IV. ANALYSE DES ENTRETIENS
Pour commencer, avant chaque début d?entretien, j?ai
demandé l?autorisation de pouvoir enregistrer nos conversations, de
façon à pouvoir rester le plus fidèle possible aux
réponses apportées, lors de la retranscription.
Voici d?ailleurs un tableau46 qui reprend les
caractéristiques de chacune des interlocutrices, afin de pouvoir mieux
les situer, par rapport à leur ancienneté dans la profession, la
fonction qu?elles occupent, et le lieu où elles exercent :
Lieu
|
Interlocuteur
|
Fonction
|
$nnéI-W LId'I-(I-LFice dans la
fonction
|
|
|
·
|
Infirmière depuis
|
·
|
16 ans
|
Service de chirurgie
|
Mme S
|
|
1994
|
|
|
|
|
·
|
Cadre depuis 2006
|
·
|
04 ans
|
|
|
·
|
Infirmière depuis
|
·
|
18 ans
|
Service de neurologie
|
Mme X
|
|
1992
|
|
|
|
|
·
|
Cadre depuis 2006
|
·
|
04 ans
|
|
|
·
|
Infirmière depuis
|
·
|
19 ans
|
Service de pneumologie
|
Mme Z
|
|
1991
|
|
|
|
|
·
|
Cadre depuis 2000
|
·
|
10 ans
|
|
|
·
|
Infirmière depuis
|
·
|
35 ans
|
Service de réanimation
|
Mme A
|
|
1975
|
|
|
|
|
·
|
Cadre depuis 1988
|
·
|
22 ans
|
Service de cardiologie
|
Mme L
|
·
|
Infirmière depuis 2006
|
·
|
04 ans
|
46 J?ai décidé d?attribuer une couleur
différente à chaque personne, de façon à pouvoir
reconnaître ses propos plus facilement, par la suite.
Lors de mes différentes requêtes, j?avais
demandé à pouvoir m?entretenir soit avec des cadres, soit avec
des infirmier(e)s. Il se trouve que j?ai rencontré quatre cadres
infirmiers, et une seule infirmière. Je me suis fait cette remarque,
pensant que cela pourrait peut-être fausser mon analyse.
Puis finalement, je me suis dit, qu?avant d?être cadre,
il fallait être infirmier(e). Cela m?a permis, en quelque sorte, de
pouvoir connaître l?opinion de ces personnes, sous deux angles
différents : d?abord le point de vue d?une infirmière, et ensuite
celui d?une infirmière cadre.
De plus, chacune d?entre elles ayant un cursus
différent, et évoluant dans des services de soins tout à
fait différents également, les réponses apportées
n?en sont que plus utiles dans la conduite de mes recherches sur le sujet.
Ensuite, l?idée que ces personnes ont de la rigueur est
partagée. Dans l?ensemble, lorsque je les ai questionnées sur le
sujet, celles-ci m?ont cité assez rapidement l?application des
protocoles, le fait de savoir prendre en compte les conseils des
collègues plus anciens, le respect des horaires de travail. Egalement le
fait de pouvoir être méticuleux dans son organisation, afin
d?être plus efficace, mais aussi avoir un comportement
irréprochable, vis-à-vis du patient. Que ce soit dans la
manière de communiquer, ou dans la façon d?exécuter les
soins.
A ce titre, Mme S. pense que cette rigueur, bien que
nécessaire au travail, doit être mesurée pour tout ce qui
touche la relation à l?autre et dit : 44 ...rigueur sur la
qualité des soins, mais rigueur à tempérer sur tout ce qui
est organisation relationnelle, car la rigueur dans du relationnel, c'est,
à mon sens, pas du tout pertinent... Donc, voilà, rigueur sur
certains points, mais pas sur tout. »
Quant à Mme A., qui travaille dans un service de
réanimation, la rigueur peut-être associée à de la
discipline, qu?elle soit dans la façon de dispenser les soins, dans le
rangement des locaux ou dans l?organisation des différentes taches. Elle
précise que l?habitude est un facteur dont il faut se méfier : 44
D'ailleurs, l'habitude, c'est quelque chose de très mauvais
pour la rigueur.»
