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La gestion de l`absentéisme des élèves

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par Sidiki DAYO
Ecole normale supérieure/ Université de Koudougou - CA/ CPE 2011
  

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2.2.2. Le point de vue des professeurs principaux

S'exprimant sur les facteurs déclencheurs de l'absentéisme, les professeurs principaux interrogés estiment que certaines leçons devraient être retirées pour permettre une fluidité des

enseignements. Avec les larges effectifs, les cours dispensés dans la soirée sont pénibles aussi bien pour les enseignants que pour les apprenants. Les professeurs principaux ajoutent qu'ils ne sont pas suffisamment motivés. Les conditions de travail et l'image sociale du métier d'enseignant constituent des facteurs qui démotivent le professeur. Or, le dévouement et la bonne humeur de l'enseignant sont des éléments essentiels qui donnent l'envie à l'élève de rester en classe. Selon Pp.5 :

« Un enseignant démotivé ne peut pas donner le meilleur de lui même, et la communication pédagogique comportera certainement des défaillances qui démotiveront l'apprenant. De plus, l'enseignant ne constitue plus de nos jours un groupe de référence pour les élèves. Peu d'élèves s'identifient à leur enseignant avec le souci de suivre toutes ses prestations.»

De ces propos, nous retenons que les conditions de vie et de travail dérisoires, tout en démotivant les enseignants, affectent également la motivation de l'élève à aller suivre les cours. L'image sociale peu reluisante de l'enseignant ne favorise pas un attachement de l'élève à son professeur dans le souci de lui ressembler. C'est ainsi que les élèves préfèrent le groupe des pairs avec tout le risque de développer des comportements de travers.

L'un des professeurs principaux affirme qu'il existe une forte corrélation entre absentéisme, délinquance, déviance : les absentéistes sont souvent fugueurs, certains sont violents. Pendant les mouvements de grèves d'élèves, les absentéistes sont les plus agités et quelques uns cherchent à se venger des enseignants. Dans ce sens, il faut signaler que les absentéistes sont toujours présents les jours de mouvements et sont parmi les premiers à organiser la violence. La plupart des enseignants affirment que les élèves absentéistes sont très audacieux et considèrent les surveillants et les professeurs comme leurs adversaires. De plus, lorsqu'un élève fume ou consomme de l'alcool ou autres stupéfiants, il n'est pas loin d'adopter un comportement anti-scolaire, tel que s'absenter des cours. Certainement, l'opinion des professeurs principaux diffère de celle des élèves.

2.2.3. Le point de vue des élèves

D'une manière générale, les raisons qui poussent les élèves à ne pas être en classe, en dehors des problèmes de santé et des évènements familiaux, sont le dégoût des cours, les cours non animés, la cadence des devoirs, la paresse, etc. Plusieurs élèves ont évoqué l'absence d'une bonne interaction entre enseignant et élèves pendant la pratique de la classe. De ce fait, il ressort que l'empathie, la compréhension, l'attention de l'enseignant envers les apprenants constituent une condition préalable pour transmettre le savoir. L'empathie et la bonne attitude de l'enseignant permettent de stimuler les élèves à être assidus aux cours. C'est aussi le point

de vue de ASPY et ROEBUCK (1990), dans « On n'apprend pas d'un prof qu'on n'aime pas ". L'enseignant qui sait se montrer gentil et compréhensif (sans perdre de vue le cours), joue sur le taux d'absentéisme des élèves qui se réduit. Dans ce sens, quelques élèves interrogés affirment qu'aucun de leur classe ne souhaite rater l'heure de Monsieur X qui dispense des cours intéressants et captivants dont tous les élèves ont de l'intérêt à venir suivre. De même, plus de la moitié des participants affirment que non seulement les enseignants font beaucoup de digressions par rapport au contenu du cours, mais aussi ils tiennent des propos qui frustrent les élèves. El.3 le confirme en ces termes :

« Certains professeurs passent le temps à se vanter et à raconter leur vie privée. Lorsqu'ils ouvrent une parenthèse ils oublient qu'il faut la fermer sitôt et continuer le cours. En plus, ils nous insultent et parlent sans pudeur "

Ce genre de comportement provoque chez les élèves le désintérêt du cours. Aussi, si les élèves n'aiment pas certains cours de même que l'enseignant qui l'assure, cela est tributaire de la manière dont le professeur dispense son cours : il s'agit ici de la maîtrise du contenu du cours et de l'art de transmettre le savoir. Par exemple, la diction du cours est non seulement rapide, mais aussi le cours manque d'explication et d'exemples concrets. Par conséquent, les élèves ont des mauvaises notes à l'évaluation. Ces insuffisances font que certains enseignants enregistrent plus d'absences que leurs collègues.

