§2 : La difficulté d'obtention d'une
inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement
de l'Union Européenne
Les juridictio ns communautaires font une
interprétation très stricte des conditions d'inapplication de
l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne pour intervention de l'État. En vertu de cette ligne
de conduite, clairement affirmée et assumée par le juge
communautaire107, les cas oü une entreprise parvient à
se dédouaner en vertu d'une législation nationale sont rares.
Tout d'abord, la jurisprudence communautaire refuse toute
justification fondée sur l'information préalable de l'État
voire méme sur son consentement à la pratique, dès lors
que la pratique n'a pas été réellement imposée par
l'État108. En effet, dans ce cas, l'autonomie des entreprises
existe et c'est leur décision qui est à l'origine de la pratique
et
106 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11
novembre 1997, Commission et France contre Ladbroke, C-359/95 et
C-379/95.
107 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline
Services Unlimited contre Commission, T-168/01 : l'exception doit
ôtre Ç appliquée de manière restrictive par le
juge communautaire È.
108 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 septembre 2003, Manufacture
francaise des pneumatiques Michelin contre Commission, T-203/01 : la
validation d'une pratique anticoncurrentielle par la Direction
Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes ne permet pas à l 'entreprise
d'échapper à sa responsabilité.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente ? non pas l'intervention d'une autorité
publique. Ainsi, le Tribunal a refusé l'inapplication de l'article
101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne
à une entreprise dont la pratique anticoncurrentielle avait fait l'objet
d'une approbation par une autorité de régulation sectorielle,
estimant que cette validation ne remettait pas en cause l'autonomie de
l'entreprise de en pratique 109
dans le choix mettre oeuvre ladite . Il a été
jugé de la même
façon en ce qui concerne l'encouragement de
l'État, ou sa participation à la créati on et au
110
maintien de l 'efficacité d 'une entente . En
conséquence, des lors qu'il subsiste une certaine marge de manoeuvre
pour l'entreprise, les juridictions communautaires considerent que la pratique
anticoncurrentielle leur est imputable, même si l'État les a
fortement incitées à la mettre en oeuvre111 ou que la
pratique a été inspirée par la réglementation
nationale.
Par contre, la jurisprudence communautaire n'exige pas qu'il
existe un texte pour imposer un comportement anticoncurrentiel aux entreprises.
Ainsi, la Cour a pu juger que l'autonomie de l'entreprise était
anéantie « s'il appara»t sur la base d'indices objectifs,
pertinents et concordants que ce comportement leur a été
unilatéralement imposé par les autorités nationales par
l'exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace d'adoption
de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes
importantes »112. Par la suite, le Conseil de la
Concurrence a repris cette analyse à son compte pour examiner
l'autonomie d'entreprises participant à une entente113.
D'autre part, la mesure nationale doit imposer la pratique en
amont de sa réalisation, et non pas venir légitimer a posteriori
par une disposition normative une pratique déjà mise en oeuvre,
faute de quoi l'intervention normative de l'État est assimilée
à un simple consentement. Ainsi, la Cour de Justice estime que
« si une mesure étatique reprend les éléments
d'une entente intervenue entre les opérateurs économiques d'un
secteur ou est prise apres consultation et avec l'accord des opérateurs
économiques concernés, ces
109 Commission Européenne, décision
n°2003/707/CE du 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG,
COMP/C1/37.451.
110 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 14 décembre 2006, Raiffeisen
Zentralbank ...sterreich AG et autres contre Commission, T-259/02 à
T-264/02 et T-271/02.
111 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 mars 2000, Consiglio Nazionale
degli Spedizionieri Doganali contre Commission , T-513/93.
112 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et
autres contre Commission , T-387/94.
113
Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-15 du 9
mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les
marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France.
opérateurs ne pourraient se fonder sur la nature
contraignante de la réglementation, pour échapper à l
'application>> de ententes 114
la
prohibition des . Ce refus subsiste même si la
mesure en question est de nature
législative115.
Enfin, la licéité du comportement au regard du
droit national ne présume en rien de sa licéité au niveau
communautaire. Ainsi, pour les États dans lesquels il existe une
exonération pour ordre de la loi plus souple qu'en droit communautaire,
le fait que les pratiques en cause ne puissent être sanctionnées
en droit national ne permet pas de leur faire bénéficier
automatiquement de l 'exonération reconnue par la Cour de Justice. Tel
peut notamment être le cas lorsque les exigences nationales sont moins
élevées que les standards communautaires, même si les
autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales ont
tendance à aligner leurs exigences sur celles des institutions
communautaires afin que les exemptions qu'elles accordent au regard du droit
national ne soient pas annihilées par le droit communautaire. Ainsi, le
Conseil de la Concurrence a indiqué que du fait Çde la
primauté du droit communautaire, un accord ne peut pas échapper
à l'interdiction stipulée à l 'article 81 CE, s 'il en
réunit les conditions, au motif qu 'il serait autorisé sur le
fondement du droit national >>116.
Même si le fondement de l'exemption est différent
entre le droit interne et le droit communautaire, les méthodes
employées et les effets restent similaires : tirer conséquence du
défaut d'autonomie en exonérant les entreprises de leur
responsabilité pour les comportements imposés par
l'autorité publique, tout en limitant cette exonération aux cas
oü leur autonomie de décision était réellement
anéantie, et non seulement réduite.
114 Cour de Justice des Communautés Européennes, 30
janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.
115 er
Cour de Justice des Communau tés Européennes,
1octobre 1987, ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311/85.
116 Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du
21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le
secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.
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