En poursuivant l?analyse de mes entretiens, il s?avère
qu?une personne seulement, Mme Z, m?a parlé de la
nécessité d?effectuer des transmissions claires et
précises : « Et ben ça se traduit par le fait qu'on fait
les choses dans les temps..., et puis, dans les transmissions, essayer
d'être bien précis, dans ce qu'on dit, dans ce qu'on écrit
». Je me suis alors demandé si les autres personnes
interrogées pensaient qu?elles n?étaient sujettes à aucun
dysfonctionnement.
J?ai donc, lors des entretiens, essayé d?en savoir plus
sur ce qu?elles pensaient de l?utilisation du dossier de soins, des pratiques
de langage au sein des équipes, qu?elles soient orales ou
écrites.
Et notamment, connaître la place qu?occupent les sigles,
les acronymes et les abréviations dans leur quotidien professionnel.
La réponse ne s?est pas faite attendre car toutes m?ont
affirmé en utiliser régulièrement dans leur service. Je
leur ai donc demandé à quelle occasion, et dans quelles
situations elles étaient amenées à le faire. Et quels
avantages cette façon de communiquer présentait-elle?
Il en ressort que, dans la pratique professionnelle,
l?ensemble des infirmières utilise cette façon de communiquer,
car cela revêt, pour elles, quelques avantages. D?abord, cela a un
côté pratique, dans la mesure où le langage et la lecture
paraissent plus fluides47. Certaines précisent, à ce
sujet, que le fait d?avoir « des cases trop petites » ,dans les
dossiers, ou sur les tableaux réservés aux plannings de soins,
nécessite d?adapter son écriture pour gagner de la place.
Ensuite, l?écriture est plus rapide, et en même
temps, cela leur évite d?avoir à réécrire ou
répéter, chaque fois, les mots en entier. Et puis, selon elles,
le fait de prononcer tous les mots en entier alourdirait les phrases, à
l?instar du texte de J.HESKA48, et constituerait une perte de temps.
D?ailleurs, les cinq personnes interrogées se rejoignent sur ce point
:
- Mme S. se montre catégorique et me dit, au cours de
l?entretien : 44...la rapidité d'écriture, c'est
indéniable ». Ses propos sont rejoints par ceux de Mme X, qui
affirme : 44 ...c'est un gain de temps dans l'écriture, c'est vrai !
Mais, sinon, j'en vois pas d'autre, c'est juste un gain de temps
».
- Mme L., qui est la seule infirmière, sans occuper la
fonction de cadre, se montre un peu plus précise, quant aux raisons qui
la motivent à s?exprimer de la sorte : 44 ...La
rapidité
47 Idée reprise par le Dr Di COSTANZO. Cadre
conceptuel, p.9.
48 Cf. Annexes. Texte intitulé 44 Un monde
idéal où les acronymes n'existent pas ».
14
d'écriture. On a tellement de paperasse à
faire, on a tellement de choses à remplir... que s'il faut commencer
à écrire tous les mots en entier... On en finira pas. En plus,
les termes médicaux sont assez compliqués, alors c'est plus
facile de les écrire en abréviations ou en acronymes 0.
Puis, plus tard, elle me confie y trouver un avantage, également, lors
de la relève : 44 Lors des relèves, aussi, on n?a pas beaucoup de
temps pour faire le tour des patients49. Du coup, il faut aller
à l?essentiel, et c?est vrai que les acronymes et les
abréviations permettent d?aller plus vite 0.
- Mme Z., quant à elle, est plutôt axée
sur l?expression elle-même, et pense que cela permet un débit plus
rapide : 44 ...ben, ça raccourcit peut-être certains termes,
donc peut-être une rapidité dans la formulation des choses... que
l'on n'a pas si on utilise le terme exact 0.
- Mme A., la plus anciennement diplômée parmi mes
cinq interlocutrices, se montre plus réservée sur le sujet et ne
voit, dans l?utilisation des sigles et des abréviations, qu?un avantage
relatif, dans les écrits : 44 Moi j'en vois...j'en vois
pas... A l'écrit peut-etre... 0.
