2.2.8. Mesure des effets et d'impact du conseil
Les effets du conseil permettent d'apprécier les
premiers changements (court et moyen termes) chez les
bénéficiaires, par exemple l'amélioration de la gestion
des facteurs (optimisation des ressources) de production et la prise de
décision, l'augmentation du revenu (Miste, 2008). L'impact du conseil
quant à lui permet d'apprécier les conséquences à
long terme de la mise en oeuvre du CEF. Misté (2008), souligne que ces
changements de long terme se traduisent par une croissance pro-pauvre.
Havard précise six critères de mesure d'effet et
d'impact du CEF :
1. Prise de décision (Niveau de
centralisation, Niveau de contrôle, Capacité de
réaction)
2. Gestion (Niveau d'enregistrement, Niveau
de prévision, Niveau d'analyse par rapport à la gestion du stock
vivrier, la gestion de la trésorerie, le plan de
campagne/déroulement des opérations, l'organisation du travail
sur l'exploitation, les résultats technico-économiques..)
3. Capacité d'innovation (innovation
technique) tel que amélioration des pratiques
4. Performances technico-économiques qui
permettent évaluer critères 1, 2 et 3 notamment les
rendements, les recettes, les dépenses, les résultats par rapport
aux coûts
- en rapport à une année de
référence
- en rapport à une innovation
technique
- en rapport à une prise de
décision liée à un changement de structure :
investissement, capitalisation élevage, accroissement des
superficies...
5. Diffusion du conseil (circulation de
l'information, transfert de connaissances,
transfert de pratiques en matière de gestion ou d'innovations
techniques)
6. Capacités d'appropriation de la
démarche (expression des besoins et évolution,
évolution du type de conseil, capacités
d'innovation, de diffusion)
2.2.9. Les conseillers au coeur du Conseil
Pour Faure et al. (2004), et Legile et al.
(2004), le conseiller est considéré comme la pierre
angulaire du dispositif du CEF car c'est sur lui que repose la qualité
et la réussite de la démarche. Selon Faure et al.
(2004), un conseiller ou animateur est toute personne ayant un certain
niveau scolaire et ayant des connaissances en agronomie générale.
Djonnéwa et al. (2001) pensent que les conseillers sont les
personnes chargées de la mise en oeuvre du CEF ayant un bon niveau
scolaire et un contact facile avec les paysans. Pour Djomo (2007), le
conseiller agricole est un spécialiste du secteur agricole qui doit
assister les agriculteurs à la maîtrise du fonctionnement global
de leur exploitation. Djamen et al. (2003 b) précisent que les
programmes des trois années du CEF sont maîtrisés par les
conseillers en fonction de leur niveau scolaire.
Suite aux études menées au Nord Cameroun, Daouda
et Havard (2002), Djamen et al. (2003 b), mentionnent que les
conseillers sont assistés dans leurs tâches par les animateurs qui
sont généralement des personnes instruites, ouvertes, ayant des
potentialités d'organiser et de regrouper les paysans et d'apporter des
orientations à leurs problèmes. Violas et Gouton (2005)
précisent que certains animateurs se considèrent comme des
conseillers à part entière dû au fait que leur rôle
n'est pas clairement spécifié.
La formation des conseillers et leurs reconnaissances
professionnelles sont des conditions indispensables à la maîtrise
et la diffusion de la démarche du CEF (Legile, 2004, et Briffaud et
al., 2004). L'un des facteurs majeurs relatifs au succès du CEF
est la nature des relations qui existent entre les conseillers et les paysans
(Legile, 2006). D'autant plus qu'avec le CEF, les conseillers doivent renforcer
les capacités des paysans dans le processus de décision, les
amener à progresser d'eux-mêmes dans la résolution de leurs
problèmes, d'organiser les échanges entre les paysans (Boissier,
2007), un accent particulier doit être mis sur les compétences
fondamentales (ou profil) des conseillers (Legile, 2006).
Pour Mana (2007), un bon conseiller ou animateur est celui
là qui est disponible à s'adapter au calendrier des paysans,
avoir un sens de l'organisation des groupes de production, avoir une
capacité d'écoute, de diagnostic et de dialogue pour comprendre
les points de vue des producteurs, savoir valoriser les savoirs faire locaux.
Etant donné la complexité de la démarche du conseil
(bilan, trésorerie, comptabilité-gestion, calcul,
élaboration et analyse des micro-projets), Faure et al. (2004),
pensent que les performances qu'un conseiller doit avoir sont :
- connaissance sur le fonctionnement des exploitations agricoles
et sur l'agriculture de sa zone
d'intervention ;
- maîtrise de la langue nationale (écrit et oral)
;
- maîtrise des principales techniques de production de sa
zone d'intervention (conduite des cultures
et des troupeaux, gestion de la fertilité des terres,
etc.) ;
- maîtrise de certaines méthodes d'analyse
économique et financière des résultats obtenus par les
exploitations (analyse des marges, compte d'exploitation, etc.) ;
- maîtrise des méthodologies d'intervention (du
diagnostic à l'évaluation) ;
- aptitude pour l'animation (conduite de réunion, travail
en groupe, etc.) ;
- utilisation dans certains cas de l'informatique.
