B. Formes de la démocratie
1. Démocratie directe
La démocratie directe est le régime politique
dans lequel le peuple se gouverne directement lui-même. Elle assure la
participation de tous les citoyens, sans intermédiaire, à la
gestion des affaires de la cité ou de l'Etat. Le peuple
délibère lui-même sur ses propres affaires.
Les démocraties antiques (cités grecques et
romaines) étaient des démocraties directes où les
décisions étaient prises par des assemblées
générales des citoyens. A Athènes, l'ecclésia ou
assemblée des citoyens se réunissait
17 MUNZELE (J.M.), « Plaidoyer pour un Etat
démocratique en RD Congo »in l'Afrique des Grands Lacs et des
guerres gigognes : vers des nouvelles perspectives de paix ?, actes du colloque
organisé à Bruxelles le 3 novembre 2001, p. 117
18 LEFORT (C), L'invention démocratique,
Paris, Fayard, 1981, p.45
chaque jour sur la colline du Pnyx. Il s'agissait d'une sorte
de Parlement ouvert à tous les citoyens et qui prenait des
décisions essentielles.
Toutefois, la démocratie antique ne concernait que les
citoyens, lesquels constituaient une minorité, par rapport aux esclaves
qui s'occupaient des tâches productives. Dans l'Athènes du
5ème siècle, les citoyens ne dépassaient pas
40.OOO personnes sur un total de 400.000 habitants.
Mise à part trois cantons suisses (Glaris, Appenzell et
Unterwold), représentant moins de 3% de la population totale suisse, la
démocratie directe n'existe plus. Une fois par an, un dimanche d'avril
ou de mai, les Landsgemeinde ou assemblée populaires, des citoyens se
réunissent sur une prairie ou une place publique pour voter les lois, le
budget et les révisions Constitutionnelles. Cependant leur travail est
préparé par une assemblée politique restreinte, notamment
un conseil cantonal élu. A vrai dire, leur rôle consiste
plutôt à limiter les gouvernants qu'à gouverner
réellement. Comme l'observe M. Duverger, « il s'agit d'une
curiosité historique inapplicable à peu près partout
»19.
Un tel système de démocratie directe ne peut
fonctionner que dans de très petits Etats, à l'instar des cantons
suisses susmentionnés. Dans les nations modernes, l'exercice d'une telle
démocratie directe est empêché par l'impossibilité
matérielle de réunir tous les citoyens au même endroit et
au même moment20.
2. Démocratie représentative
La démocratie représentative ou régime
représentatif se situe à l'opposé du Gouvernement direct
par le peuple ou démocratie directe. La nation n'exerce pas directement
le pouvoir. Tout en restant le titulaire, il en délègue
l'exercice à des représentants élus.
19 DUVERGER (M), Institutions politiques et droit
Constitutionnel, Paris, PUF, tome 1, 18è éd., 1990, p. 94
20 TUMBA LUABA, Op. Cit., p. 106
Le souverain ou la nation exerce sa souveraineté par
l'entremise de ses représentants. Les gouvernants ou pouvoirs publics
agissent au nom de la nation.
En réalité, le pouvoir dont dispose les citoyens
se limite à la désignation des représentants. Le
rôle des électeurs ou du peuple s'achève avec la
désignation des députés.
Le représentant est indépendant de ses
électeurs. Aucun lien contractuel ne les relie. Le représentant
est libre dans ses décisions. Aucun programme ne lui est tracé
par les électeurs qui doivent lui faire confiance pour exprimer la
volonté générale. Le représentant ou mandataire
exerce un mandat de droit public, général, libre et
irrévocable. Il est sensé exercer son mandat toujours en
conformité avec les volontés du mandatant (peuple ou corps
électoral). De toute façon, le peuple ne peut pas
écarter le représentant au cas oüil
s'éloignerait de ses volontés. Il ne peut qu'attendre les
prochaines échéances
électorales pour lui retirer la confiance. La seule
sanction politique est donc la non réélection au mandat
suivant.
En vertu du principe de la souveraineté nationale,
l'élu ou le député représente la nation en son
entier et non ses électeurs. Il dispose d'un mandat national.