L'ennui, comme le rappelle VITALI (2000), est souvent évoqué par les élèves : qu'il s'agisse d'expliquer leur comportement indiscipliné, leur rébellion contre le système scolaire, ou leurs absences. En effet, l'ennui favorise la réticence à se soumettre à la discipline de l'école. La majorité des élèves absentéistes affirment sécher les cours de temps en temps sans être convoqués systémiquement à la surveillance. Ce qui montre bien que le système est loin d'être infaillible. La plupart du temps, les parents ne sont pas au courant des absences de leurs enfants, car ils ne reçoivent pas d'informations à ce propos. Même quand il s'agit de venir justifier, les raisons avancées par les élèves ne sont pas vraies.

Généralement, le manque d'intérêt au cours revient le plus souvent comme motifs d'absence des élèves. Des propos tels que, « aller en cours pour ne rien faire. Je pense que j'ai vraiment mieux à faire " (El.4), confirment que les élèves ne trouvent pas de sens à l'école. Certains sont plus précis dans leur critique et ciblent une matière, un enseignant ou encore un surveillant: El.8 :« Le surveillant du 1er cycle est très méchant "

El.13 :« Le prof de Maths est vraiment trop nul, en plus il ne nous laisse pas faire autres choses "

El.14 : « Moi je ne m'absente qu'aux cours inintéressants, qui ne sont pas primordiaux, comme EPS ». Le cas de ce dernier rejoint l'absentéisme choisi. L'élève peut s'absenter pour s'occuper dans une autre discipline. C'est pourquoi, il est opportun de noter que derrière ces absences se dessine souvent une véritable stratégie de l'élève qui souhaite avant tout la rentabilité : il cherche à préparer une évaluation programmée ou à se rattraper dans une matière à coefficient élevé.

El.8 : « je voulais `'m'avancer» dans mon cours de PC. »

El.13 : « j'avais un cours particulier.»

El.14 : « j'avais trop de cours à réviser, car on a devoir jeudi soir et samedi matin ».

Il ressort que le problème de la hiérarchisation des coefficients des disciplines enseignées peut être source d'absentéisme : l'élève privilégie une matière au détriment d'une autre au regard de son fort coefficient. De plus, ces remarques mettent l'accent sur le problème d'organisation de la vie scolaire. Effectivement, il n'est pas souhaitable qu'une classe ait deux à trois devoirs dans la semaine. De même, un emploi du temps mal équilibré conduit souvent les élèves à `'boycotter» le dernier cours, méme s'il est important. De manière générale, les emplois du temps dans nos lycées et collèges privilégient le professeur et non l'élève, l'aspect apprentissage du temps de travail scolaire n'étant pas assez pris en compte.

Par ailleurs, Il faut distinguer les problèmes liés à l'histoire personnelle des élèves et les problèmes engendrés par une scolarité que beaucoup jugent facteur d'angoisse, de stress, voir de dépression. Ainsi, HUERRE et LEROY (2006) explique que l'absentéisme est un phénomène de société qui suscite des inquiétudes et apparaît comme une transgression normale, comme le symptôme d'une pathologie. Il existe dans nos sociétés ou dans certaines familles d'énormes difficultés qui entravent l'apprentissage scolaire des enfants. Cela va de l'éclatement ou de l'inexistence de la cellule familiale à l'irresponsabilité des parents. Les élèves absentéistes interrogés se sont bien exprimés sur la question en apportant plus de détails. Le répondant El.15 traverse une crise identitaire et souffre de manque d'affection parentale :

« Mes parents ne sont pas au courant de mes absences. Mon tuteur ne connaît pas l'emploi de temps. Comme je suis en 2nd, il pense que je n'ai pas cours. Il semble que mon père est décédé, je ne l'ai pas vu. Ma mère seule m'a élevé. Dans ma vie, je ne connais personne d'autre en dehors de ma mère. Je ne connais point mes oncles paternels, je ne sais pas où ils se trouvent. J'ai demandé à connaître les frères ou la famille de mon père, personne ne me les a indiqués. Ma mère m'a confié à un ami simple qu'elle a rencontré lors d'un voyage en Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, elle est mariée à BOBO, mais son époux ne m'aime pas ; il me déteste et fait la différence entre les enfants. Je ne vois aucune direction à ma vie. Je me demande chaque fois : qui suis-je ? Que vais-je devenir demain ? Aller à l'école, ce n'est que retrouver des amis ».

