Section 2 : La soumission de l'État au droit
national de la concurrence
Le champ d'application du droit interne de la concurrence est
défini à l'article L.410-1 du Code de Commerce qui dispose que
l'ensemble des régles relatives à la concurrence s'applique
à « toutes les activités de production, de distribution
et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques,
notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public
».
Cette définition du champ d'application de la
prohibition des ententes peut sembler différente de celle
envisagée en droit communautaire, notamment parce qu'elle est
écrite mais surtout du fait qu'elle ne fasse pas appel à la
notion d'entreprise. Néanmoins, les deux définitions sont assez
proches d'une part car elles sont basées sur un critére
fonctionnel, la notion d'activité économique, et d'autre part du
fait de la jurisprudence des autorités nationales qui a rapproché
le droit francais du droit communautaire et a conduit à une large
application du droit de la concurrence aux activités des personnes
publiques (§1). La problématique présente toutefois des
aspects spécifiques liés à la séparation entre les
juridictions administratives et judiciaires (§2).
§1 : Une définition fonctionnelle proche du
droit communautaire
Le Code de Commerce envisage les « activités de
production, de distribution et de services » pour délimiter le
champ d'application des normes nationales de concurrence.
L'application du droit de la concurrence est donc
subordonnée à l'identification de telles activités mais ne
tient pas compte de la forme d'exercice de cette activité ou de la
nature juridique de l'organisme exercant cette activité. Ainsi que le
rappelle la Cour d'Appel de Paris, « cÕest la nature
économique de lÕactivité affectee et non la qualité
de lÕopérateur ou la forme selon laquelle il intervient qui
determine l'application des regles de
concurrence »24. La définition du
champ d'application du droit de la concurrence interne est donc exclusivement
fonctionnelle, tout comme en droit communautaire.
De plus, cette définition recoupe celle d'activité
économique envisagée par le droit communautaire. Même si le
droit francais des ententes ne fait pas
référence à la notion d'entreprise, il
retient la nature économique de l'activité pour déterminer
son application. L'existence d'une entreprise au sens du droit communautaire
étant subordonnée à l'identification d'une activité
économique, les deux définitions concordent donc en pratique.
L'analyse nationale est donc tres proche de celle existante en droit
communautaire. Ainsi, le Conseil de la Concurrence n'hésite pas à
affirmer qu' « en droit communautaire comme en droit national,
l'application des regles de concurrence est fonction de la nature de
lÕactivité exercée, la nature juridique des entités
en cause étant indifférente à l Õappreciation
portée »25.
Cette recherche de cohérence de la part des
autorités et juridictions nationales a conduit à un rapprochement
entre les ordres communautaire et national, de sorte que les
délimitations effectuées par la Cour de Justice de l'Union
Européenne sont également opérantes en droit interne,
notamment en ce qui concerne l'activité des personnes publiques.
Cependant, le droit interne, à l'inverse du droit
communautaire, mentionne explicitement l'application du droit de la concurrence
aux personnes publiques, puisque l'article L.410-1 du Code de Commerce indique
que le droit de la concurrence s'applique aux activités
économiques « qui sont le fait de personnes publiques,
notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public
».
En conséquence, les activités publiques ont
été largement soumises aux exigences du droit national de la
concurrence.
Tout d'abord, l'application concerne logiquement les
activités exercées sur un marché concurrentiel,
éloigné du champ des compétences régaliennes. Des
lors que les personnes publiques peuvent être regardées comme
exercant une activité de production, de distribution ou de services sur
un marché, leurs pratiques sont logiquement soumises au contrTMle des
autorités de la concurrence26. Il ne s'agit ici que d'une
application classique de
24
Cour d'Appel de Paris, 8 fevrier 2000, Academie
d'architecture.
25 Conseil de la Concurrence, avis n°98-A-07
du 19 mai 1998 relatif à une demande d'avis sur l'application des regles
de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de
fouilles archéologiques préventives.
26 Conseil de la Concurrence, decision n°05-D-75
du 22 decembre 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par la
Monnaie de Paris.
la notion fonctionnelle d'activité économique qui
ne tient pas compte de la nature publique ou privée de
l'opérateur.
D'autre part, sont également concernés par le
droit de la concurrence les services publics industriels et commerciaux et les
services publics administratifs, dans la mesure oü ils exercent une
activité économique. En effet, Çle droit de la
concurrence s 'applique à toute activité économique,
indépendamment du statut et des conditions de financement d'un
opérateur, ce qui conduit à ne pas exclure par principe qu 'un
service public administratif puisse intervenir comme opérateur
économique sur un marché È27.
En revanche, lorsque l'activité de la personne publique
passe par un acte administratif, dans le cadre de l'organisation d'un service
public ou de prérogatives de puissance publique, une difficulté
appara»t, liée à la séparation des ordres de
juridictions judiciaire et administratif.
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