Plus tard, elle précise que ceux qu?elle tolère
sont uniquement ceux qui sont admis et reconnus, dans son service, et qui ne
sont donc sujet à aucun problème d?interprétation : 44
On a le droit à l'acronyme si on a donné sa
définition en premier lieu. Par exemple, si, on a des acronymes qu'on
utilise souvent~ Je ne vois pas une infirmière marquer «
fréquence respiratoire, fréquence cardiaque », elle va
mettre « FR, FC a». Mais là, c'est vrai qu'on estN Là,
c'est des acronymes de terrain. Effectivement, ceux-là, ouis
0.
D?autres raisons viennent s?ajouter au fait que les
professionnels continuent d?utiliser cette forme de langage :
1) L'habitude : en effet, ayant l'occasion de
les utiliser régulièrement, « c'est
rentré dans les moeurs », comme m?a
confié une de mes interlocutrices, Mme X.
Mme S, quant à elle, avoue utiliser exclusivement une
base commune de sigles et d?abréviations qui, à ses yeux, ne
peuvent etre la cause d?une quelconque erreur d?interprétation. Elle me
dit : 44 ...tous ceux que nous utilisons sont issus du tronc commun, que
tout le monde connaît 0 .
Et si danger il y avait, notamment dans les écrits, il
lui paraîtrait alors nécessaire d?en préciser le sens,
dès la première utilisation.
Elle ajoute, par rapport à cela : 44 Moi-mame,
quand je fais un courrier et que j'utilise plusieurs fois les mames acronymes
ou abréviations, comme vous voulez, j'aime bien établir une liste
avec les définitions, pour éviter de les réexpliquer
à chaque fois 0.
En outre, plusieurs des personnes interrogées pensent
que les acronymes sont surtout d?origine médicale, et que les
infirmières ne font que reproduire ceux qui leur sont transmis par les
médecins avec lesquels elles travaillent. Elles précisent alors,
qu?en cas de doute, il est toujours possible de contacter l?auteur afin de
corriger une éventuelle ambiguïté.
Par exemple, Mme Z. qui parle de ses souvenirs
d?étudiante : 44 C'est un peu, je me souviens... comme quand on est
en cours... On prend des notes, on recopie les acronymes et les
abréviations des médecins, et si on ne comprend pas, on demande,
et après, on peut les utiliser, en sachant de quoi on parle 0.
Mme A, quant à elle, se réfère à
ce qu?elle voit dans les dossiers médicaux et affirme : 44
Oui...Oui... Et là, on en retrouve ! Parce que bien souvent,
les infirmières recopient comme c'est écrit dans le dossier
médical...ça vient des médecins ! Enormément.
D'ailleurs, les acronymes sont médicaux. 0
2) Un facteur d'intégration et
d'identité professionnelle : lorsque nous avons abordé
les conditions favorables à l?intégration d?un nouveau membre,
dans une équipe de soins, plusieurs éléments ont retenu
mon attention.
D?abord, certaines interlocutrices m?ont avoué
préférer etre présentes lors du premier entretien
d?embauche, car elles estiment que leur approbation doit rester primordiale
dans le choix d?un candidat. En effet, comment un nouveau professionnel
pourrait-il s?épanouir, au sein d?une équipe, sans avoir
été accepté par son futur supérieur
hiérarchique direct ?
49 Cf. propos d?Olivier GUEGUAN. Op. Cit. Cadre
conceptuel, p.9
A ce sujet, Mme S pense que cette situation constituerait un
frein important dans le bon déroulement du travail quotidien, voire un
facteur de mauvaise ambiance au sein de l?équipe : 44 ...je pense
qu'il est important de participer à l'entretien d'embauche. Je pense que
c'est intéressant, car si on propose un professionnel à un cadre,
alors que le cadre n'a pas fait le choix de ce professionnel, ça peut
être déstabilisant et le professionnel peut le ressentir
».
Ensuite, l?accueil du nouvel arrivant, qui passe par une
présentation de l?équipe, du service et des locaux, des
pathologies rencontrées, avec éventuellement la remise d?un
livret d?accueil, livret qui tend à titre de plus en plus présent
dans les services de soins. Ce dernier a pour but d?aider la personne à
se familiariser, progressivement, avec son nouvel environnement. Le fait
d?avoir accès à cet outil serait d?ailleurs, pour certaines, une
façon de rendre les premiers jours moins anxiogènes pour le
nouveau soignant.