Cet élève en difficulté donne des raisons qui le tourmentent et porte un coup à son assiduité. Il a besoin de connaitre ses parents pour avoir un sens à sa vie et à l'école. Lorsque aller à l'école ne correspond qu'à la simple retrouvaille d'amis, l'assiduité aux cours n'est point

une préoccupation. Tous les enfants ont besoin de connaître leurs parents, même si les géniteurs sont décédés. C'est en se sentant aimé et membre d'une famille connue qu'il peut développer un sentiment d'appartenance, de l'estime de soi, et de l'autoréalisation. Il appartient à l'administration scolaire d'apporter un soutien moral à de pareils élèves qui ne trouvent aucun sens à la vie ni à l'école.

Lorsque l'enfant a une famille bien identifiée, il a besoin d'être aimé et de voir les promesses se réaliser. L'irresponsabilité de certains parents les conduit à ne pas tenir leurs promesses. S'il est nécessaire de galvaniser les enfants en leur promettant des cadeaux de réussite, il est aussi impératif de les honorer afin qu'ils ne soient pas déçus au point de ne trouver aucun sens à l'école. Le répondant El.16 exprime ce qui le démotive et le rend absentéiste aux cours :

« Mes parents ont divorcé mais mon père est au courant de mes absences, puisqu`il me voit à la maison. Je peux être assidue en classe à condition que mon père m'achète un nouveau vélo. Il m'a promis au CM2 que si j'obtiens mon CEP, qu'il m'achèterait un vélo. Il ne l'a pas fait. J'ai continué à marcher. Arrivée en quatrième il a pris le vieux vélo de mon grand frère me remettre, et ce, parce qu'il partait à l'université. En troisième il m'a promis que si je suis admise au BEPC, il m'achètera un nouveau vélo. Je me suis battue pour avoir le BEPC au premier tour et l'entrée en seconde. Je croyais qu'il allait être heureux et tenir sa promesse, mais rien. Pourtant il construit une maison en étage qu'il couvre avec des carreaux et met du pavé dans la cour. »

Il ressort de tels propos que certains parents n'encouragent pas leurs enfants dans une perspective de bonne fréquentation et de réussite scolaire. Non seulement ils ne tiennent pas leurs promesses, mais aussi, ils ne cherchent jamais à voir les bulletins des enfants. Lorsque la famille est démunie, il est très aisé de comprendre en partie le père qui n'arrive pas à honorer ses promesses. L'achat du moyen de déplacement procure d'une part la satisfaction morale à l'enfant, et d'autre part lui permet d'être ponctuel à l'école. En fait, il faut reconnaître que le divorce ou la séparation des parents affecte indéniablement les enfants.

En plus des raisons ci-dessus évoquées, certains élèves relèvent les difficultés de restauration qui tourmentent la plupart d'entre eux. L'élève est motivé à venir à l'école, s'il est convaincu qu'il aura à manger à midi. Ce n'est pourtant pas le cas chez plusieurs élèves. Le répondant El.17 dit : « lorsque mes vivres finissent, je ne peux pas venir à l'école. Je retourne au village ou je vais travailler sur des chantiers. Il y a aussi le problème de frais de scolarité. Mon père a plusieurs femmes, et les autres frères ne veulent pas qu'il investisse de mon côté ».

Aujourd'hui, force est de constater que certains élèves venant des villages se regroupent pour habiter ensemble. N'ayant pas eu de tuteur pour eux, leurs parents ont été obligés de louer des maisons et ces enfants deviennent du coup leur propre chef de ménage. Ces élèves qui sont à leur propre charge, n'ont parfois pas à manger. Par conséquent, ils vont faire de petits boulots pour survivre ou bien ils retournent au village pour chercher de l'aide. Enfin, il y a des élèves

qui évoquent des difficultés d'apprentissage dans certaines matières qu'ils n'aiment pas. Cela a aussi un lien avec les absences.

L'entretien avec les élèves absentéistes nous a permis d'avoir des réponses approfondies sur les raisons de l'absentéisme. Cependant, il est nécessaire aussi de connaître l'opinion des chefs d'établissements, des encadreurs pédagogiques et responsables d'éducation.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore