principe directeur à l'action des gouvernants de l'Etat auquel
s'applique le régime politique24.
23 MULUMBATI Ngasha, Op. Cit., p. 91
24 Idem, p. 92
Les régimes politiques sont, dans leur
réalité concrète, très nombreux et très
divers. Par delà cette diversité, plusieurs tentatives, les unes
plus heureuses que les autres, ont été faites pour classer les
différents régimes politiques sous lesquels fonctionnent les
Etats à travers le monde. Ces tentatives ont abouti à
l'élaboration de plusieurs typologies de régimes politiques. Pour
des raisons évidentes, nous nous bornons, ici, à la typologie
fondée sur le principe de séparation des pouvoirs et/ou de
collaboration des pouvoirs.
En règle générale, pour qualifier les
régimes politiques, seules sont prises en compte les relations entre le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Même Montesquieu
écartait le pouvoir judiciaire de l'analyse, allant jusqu'à
affirmer : « des trois puissances dont nous venons de parler, celle de
juger est quasiment nulle » 25.
1. Régime Présidentiel
Les Etats- unis reste le modèle classique de ce
régime politique lequel est caractérisé par les trais
fondamentaux suivants : le Chef de l'Etat est élu au suffrage universel,
il est en même temps Chef effectif du Gouvernement. Ni lui ni les
Ministres qu'il a choisis ne peuvent être renversés par le
Parlement au moyen d'un vote de défiance.
L'indépendance du Gouvernement vis-à-vis du
Parlement conduit parfois à l'immobilisme politique, lorsque les deux
organes de pouvoirs appartiennent à des tendances politiques
opposées.
Dans ce cas, les Parlementaires peuvent
systématiquement refuser d'approuver les lois proposées par le
Gouvernement. De leur côté le Chef de l'Etat et ses Ministres, ne
pouvant être renversés par le Parlement, peuvent ne
25 MONTESQUIEU, cité par TUMBA LUABA, Op.
Cit., p. 179
pas tenir compte de voeux exprimés par les
Parlementaires dans bien de domaines.
Il est à observer que dans le régime
Présidentiel américain (U.S.A.), la séparation des
pouvoirs n'est pas absolue, qu'il existe des moyens des pressions du
Gouvernement sur le Parlement, et du Parlement sur le Gouvernement qui les
oblige de collaborer, et cela quelles que soient leurs divergences
politiques.
Le Parlement peut ainsi refuser de voter les crédits
proposés par le Gouvernement. De son côté le Gouvernement,
particulièrement le Président de la République dispose
d'un droit de veto sur les lois votées par le Parlement
(congrès). Il peut interdire ou retarder l'entrée en vigueur
d'une loi jusqu'à ce que les deux chambres l'examinent et l'approuvent
à nouveau à majorité de deux tiers.
Les régimes Présidentiels qui, à la suite
du régime américain, existent dans le monde, qu'il s'agisse des
pays d'Amérique Latine, d'Asie ou d'Afrique, ont subi une
déformation par rapport au régime Présidentiel
traditionnel.
En effet, si dans ces différents pays le
Président de la République est élu au suffrage universel,
la séparation des pouvoirs tend à s'effacer. Le Président
de la République domine le Parlement dans ces pays. Il intervient non
seulement dans le choix des membres du Parlement, mais aussi dans
l'organisation et le fonctionnement du Parlement. Il arrive enfin que le
Président de la République dissolve le Parlement dans ces pays.
Il en résulte que ces régimes sont moins des régimes
Présidentiels que des semis- dictatures26.
26 MULUMBATI Ngasha, Op. Cit., p. 98
2. Régime Parlementaire
Le régime Parlementaire tire ses origines en Grande
Bretagne au 18ème Siècle. Sa naissance a toujours
coïncidé avec une période de déclin du pouvoir royal
dû à la noblesse et la grande bourgeoisie
libérale27.
Ce régime revêt deux formes principales :
régime Parlementaire classique et régime Parlementaire
déséquilibré.
2.1. Régime Parlementaire classique
Ce régime est caractérisé par trois
traits fondamentaux : le dualisme de l'exécutif, l'effacement du Chef de
l'Etat, et l'équilibre entre le Gouvernement et le
Parlement28.
Le dualisme de l'exécutif consiste dans le fait qu'au
sein du Gouvernement ou en face du Chef de l'Etat élu par le Parlement,
une équipe ministérielle ayant à sa tête un premier
Ministre ou un Président du conseil issu de la majorité
Parlementaire. A l'exception des monarchies Parlementaires où le Chef de
l'Etat l'est par hérédité.
