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L'intervention de l'état constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ?

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par François VOIRON
Paris II Panthéon Assas - Master II Droit européen des affaires 2010
  

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Section 3 : L'obligation de coopération loyale des États et
l'application du droit de la concurrence au pouvoir normatif

Si l'activité de l'État et de ses démembrements peut être soumise au droit de la concurrence, selon l es modalités particulières que nous venons d'étudier, il n'en reste pas moins que l'État est redevable, à l'égard des institutions communautaires, d'une obligation de respect du droit communautaire et donc des dispositions communautaires relatives à la concurrence lorsque celles-ci sont applicables.

En effet, l'État est tenu de respecter le droit communautaire. En conséquence, même si une activité n'est pas en elle-même soumise au droit de la concurrence, il n'en reste pas moins que l'État (et les personnes publiques) doit respecter le droit de la concurrence communautaire, notamment dans les actes qu'il édicte.

La Cour de Justice a développé une analyse consistant à rendre opposable le droit communautaire de la concurrence à la loi de tout État membre42. En effet, même si les dispositions pertinentes du traité contiennent des obligations à la charge des personnes participant à une activité économique, la Cour indique qu'Ç il n'en est pas moins vrai aussi

41 Cour de Justice des Communautés Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris, C-82/01.

42 Cour de Justice des Communautés Européennes, 16 novembre 1977, SA G.B. -Inno-B.M. contre Association des détaillants en tabac (ATAB), 13/77.

que le traité impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l 'effet utile>> de ces dispositions. Méme si le droit de la concurrence n'est pas applicable en tant que tel, l'État est donc tenu de le respecter dans les normes qu'il édicte.

La justification de cette obligation s 'est tout d'abord appuyée sur l'ancien article 10 du Traité instituant la Communauté Européenne qui obligeait les États à <<s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des buts>> du traité, lu en combinaison avec les articles prohibant les ententes et les abus de position dominante. Cet article n'a pas survécu à la naissance du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. Néanmoins, l'actuel article 4.3 du Traité sur l'Union Européenne est rédigé comme suit: << En vertu du principe de coopération loyale, l 'Union et les États membres se respectent et s 'assistent mutuellement dans l 'accomplissement des missions découlant des traités. Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union. Les États membres facilitent l 'accomplissement par l 'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union >>. Des lors, il semble possible de se baser sur ce principe de coopération loyale, combiné avec la prohibition communautaire des ententes (article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) pour opposer le droit de la concurrence communautaire aux normes contraires des États. Ainsi, l'État est tenu de respecter le droit de la concurrence communautaire dans l'édiction de sa législation au sens large.

L'opposabilité aux États des normes communautaires de concurrence a permis à la Cour de Justice de l'Union Européenne de sanctionner un certain nombre de législations allant à l'encontre de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles. Une telle sanction est néanmoins soumise à la réunion de deux conditions: une entente doit exister au sens de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et cette entente doit

43

avoir été créée ou ses effets renforcés par une disposition du droit national . Ainsi, la Cour a sanctionné la législation italienne imposant à une organisation professionnelle un tarif unique aux expéditeurs en douane44.

43 Cour de Justice des Communautés Européennes, 1er octobre 1987, ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311/85.

44 Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie, C-35/96.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? une autre affaire concernant l 'Italie 45

Dans , la Cour a développé un véritable mode

d'emploi à l'attention des autorités de concurrence et des juridictions nationales pour appréhender une législation créant une entente ou renforcant ses effets. Outre les aspects concernant la possibilité de sanctionner les entreprises soumises à ce type de législation, la Cour indique clairement aux autorités nationales qu'elles ont <<l'obligation de laisser inappliquéeÈ toute norme nationale contraire au droit de la concurrence communautaire. Cette obligation a été très bien acceptée en droit interne, notamment par la Cour d'Appel de Paris qui en faisait déjà application46, et par le Conseil de la Concurrence qui en a tenu compte la même année dans le cadre du prononcé mesures conservatoires 47

de .

Cette obligation trouve même à s'appliquer lorsque l'État délègue son pouvoir normatif à une institution, notamment à un organisme professionnel ou directement aux entreprises elles-mêmes48. La Cour indique à cet effet que l'opposabilité du droit de la concurrence s'applique également lorsque l'État <<retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique È.

Faute de respecter cette exigence, l'État s'expose à deux types de procédures.

Tout d'abord, il peut faire l'objet d'une procédure de manquement devant les juridictions communautaires, afin de le contraindre à se mettre en conformité avec le droit de la concurrence communautaire. Le premier arrêt de manquement pour violation du droit

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communautaire de la concurrence a été rendu par la Cour en 1996. Si l'État persiste dans sa violation, il peut être soumis à des sanctions pécuniaires.

D'autre part, l'État peut voir sa responsabilité extracontractuelle engagée en vertu de la jurisprudence Francovich50. Il s'agira alors pour des personnes privées s 'estimant lésées par la violation du droit communautaire de la concurrence commise par l'État de réclamer réparation civile devant les juridictions nationales compétentes.

45 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.

46 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994, CMS contre France Télécom.

47 Conseil décision n°03 -MC-03 1 er

de la Concurrence, du décembre 2003 relative à une demande de mesures

conservatoires présentée par la société Towercast à l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la société TéléDiffusion de France (TDF).

48 Cour de Justice des Communautés Européennes, 21 septembre 1988, Van Eycke, C-267/86.

49 Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie, C-35/96.

50 Cour de Justice des Communautés Européennes, 19 novembre 1991, Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres contre Italie, C-6/90 et C-9/90.

Loin d'être absout du respect du droit de la concurrence, l'État est donc au contraire fortement contraint au respect des exigences communautaires en termes de concurrence. Non seulement les dispositions contraires qu'il édicte peuvent être laissées inappliquées mais il encourt également la sanction des autorités de l'Union Européenne et sa responsabilité peut être mise en jeu. Le droit de la concurrence est donc fortement contraignant pour l'État, même si une exception est envisagée par le traité en ce qui concerne les services d'intérêt économique général.

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