2.2.2. Les articles de recherche
ASPY et ROEBUCK (1990) relatent les résultats d'une
série de recherches visant à savoir ce qui se produit lorsqu'un
enseignant sait montrer à ses élèves qu'il les aime
vraiment, les comprend et veut les aider. Leurs résultats sont
allés bien au-delà de ce qu'ils imaginaient. Ils se sont rendu
compte que la bonne interaction entre enseignant et élèves permet
non seulement de faciliter la transmission du contenu pédagogique, mais
aussi et surtout de motiver les apprenants à venir suivre le cours.
Les auteurs qualifient d'interactions facilitantes les
attitudes suivantes : la considération positive et l'empathie. Par
ailleurs, ces auteurs ont noté en particulier que les
élèves dont les enseignants offrent un haut degré
d'efficacité au niveau de leurs interactions ont vu leurs
résultats scolaires et leur niveau de Quotient Intellectuel (QI)
s'améliorer. De plus, ils sont beaucoup moins absents et ont une
meilleure image d'eux-mêmes.
ASPY et ROEBUCK (1990) ont élaboré un programme
destiné à élever le niveau d'authenticité, de
considération positive et d'empathie des enseignants. Ce programme
présentait une sensible augmentation du nombre et de la qualité
des interactions facilitantes, avec l'effet principal suivant: `'
l'école avait le taux d'absentéisme le plus bas de son histoire
(8,8 %) en 45 ans d'existence ».Les auteurs concluent donc que le
meilleur moyen pour les enseignants d'aider vraiment leurs élèves
à apprendre et à mieux respecter la discipline, à
être assidus aux cours, c'est de suivre un programme de formation qui
leur enseigne systématiquement à employer des modes d'interaction
et de communication empathique.
Nous retenons de ce travail le rôle déterminant
de l'enseignant à réduire les absences à travers la
sympathie, l'amour des apprenants et l'interaction facilitante car, dans les
établissements secondaires certains adolescents développent une
attitude négative vis-à-vis de
leur professeur. Nous remarquons également que certains
enseignants enregistrent plus d'absences que leurs pairs. Ce
phénomène pourrait effectivement s'expliquer par le défaut
de considération ou par le manque d'interaction facilitante entre
l'enseignant et les apprenants. Les absences choisies sont aussi
fréquentes dans les lycées. L'élève s'absente
à un cours déterminé parce qu'il n'aime pas le professeur.
L'enseignement est une activité intellectuelle et humaine qui engage la
responsabilité de celui qui l'exerce. Il s'agit moins d'une intelligence
qui enseigne à d'autres intelligences que de personnes qui enseignent
à d'autres personnes. Le véritable apprentissage, n'intervient
que lorsque le facteur humain est respecté et satisfait. L'ouverture
d'esprit de l'enseignant et sa bienveillance augmente les possibilités
d'assiduité des élèves au cours. Pour LECOMTE (2008), les
élèves dont les enseignants manifestent un haut degré
d'empathie et de considération ont de meilleurs résultats
scolaires, sont moins absents au cours, et ont une meilleure image
d'eux-mêmes. De ce fait, la conclusion des auteurs est d'un grand apport
pour minimiser le phénomène de l'absentéisme. Ils
rejoignent ainsi BENOIT et Al tout en allant beaucoup plus dans les
détails relationnels.
TOULEMONDE (1998) rapporte que l'absentéisme est aussi
vieux que l'école. Qui n'a pas entendu évoquer la fameuse
« école buissonnière "? Le phénomène
a cependant pris une ampleur et des formes nouvelles plus inquiétantes.
L'auteur ajoute que l'absentéisme se manifeste sous différentes
formes et pour différentes raisons qui sont :
- l'absentéisme de motivation dû à
l'incertitude des débouchés professionnels ;
- l'absentéisme de confort : qui se manifeste
avec la complicité des parents. Par exemple 1 à 2 heures par jour
;
- l'absentéisme de consumérisme scolaire :
les élèves choisissent les enseignements auxquels ils assistent
en fonction des critères liés à la matière, en
particulier le coefficient ;
- l'absentéisme de respiration : face à la
lourdeur des programmes et des horaires, à la pression des devoirs et
exercices, les élèves s'absentent pour rompre avec le «
stress " et récupérer ;
- l'absentéisme par nécessité
économique : par besoin financier, les élèves
abandonnent les cours et vont accomplir de « petits boulots " ;
- l'absentéisme contraint : il se traduit par une
exclusion provisoire de la classe ou une exclusion temporaire de
l'établissement ;
- le vrai faux absentéisme : il s'agit des «
absents-présents ". L'élève est présent dans le
lycée, mais en dehors de la classe.
Il importe de remarquer que ces formes d'absentéisme
reposent sur les causes du phénomène. Car, ce rapport met en
exergue trois facteurs essentiels qui sont à l'origine de
l'absentéisme. Ils sont d'ordre économique et social,
organisationnel et pédagogique.
Les facteurs économiques et sociaux concernent
la situation sociale des élèves, le contexte économique
général plus ou moins défavorable à la motivation
des élèves et à leur assiduité, les
déviances dont les plus importantes sont la consommation de drogues, les
conduites violentes et la dépression. La tendance à la
constitution d'un groupe social des jeunes, la rupture sociale,
génératrice de « non-communication » entre les
élèves et les professeurs, la démission, voire la
capitulation des parents, la complicité des familles, leur
incapacité à exercer l'autorité, leur impuissance à
faire respecter les règles, parfois même à faire lever leur
enfant pour aller en classe et à fortiori à suivre le travail
scolaire sont des réalités qu'il convient de souligner. Les
difficultés rencontrées au sein de la vie familiale rejaillissent
sur l'enfant. Le nombre d'enfants (fratrie nombreuse) est également
signalé comme facteur d'absentéisme. L'étude de l'INSERM
montre que les filles sont moins absentéistes que les garçons.
Les élèves internes sont moins absents que les autres
élèves ; ils ont moins d'occasions et de prétextes
possibles et ils savent que les familles sont prévenues dans la
journée.
Les facteurs relatifs à l'organisation du travail
des lycéens concernent la désorganisation des enseignements
qui porte naturellement préjudice à ceux qui sont les plus
fragiles. Les veilles de vacances, les journées isolées
d'ouverture théorique (lendemains de jours fériés), les
rentrées de congés en milieu de semaine sont également
sources d'absentéisme. Plusieurs lycées signalent le
problème posé par le Ramadan et par le jour de Sabbat. Sur la
semaine scolaire, d'une façon générale, il est
observé :
- plus de retards le lundi matin ;
- plus d'absences le mercredi lorsqu'il n'y a pas cours
l'après-midi ;
- plus d'absences les jours où l'emploi du temps ne
comporte que peu d'heures de cours ; - plus d'absences le vendredi
après-midi quand le samedi matin est libéré ;
- plus d'absences le samedi matin quand il existe encore.
Dans la majorité des établissements, la
corrélation entre les absences des professeurs et l'absentéisme
des élèves est une évidence. Un même professeur
régulièrement absent permet aux absentéistes d'user de la
carte « je croyais qu'il n'était pas là ».
Plusieurs professeurs absents le méme jour font que les
élèves estiment qu'il ne sert à rien de venir pour deux ou
trois heures de cours.
Les facteurs de nature pédagogique se situent
au niveau des questions de l'orientation et de l'échec scolaire. Les
taux d'absentéisme sont globalement plus élevés dans les
filières
technologiques que dans les filières
générales, et les absences sont plus nombreuses encore dans les
filières professionnelles que dans les filières technologiques.
Le taux d'absences est d'autant plus élevé que l'orientation n'a
pas été vraiment désirée par le lycéen. Plus
les élèves sont en échec, plus l'absentéisme est
important : insatisfaction scolaire, redoublements multiples, rejet de
l'école. Le statut de la matière d'une part et la
personnalité de celui qui enseigne d'autre part jouent également
un rôle dans l'absentéisme. L'importance d'une matière
reconnue par un élève relève non seulement des
représentations de la discipline dans l'esprit des lycéens et de
leur famille, mais aussi et surtout du coefficient et du caractère
obligatoire aux examens. Quant à la personnalité du professeur,
elle influe considérablement sur l'assiduité des
élèves. « L'engagement et le dynamisme » d'un
professeur sont systématiquement associés à
l'assiduité des élèves, et la relation
professeur-élève est centrale : même si ce travail
relève les facteurs organisationnels et pédagogiques, il
évoque aussi l'enseignant comme facteur de l'absentéisme,
principalement ses caractéristiques personnelles et leurs incidences sur
son rapport à l'enseignement et sa relation aux élèves.
TOULEMONDE (1998) vient ainsi conforter la position de ASPY et ROEBUCK (1990)
sur le rôle de l'enseignant dans le phénomène.
Pour ce qui concerne notre recherche, ce rapport de TOULEMONDE
nous paraît intéressant à retenir. Il relate les
différents visages de l'absentéisme et les facteurs liés.