L'effacement du Chef de l'Etat signifie que le Chef de l'Etat
ne joue pas le rôle politique de premier plan. Il incarne la nation,
promulgue les lois, signe les décrets, ratifie les traités, nomme
le Premier Ministre et Ministres. Eventuellement, il prononce la dissolution du
Parlement. Tous ces pouvoirs demeurent toutefois symboliques. Toutes les
grandes décisions politiques sont prises en son nom par le Gouvernement,
dont il doit entériner les décisions, tous ses actes politiques
sont contresignés par un Ministre qui en assume la responsabilité
devant le Parlement.
27 MAKENGO (A), Droit Constitutionnel,
syllabus de cours, G3 SPA, UPN, 2007-2008, p.20
28 MULUMBATI Ngasha, Op. Cit., p. 99
En ce qui concerne l'équilibre des pouvoirs du
Gouvernement et du Parlement, chacun de ces deux organes de l'Etat dispose des
moyens pour faire pression sur l'autre, pour contrebalancer l'action de
l'autre. Le Gouvernement est investi par le Parlement. Le premier Ministre
parle au nom de l'ensemble du Gouvernement ou cabinet devant le Parlement.
Le Gouvernement peut participer, interrompre ou mettre fin aux
sessions Parlementaires. De son côté, le Parlement peut non
seulement interpeller les membres du Gouvernement, mais aussi, à travers
le vote de défiance ou la motion de censure, peut renverser tout le
cabinet ou membre du cabinet ministériel.
Il est à noter que la forme classique du régime
Parlementaire a connu une longue évolution et sa transformation à
travers divers types :
2.1.1. Régime Parlementaire dualiste
L'exécutif bicéphale est composé d'un
Chef de l'Etat, généralement un monarque, irresponsable
politiquement d'une part, et d'autre part, d'un Gouvernement nommé par
le Chef de l'Etat et responsable devant le Parlement. Autrement dit, le
Gouvernement, pour exister, doit jouir de la double confiance du Chef de l'Etat
et du Parlement.
2.1.2. Régime Parlementaire moniste
Le Chef de l'Etat est complètement effacé. Le
Gouvernement ou cabinet ne dépend que d'une seule autorité. Il
est responsable uniquement devant le Parlement ou, dans un cadre
bicaméral, devant la chambre élue au suffrage universel.
2.1.3. Régime Parlementaire
rationalisé
Face aux abus auxquels l'usage du pouvoir législatif a
donné lieu au sein des Etats à Parlementarisme moniste (mise en
jeu trop facile et trop fréquente de la responsabilité
Gouvernementale, entraînant l'instabilité du Gouvernement,
déformation des projets Gouvernementaux ou des budgets...), le principe
de la souveraineté du Parlement a été revu et
limité, en particulier dans la période consécutive
à la seconde guerre mondiale.
On assiste alors à une codification des règles,
dans le cadre d'une espèce de Parlementarisme finalisé,
fondé sur un ensemble de règles techniques destinées
à préserver la stabilité et l'autorité du
Gouvernement, même en l'absence d'une majorité
Parlementaire29.
La motion de censure par exemple, pour être recevable
doit être déposée par un nombre minimum de
députés. Il y a aussi la motion de défiance constructive.
Cette dernière est dite constructive parce que tout en faisant partir le
Chef du Gouvernement, le Parlement doit en même temps proposer le nom de
son remplaçant.
Un autre moyen de rationalisation apparaît dans la
gestion de la procédure législative. Dans le système
français, le Gouvernement impose ses priorités dans la fixation
de l'ordre du jour des assemblées (art.48 de l'actuelle Constitution
française).
29 GICQUEL (J), Droit Constitutionnel et
institutions politiques, Paris, Domat- Montchrestien, 19è
éd., 1999, p. 128
2.2. Régime Parlementaire
déséquilibré
Les régimes Parlementaires qui fonctionnent aujourd'hui
dans les différents Etats sont presque tous
déséquilibrés30. Selon que ce
déséquilibre joue en faveur du Gouvernement ou du Parlement, on
distingue deux types de régimes Parlementaires
déséquilibrés ; le régime Parlementaire
majoritaire, et le régime Parlementaire non majoritaire.