Dans la mesure du possible, une doublure également,
d?une durée plus ou moins longue (de deux à quinze jours selon le
service) est quelquefois mise en place, de façon à ce que la
personne, nouvellement arrivée puisse bénéficier de
l?expérience d?un collègue plus ancien. Cependant, il semble que
la doublure soit devenue quasiment impossible, dans certains services comme
celui de Mme X., qui me dit, lors de l?entretien : 44 ...quand on arrive
à faire une doublure de deux jours, avec le planning, c'est
déjà bien !... Voilà... Il n'y en pas, parce
qu'aujourd'hui, on recrute de date à date. Quelqu'un arrive quand
quelqu'un d'autre part... Alors, des fois, avec le planning, on arrive à
jongler deux jours ».
Ce soutien peut prendre la forme d?un apprentissage technique
sur de nouveaux appareils, de connaissances théoriques
complémentaires et spécifiques, quant à la prise en charge
des patients, ou encore sur l?organisation et l?acquisition du langage propres
au service.
En effet, le fait de faire partie d?un meme groupe, et de
parler un langage commun à l?équipe, favoriserait, selon les
personnes que j?ai pu rencontrer, une meilleure intégration et, par la
suite, une reconnaissance du nouvel arrivant par ses pairs : 44...Et quand
le jeune professionnel commence à bien utiliser le vocabulaire et les
acronymes, ben oui, c'est comme une porte qui s'ouvre... La reconnaissance
professionnelle... », pour reprendre les termes de Mme X, cadre de
santé en neurologie.
Mme A. également, pense que cette reconnaissance vient
des pairs, et notamment du médecin qui semble jouer, selon elle, un
rôle primordial par rapport à l?intégration du nouvel
arrivant dans le service : 44 Par exemple, les infirmières,
elles travaillent énormément en collaboration avec
l'équipe médicale. C'est le médecin qui va donner ce
sentiment de reconnaissance à l'infirmière parce qu'il va lui
dire si oui ou non son travail est bien fait. Et c'est pareil.... Je pense
que... Actuellement, c'est les entretiens d'évaluation. On voit bien que
les jeunes infirmières, quand elles arrivent à comprendre les
situations, à avoir plus de sérénité lors des
prises en charge, ont ce sentiment de reconnaissance...
».
D?ailleurs, dans certains services, il a été
établi une liste des abréviations et des sigles couramment
utilisés, de manière à ce qu?une personne novice puisse
s?y référer en cas de doute ou d?incompréhension, de
façon à pouvoir se l?approprier par la suite.
Mme X. va même plus loin, et rejoint les pensées
de Rose-Marie MIQUEAU50. Elle explique ce phénomène
par le fait que, dans chaque profession, il existe un vocabulaire
spécifique, et qu?une personne qui ne parvient pas à s?approprier
le langage du groupe de travail, où elle se trouve, se sentira
peut-être exclue : 44 Se sentir exclue, oui. Mais bon, je pense que
ce n'est pas une volonté d'exclure qui que ce soit, quand on utilise des
acronymes. Mais c'est sur que ça a pour conséquence ou pas de
faciliter l'intégration. Enfin, je veux dire, en neurologie, par
exemple, le vocabulaire est très particulier. La terminologie est
complexe, elle est riche. Et donc, quand on n'intègre pas tout
ça, et dont les acronymes, car on en utilise beaucoup, ben, on est
à côté, quoi...
Forcément, si on ne sait pas quoi en faire, et
qu'on ne les comprend pas vite, on a l'impression d'être exclu... Et une
fois qu'on maîtrise un peu plus la terminologie, ces acronymes, on se
sent plus intégré... Quand les infirmières ont plus de
facilités, lors des transmissions, à lire ou à dire ces
acronymes, elles ont droit à...à...à plus de respect de la
part de leurs collègues. ».
D?ailleurs, Mme L. semble etre de son avis quand elle dit :
44 Chez nous, tu auras des acronymes comme « BAV », « IVG
», « IVD », « FC »... Et plein d'autres... Donc, il
faut quand même savoir ce
50 Propos de Rose-Marie MIQUEAU -- Cadre conceptuel.
p.5
16
que ça veut dire, sinon, tu n'as rien à
faire dans le service... Et puis, c'est presqu'un langage courant pour nous.