Quelques aspects des facteurs pédagogiques sont relevés par ASPY
et ROEBUCK (1990). En outre, son rapport nous éclaire dans le sens que
les insuffisances organisationnelles vont toujours contribuer à
l'absentéisme. Or, tout en occultant sa part de responsabilité,
l'institution continue de punir les absentéistes. Nous tiendrons compte
de ce rapport dans la mise en oeuvre de nouvelles stratégies permettant
de mieux gérer le manque d'assiduité des élèves aux
cours.
BENOIT, DONATIEN et PIERRE (2000) ont étudié les
facteurs liés à l'absentéisme dans une population
d'élèves à risque de décrochage et la vision des
élèves de l'école.
Après avoir donné les motivations profondes qui
ont conduit à cette étude, les chercheurs ont essayé de
recenser les causes des phénomènes d'abandon et
d'absentéisme.
En ce qui concerne l'absentéisme, ils affirment qu'il
semble être une préoccupation pour de nombreux acteurs de
l'éducation. Cependant, la majorité des recherches se focalisent
plus sur la problématique de l'abandon scolaire que sur celle de
l'absentéisme proprement dit. Or, la plupart des enseignants se
plaignent de l'absentéisme épisodique qui, pour eux, est beaucoup
plus difficile à gérer au quotidien que le départ pur et
simple d'un élève, méme s'il est un prédicateur
puissant à l'abandon, un premier pas vers le décrochage. Plus un
élève
s'absente de façon répétée et
durable, plus il risque d'abandonner. Pour ce qui concerne les facteurs
liés à l'absentéisme, les auteurs relèvent la
situation familiale difficile (divorce, pauvreté,...), les attitudes
parentales négatives vis-à-vis de l'école, le manque de
soutien de la famille dans le travail scolaire, le redoublement et les
fréquents changements d'école. Ils signalent également
:
- le faible intérét pour l'école et
l'absence de projet chez les élèves;
- l'influence des pairs déviants;
- le travail hors de l'école pour gagner de l'argent;
- l'absence de sanctions scolaires ou parentales ; etc.
Par ailleurs, les chercheurs évoquent la victimisation,
les difficultés d'intégration chez les pairs, les
problèmes relationnels avec les enseignants. Pour eux, si
l'absentéisme est un précurseur de l'abandon, les
prédicateurs de l'absentéisme sont moins connus. Par
conséquent, leur étude vise d'une part, à mieux
connaître la façon dont les élèves voient
l'école (quelle image se sont-ils construits de l'école?
Qu'attendent-ils des cours et des enseignants?), et d'autre part, à
identifier les variables liées à l'absentéisme.
L'hypothèse principale émise est la suivante :
au sein d'une population à risque, l'absentéisme est
associé à l'intérêt pour les cours et au
degré d'intégration sociale dans l'école,
c'est-à-dire, à la qualité des relations entre les
enseignants et les élèves de leur classe.
L'enquête a concerné quarante et un (41)
élèves du secondaire âgés de seize (16) à
vingt-deux (22) ans issus d'une population d'origine socio-économique
modeste. Les résultats auxquels ils sont parvenus sont les suivants :
Sur la qualité de ce qu'on apprend à
l'école, les élèves sont très partagés ; 46%
se disent satisfaits de ce qui leur est enseigné. Les aspects
relationnels semblent prioritaires, car les élèves ont
visiblement des attentes assez élevées de l'école. Mais la
majorité, soit 70% d'entre eux, s'estiment déçus par
l'école. Ils avancent comme raisons la discipline trop stricte, les
mauvaises relations avec les enseignants et entre les élèves, la
victimisation de certains élèves et l'absence des enseignants.
Les élèves insistent fortement sur la disponibilité et
l'écoute de la part des enseignants. Un quart (1/4) des
élèves jugent qu'il y a violence dans leur classe. Mais il s'agit
de la violence verbale de la part des enseignants et de certains
élèves.
A la question de savoir s'ils ont des amis qui s'absentent
volontairement? Plus de 90% des élèves répondent par
l'affirmation. Un tiers (1/3) des élèves déclarent que
leurs parents ne sont pas au courant de ses absences alors que la plupart
affirme que la réaction de leurs parents
face à leurs absences est négative. Les
élèves reconnaissent également s'absenter de façon
délibérée.
Par rapport à notre recherche, ces résultats
mettent en avant l'importance de l'intégration sociale au sein de
l'école, dans la dynamique de la lutte contre l'absentéisme des
élèves. Ils soulignent en outre le rôle que paraît
jouer, non pas les caractéristiques sociodémographiques, mais le
soutien familial. Même si ces réalités européennes
semblent différentes des nôtres, nous avons aussi des parents qui
ne réagissent jamais à l'absence de leurs enfants. Les parents
ont d'autres problèmes à gérer. L'absence de
l'élève ne les interpelle pas. La préoccupation
essentielle est d'assurer la subsistance quotidienne. Souvent, ils sont
même tentés de retenir les enfants pour des travaux. En dehors des
problèmes de famille, il y a aussi la négligence de certains
parents. Car dans nos lycées, certains grands absentéistes ont
des parents nantis qui occupent de hautes responsabilités. L'aspect
relationnel développé est important à prendre en compte.