2.2.1. Le régime Parlementaire
majoritaire
Ce régime est incarné dans le bipartisme,
où la majorité Parlementaire est toujours formée par un
seul parti. La discipline du parti empêche les membres de l'équipe
ministérielle ou le premier Ministre, Chef du parti majoritaire,
d'être renversé en cas de vote de défiance ou de motion de
censure.
Grâce à la discipline interne du parti, le
premier Ministre peut par ailleurs, obtenir n'importe quoi du Parlement,
c'est-à-dire de la majorité Parlementaire constituée de
son parti. La responsabilité politique ne joue pratiquement plus dans ce
cas. Seule une scission au sein du parti peut obliger le Gouvernement à
démissionner.
2.2.2. Le régime Parlementaire non
majoritaire
Il est incarné dans les multipartismes, où aucun
des partis ne peut à lui seul obtenir la majorité Parlementaire.
Pour entrer en fonction et pour se maintenir au pouvoir le Gouvernement doit
s'appuyer sur une coalition de plusieurs partis
hétérogènes.
30 MULUMBATI Ngasha, Op. Cit., p. 99
Pour ne pas perdre la majorité Parlementaire, le
Gouvernement doit donner un maximum de satisfactions aux Parlementaires,
notamment en exécutant les différentes propositions qu'ils
émettent sur la gestion de la chose publique.
3. Régime semi- Présidentiel
L'instabilité Gouvernementale, mise sur le compte de la
prédominance Parlementaire, a conduit à l'établissement
d'un régime mixte, à cheval entre les régimes
Présidentiel et Parlementaire. C'est un régime
intermédiaire s'efforçant de réunir les avantages de l'un
ou l'autre système, tout en minimisant leurs inconvénients.
Ce régime bien exprimé dans certain pays
d'Europe a comme marque déposée la France. Il est
caractérisé par l'indépendance organique du Chef de l'Etat
du fait qu'il soit élu au suffrage universel direct (France à
partir de 1962, Constitution de Weimar), soit par un collège
électoral distinct du Parlement (France de 1958 à 1962).
Le Chef de l'Etat détient des prérogatives
importantes : nomination du premier Ministre, recours au
référendum, droit de dissolution de l'Assemblée Nationale,
droit de mettre en oeuvre les pouvoirs exceptionnels en cas de crises (art.16
de l'actuelle Constitution française). Des moyens d'actions
réciproques entre les pouvoirs sont organisés, ainsi que quelques
modalités de collaboration : responsabilité du Gouvernement
devant le Parlement, dissolution éventuelle du Parlement, association du
Gouvernement au travail législatif (droit d'initiative
législative et d'amendement, habilitation ou délégation
législative), contrôle de l'activité Gouvernementale par le
Parlement.
A vrai dire, le Fonctionnement effectif d'un tel régime
mixte est fonction du système de partis. Il aura une allure tantôt
Présidentielle, voire Présidentialiste, tantôt
Parlementaire selon qu'il y a correspondance ou non entre les majorités
Présidentielles et Parlementaires31.
L'exécutif dans ce régime est proche de
l'exécutif moniste ou monocéphale du fait des prérogatives
importantes reconnues au Chef de l'Etat : nomination du Premier Ministre,
recours au référendum, droit de dissolution de l'Assemblée
Nationale, droit de mettre en oeuvre les pouvoirs exceptionnels (art. 16 de
l'actuelle Constitution française). Le régime instauré par
la Constitution française de 1958 paraît cependant comme
s'inscrivant dans le Parlementarisme dualiste. Tout en réaffirmant la
responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, il consolide aussi
l'autorité et le rôle du Chef de l'Etat à telle enseigne
que le Gouvernement est aussi responsable en fait devant lui.
En cas de coïncidence entre les deux majorités
Présidentielle et Parlementaire, la réalité du pouvoir
sera entre les mains du Président de la République, le
Gouvernement sera plus responsable devant le Président de la
République que devant le Parlement. En cas de non- coïncidence,
l'essentiel du pouvoir sera détenu par le Premier Ministre soutenu par
sa majorité Parlementaire. C'est le régime de cohabitation, plus
proche du Parlementarisme que du Présidentialisme à telle
enseigne que l'on pourrait même parler du régime semi-
Parlementaire.
Au terme des articles 90,91 alinéa 4, 100, 146 et 147
de la Constitution du 18 février 2006, l'organisation et l'exercice du
pouvoir en République Démocratique du Congo en ce qui concerne
les institutions de la République, présente en effet les
caractéristiques d'un tel régime.
31 TUMBA LUABA, Op. Cit., p. 309
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