La théorie de la représentation a
été développée par Sieyes lors de la
révolution française de 1789, dans le cadre de la doctrine de la
souveraineté nationale. Elle est justifiée pour des raisons
pratiques et politiques. Au plan politique, on considère que le bon sens
impose la représentation. Du fait de l'impossibilité
matérielle de réaliser la démocratie directe, il faut bien
accepter que certains parlent et agissent au nom du peuple, quitte à
organiser les modalités de désignation et de contrôle.
Au plan politique, on estime qu'il n'est ni bon ni souhaitable
que le peuple se gouverne lui- même, étant donné qu'il ne
possède pas les qualités requises notamment la compétence,
la technicité et la prudence. Cette conception aristocratique de la
gestion de l'Etat, défendue entre autres par Montesquieu, ne
reconnaît qu'un seul mérite au peuple : l'aptitude à
choisir des hommes pour les représenter. Outre la méfiance ou
suspicion à l'endroit du peuple, il existe des craintes que le
Gouvernement direct confère une force irrésistible à la
majorité qui serait tentée d'exercer sa dictature sur la
minorité21.
A juste titre, on s'interroge sur le caractère
démocratique du régime représentatif. Comme le constatent
M. Prélot et J. Boulouis, « rigoureusement suivie, la
théorie représentative exclut l'existence d'une opinion
extérieure aux assemblées » 22. Dans la mesure
où la volonté de la nation s'exprime par la bouche des seuls
représentants et que sur ceux- ci ne s'exerce aucun contrôle, la
souveraineté de la nation tourne en réalité, à la
souveraineté des représentants. A la souveraineté
nationale se substitue la souveraineté Parlementaire, une sorte de
dictature des élus.
Suite aux contraintes inhérentes à l'exercice de
la démocratie directe, le régime représentatif s'est tout
de même universalisé et transplanté un peu partout.
Cependant, il connu des évolutions qui ont quelque peu atténuer
son aspect anti- démocratique. Parmi les facteurs majeurs qui ont
contribué à l'évolution du régime
représentatif figurent en particulier l'universalisation du suffrage, le
rôle des partis politiques dans la vie politique et l'encadrement des
élus, la transformation du peuple en acteur permanent du système
politique.
21 ARDANT (P) Institutions politiques et droit
Constitutionnel, Paris, Economica, 2005, p. 172
22 PRELOT (M), BOULUIS (J), Institutions
politiques, cité par TUMBA LUABA, Op. Cit., p. 108
En principe, dans la démocratie représentative,
le représentant demeure indépendant du fait du caractère
non impératif et non révocable de son mandat. Cependant, les
nécessités de la réélection font que l'élu
doit demeurer à l'écoute de ses électeurs, défendre
les intérêts de sa circonscription, veiller à la promotion
du bien- être de ses électeurs. Par ailleurs, il doit compter sur
l'appui d'un parti politique pour être sur d'être élu et de
conserver son mandat.
En définitive, l'élu apparaît
dépendant de ses électeurs et des partis politiques. De plus en
plus, le peuple intervient dans la vie politique. L'introduction de certains
éléments de démocratie directe dans le régime
représentatif l'a fait évoluer vers le régime semi-
représentatif et l'a transformé en démocratie semi-
directe.
3. Démocratie semi- directe
La démocratie semi directe met en oeuvre un certain
nombre de techniques qui permettent au peuple d'intervenir directement et
périodiquement dans la vie politique. Les mécanismes aux
procédures généralement utilisés sont :
> Le contrôle populaire de l'élu : à la
demande d'un certain nombre d'électeurs peut être organisée
une nouvelle élection afin de confirmer ou d'infirmer le mandat d'un
élu. Il s'agit d'une sorte de mise en oeuvre du mandat
impératif.
> L'initiative populaire : elle donne la possibilité
aux citoyens, par une pétition ayant recueilli un nombre prévu
des signatures, d'obliger les gouvernants à se saisir d'une question ou
de provoquer un vote sur un problème : vote ou abrogation d'une loi,
révision de la Constitution, dissolution du Parlement, destitution des
gouvernants.
> La consultation des citoyens par référendum
: ce sont les gouvernants (Parlement ou Gouvernement) qui prennent l'initiative
et consulte les citoyens au suffrage universel, sur un projet qu'ils ont
élaboré. Les citoyens ont alors le choix entre l'approbation
dudit projet ou son rejet. Si les citoyens consultés l'acceptent, le
texte devient loi, s'ils le rejettent, le texte n'est pas appliqué.
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