Pour les soignants... 0. Plus tard, elle ajoute : 44 On a la langue
« normale » pour les gens qui ne sont pas soignants, et une autre
langue pour nous... 0.
Mme Z., également, pense que le groupe de travail
possède sa propre façon de communiquer : 44 Parce que c'est
vrai qu'aussi bien au niveau médical qu'au niveau paramédical,
c'est le même langage qui est employé.. Donc, on a
intérêt à s'y faire très rapidement... à
chercher à savoir très rapidement ce que veulent dire les
différents sigles, les différentes abréviations... Pour
moi, ça me fait penser à la culture de groupe ; voilà,
ça veut dire, j'appartiens à un groupe, je suis dans ce groupe
là de travail. Et on parle de telle façon...
Parce que vous allez dans une autre réa... on va
retrouver, évidemment, certains termes pareils, mais après, il va
y avoir des spécificités en fonction des services où vous
allez aller... 0.
Néanmoins, même si elles partagent la même
opinion sur le fait que ne pas parler le même langage pourrait engendre
l?exclusion d?un professionnel au sein de l?équipe, Mme Z. et Mme X.
semblent avoir un point de vue divergent sur les intentions qui pourraient
conduire certains soignants à s?exprimer ainsi :
- Mme Z. : 44 Oui, oui... Oui. Oui, tout à fait. Si
ça ne passe pas avec quelqu'un, je pense qu'on est capable de faire
exprès d'utiliser un langage qu'il ne comprend pas. Et ça
permet... ben de l'écarter encore plus, quoi... et en même temps,
de ne pas l'intégrer au groupe 0.
- Mme X. : 44 Se sentir exclu, oui. Mais bon, je pense que
ce n'est pas une volonté d'exclure qui que ce soit quand on utilise des
acronymes. Mais c'est sur que ça a pour conséquence ou pas de
faciliter l'intégration 0.
Cependant, la plupart d?entre elles reconnaît qu?il
existe certains inconvénients liés à l?utilisation de ces
sigles, acronymes ou abréviations, dans la mesure où certains
peuvent comporter un sens caché ou un risque de confusion.
Elles ont d?ailleurs connu au moins une situation où
elles se sont retrouvées confrontées à des termes
dépourvus de sens, et qui les empechaient de comprendre parfaitement
l?état du patient. A ce sujet, Mme Z., m?a parlé de ses
débuts, et notamment des difficultés, liées au langage du
service :
44 ...quand je suis arrivée, le premier mois, j'avais
l'impression d'être dans un autre monde, et je ne comprenais rien
à ce qui se disait... 0.
Mme L. semble être, elle aussi, du même avis : 44
Au début, ça me choquait, et puis ça m?énervait
aussi... tu vois tout le monde aller super vite, tout autour de toi... En plus,
on te parle avec des termes que tu ne comprends pas. Je me suis dit 44 Mais
qu'est-ce que je fous ici... ?0.
Cela peut etre le cas, lorsqu?elles prennent en charge un
patient d?un autre secteur, et qu?alors, à la lecture du dossier
médical, et notamment en ce qui concerne les antécédents
médicaux, elles se retrouvent face à des informations
imprécises ou incomplètes. Le danger serait donc présent,
à partir du moment où on n?est plus capable de replacer ces
derniers dans un contexte approprié.
A ce sujet, leurs témoignages m?ont fait prendre
conscience, davantage, de la nécessité de se montrer le plus
explicite possible, lorsqu?il s?agit de transmettre des données
médicales .
Mme Z. l?illustre parfaitement quand elle dit : 44 Ce qui
est écrit n'est pas forcément assez précis... avec une
écriture, euh..., très spécifique à la
profession... qui n'est pas forcément « entendable » par tout
le monde... Je vous dis ça parce que moi j'ai eu des difficultés
quand je suis arrivée ici, il y avait des comptes-rendus avec des
abréviations et du vocabulaire spécifiques au service, que je ne
comprenais pas...c'est ce que j'ai vécu quand je suis arrivée
ici 0.