La bonne relation avec les enseignants et les camarades de classe est un
véritable motivateur à participer aux cours.
SARKOZY (2002), Ministre français de l'intérieur
à l'époque, dans son plan de lutte contre l'absentéisme,
propose de pénaliser les parents d'élèves
régulièrement absents dans « La république de
seine et Marne » du 7/10/2002.
La commission interministérielle mise sur pied pour
travailler sur le problème de l'absentéisme des collégiens
et lycéens parvient à des propositions qui visent à
responsabiliser les parents, à infliger une amande de 2000 Euros aux
parents d'élèves qui, après une mise en garde de
l'Inspection s'absentent sans motifs légitimes, quatre
demi-journées par mois. Cellesci ne devraient être effectives
qu'après des avertissements et des rencontres entre
l'établissement et les familles.
Suite à la mesure prise, des réactions ont
fusé notamment celle du Ministre de la famille, Christian JACOB, les
syndicats et les parents d'élèves qui trouvent que cette mesure
ne réglera le problème que dans une minorité des cas. Car
la plupart des familles sont dans la détresse financière et
sociale. Il est préférable d'embaucher des surveillants qui sont
les liens privilégiés entre les élèves et leurs
parents et qui sont nécessaires pour contrôler les sorties des
élèves.
Au regard de ces différentes réactions, Nicolas
SARKOZY, devenu Président de la république française,
propose un second plan en Octobre 2009, dans un discours prononcé depuis
l'Elysée. Il propose de donner tout au long de l'année des primes
aux élèves assidus.
L'expérimentation repose sur la mise à
disposition de la classe d'une somme de départ (2000 Euros) qui pourra
être abondée jusqu'à 10 000 Euros en fonction de
l'implication des élèves aux activités scolaires.
Mais cette mesure a subi les désapprobations des
syndicats, des hommes politiques et de la presse qui se demandent toujours
quelle attitude observer face à l'absentéisme des
élèves. Pour ses adversaires, la cagnotte collective en classe de
lycée présente deux défauts : elle serait à la fois
inefficace contre l'absentéisme et contraire aux valeurs de
l'école de la République. C'est également
sur le terrain des valeurs que les parents d'élèves placent leurs
réticences. Ils conseillent plutôt au gouvernement de s'attaquer
aux "causes de l'absentéisme des élèves au lycée:
orientation et affectation non choisies, affectation dans un
établissement éloigné du domicile, nécessité
de se salarier, emplois de temps mal construits, et parfois, manque de sens des
enseignements».
Du côté des enseignants, on désapprouve
ces mesures considérées comme « une grave dérive
démagogique ». Alors, ils se demandent :
"La carotte sans le bâton: prendrait-on les
élèves pour des ânes?" "Les élèves ont besoin
d'être instruits, pas d'être achetés»."Comment motiver
des élèves qui arrivent après la rentrée dans des
sections non choisies? Avec une prime ?» `'C'est déraisonnable et
c'est présenter aux jeunes une société où l'argent
est roi»,
Nous constatons que SARKOZY (2002) a voulu vraiment faire de
la lutte contre l'absentéisme scolaire son cheval de bataille.
Cependant, ses propositions jugées inappropriées ont
été rejetées. La tendance générale des
contre-propositions faites est de recruter des surveillants en nombre
suffisant. Le manque de surveillants est un facteur favorisant
l'absentéisme comme cela se constate dans notre pays où la
plupart des établissements n'ont pas de personnel d'encadrement.
A partir de ces différents travaux, les auteurs
reconnaissent à l'unanimité que la réussite scolaire
dépend de l'assiduité aux cours. Les solutions proposées
sont d'un grand apport pour minimiser le phénomène. Seulement,
ils n'analysent pas les conséquences du traitement actuel. Le cas
particulier de KORBEOGO, qui s'intéresse au milieu rural, se focalise
sur les causes et conséquences de l'absentéisme. Notre
particularité est de nous intéresser au mode de gestion actuelle
des absences en vue de proposer d'autres perspectives. A la suite des travaux
de recherches menés sur l'absentéisme scolaire, il serait utile
d'examiner les instructions et textes officiels qui balisent la gestion du
phénomène au Burkina Faso.
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