Elles admettent alors le fait qu?une personne,
extérieure au service, éprouvera peut-être encore plus de
difficultés à 44 déchiffrer 0 le code établi. Voici
quelques situations dont nous avons pu parler lors de mon enquête
auprès des professionnels :
1) Cela peut être le cas, par exemple, quand elles vont
se trouver face à la famille d?un patient, ou devant le patient
lui-même ; il leur faudra alors adapter le langage par rapport aux
connaissances et aux capacités de compréhension du patient ou de
son entourage.
En effet, il arrive parfois que les médecins
fournissent des explications au patient, sur son état de santé,
et ce, dans un langage que certaines jugent être du 44 charabia 0. Cela
oblige les infirmières à parfois reformuler les propos pour les
rendre plus accessibles à la personne soignée, comme cela a
été le cas pour Mme X. : 44 C'est comme les médecins
quand ils parlent devant les malades... Parce
qu'ils sont dans leurs trucs, ils ont la connaissance, ils
connaissent le vocabulaire... Et ils oublient qu'en face, ils ont des gens qui
sont novices... et qui ne sont pas compétents.
Donc, à un moment donné, il faut les faire
atterrir, il faut leur dire que pour la personne qui est en face d'eux, c'est
du charabia. Donc, il faut se mettre à la portée des gens...
0.
Parmi les cadres interrogées, certaines ont reconnu
qu?elles avaient meme du déjà reprendre certaines
collègues qui employaient un vocabulaire professionnel trop
élaboré et inadapté aux patients.
A ce sujet, Mme Z. souligne : 44 J'ai déjà
remarqué, par exemple, qu'à certaines familles, quand les
infirmières leur parlent, elles utilisent les acronymes. Et bon, je sais
que moi, au début, je leur ai demandé de faire attention.
Je leur disais « attention, je suis pas sûr que la
famille a compris ce que vous leur avez dit, parce que...euh..., les termes que
vous employez ne sont pas habituels pour eux 0.
2) Ou encore cet exemple, donné par Mme Z., sur
l?étudiant infirmier, à qui on demande, en premier lieu,
d?apprendre le vocabulaire professionnel, dans son institut de formation. Par
la suite, elle constate alors qu?il doit dans certains cas, en plus des termes
enseignés, adapter ces derniers au vocabulaire de l?équipe dans
laquelle il vient d?arriver : 44 Euh, oui, je pense... Je pense que c'est
d'autant plus difficile, parce qu'il a déjà du mal à
intégrer, ...euh... les termes qui correspondent vraiment aux choses, et
faut en plus intégrer un nouveau vocabulaire...qui n'est pas
forcément logique, en plus... Bon, ya des fois, c'est logique, mais ya
des fois, on trouve des abréviations qui sont pas du tout logiques,
quoi... 0.
En tant qu?étudiant infirmier, moi-même, je n?ai pu
qu?approuver ce point de vue, puisque ma question d?étude découle
d?une situation semblable.
3) Et que dire des équipes de secours,
constituées de professionnels, présents, parfois, pour une
très courte durée, et à qui on va demander de prendre en
charge rapidement les patients du secteur ?
En effet, exceptés les services très
spécifiques, comme par exemple la réanimation, où il
s?agit le plus souvent d?équipes de secours rôdées, il
arrive, notamment dans le secteur privé, que certaines
infirmières viennent effectuer un remplacement pour une seule
journée. C?est le cas de celles qui sont employées par le biais
de l?intérim.
Il est alors vraisemblable de penser, comme Mme Z. : 44 Ben
non, elle aura pas le temps... Moi, j?ai travaillé comme équipe
de secours, ben ya des choses, vous les survolez, car vous pouvez pas. Vous
pouvez pas tout connaître dans le service... Vous allez un jour à
un endroit, un jour à un autre... C?est pour ça, faut assurer le
quotidien... C?est savoir donner les médicaments, savoir faire les
pansements, euh...être auprès de la personne, l?écouter, et
le reste, ma foi...on va pas plus loin... 0.
C?est pour cette raison que les transmissions devront etre
claires et précises, de façon à écarter tout risque
de difficultés ou d?erreurs d?interprétation.
|
|