Legile (2006) souligne que les compétences des
conseillers sur le terrain ne reflètent pas toujours leurs
spécialisations. Cette remarque de Legile fait penser que la perception
du profil du conseiller peut varier en fonction des acteurs impliqués
dans la démarche du CEF (tableau 3). Havard (2002), pense que la
compétence des conseillers varie en fonction des tâches qui lui
sont assignées ou en fonction du stade de la démarche
(encadré ci-après)
Djamen et al. (2002) montrent que les conseillers du
PRASAC au Nord- Cameroun sont des techniciens agricoles ayant de bonnes
connaissances du terrain, disponibles et capables de réaliser un travail
d'écoute et de diagnostic avec les producteurs. Selon Havard (2002) et
Legile (2006), certains spécialistes en comptabilité
générale et en gestion des exploitations (entreprise) ont des
difficultés de s'approprier du CEF. Malgré cette
variabilité du profil des conseillers, Daouda (2002) et Havard (2003)
pensent qu'un bon conseiller doit être capable de remplir les fonctions
de formateur, animateur, vulgarisateur et conseiller proprement dit (tableau
3)
L'animateur Un rôle clé dans le dispositif
conseil de gestion
Un homme (une femme) polyvalente (au moins BEPC)
- connaissances en agronomie, élevage
- aptitudes pédagogiques
- maîtrise des approches participatives et techniques
d'animation
- diplomate pour mettre les paysans en confiance afin qu'ils
s'expriment
Un profil variable selon le niveau de conseil
- année 1 et année 2 : animateur niveau scolaire
BEPC
- année 3 : conseil individuel demande bonnes
capacités de synthèse et d'analyse (Bac au moins)
Organisation de son travail
- 4 à 6 groupes par animateur à temps plein - appui
par un animateur villageois
Source :Havard et al. (2002 :2)
|
Tableau 2. Profil du conseiller en fonction des parties
impliquées.
|
Le point de vue des producteurs
|
le point de vue des opérateurs de développement
|
Les fonctions
|
Sensibilisation au CEF.
Formation des producteurs.
Animation de groupe.
Analyse des données et restitution. Conseil individuel.
Accompagnement d'initiatives du groupe.
|
Idem producteurs
Plus fonction de facilitateur.
|
Les qualités et le profil requis
|
Personne connue des paysans,
Ayant des attaches et des pratiques paysannes.
Capable de travailler sur le terrain.
Niveau d'études supérieur à la
quatrième mais pas au-delà du niveau Bac.
|
Aptitude à l'animation rurale. Capacité
d'écoute et d'analyse. Capacité à travailler en
équipe. BEPC + 3 ans d'études agricoles ou Bac + formation
agricole complémentaire.
|
Le statut et la
rémunération
|
L'OP participe au recrutement et au suivi-commun
évaluation du conseiller.
L'OP contrôle les dépenses salariales.
Le salaire est fonction des revenus des paysans et de l'OP.
|
Salaire mensuel négocié d'un
accord mais prenant en compte la grille salariale du pays.
Respect du code du travail.
Primes et avantages en fonction de la charge de travail et des
résultats.
|
Source : Faure et al. (2004).
Tableau 3. Les principales tâches et
activités d'un animateur/Conseiller
Animation
|
Formation
|
Vulgarisation
|
Conseil
|
|
|
|
- Diagnostic
|
- Aide à la
|
- Formation des
|
- Explication fiches techniques
|
d'exploitation
|
constitution des
|
groupes de
|
- Aide à la mise en place et/ou
|
- Aide à la gestion des
|
groupes
|
paysans aux bases
|
suivi des actions techniques
|
activités de
|
- Animation des
|
de la gestion et
|
- Démonstration et tests
|
l'exploitation (Conseil
|
groupes de
|
aux analyses
|
d'équipements de traction
|
tactique)
|
paysans
|
technico-
|
animale
|
- Aide à l'élaboration et
|
- Organisation des
|
économiques
|
- Diffusion des innovations
|
à la mise en oeuvre
|
sessions
|
- Formation des
|
- Organisation des visites
|
des projets (Conseil
|
Thématiques
|
paysans relais.
|
d'échanges
|
stratégique)
|
Source : Havard, (2003 )
La démarche du conseil aux exploitations
familiales
Les fonctions du conseiller ci-dessus mentionnées sont
donc au centre du CEF. Raison pour laquelle Wey et al. (2007) pensent
qu'un accent doit être mis sur la formation des conseillers en ce qui
concerne le diagnostic global de l'exploitation sur les thèmes suivants
qui forment la démarche du CEF :
- La sécurité alimentaire dont le but est
d'aborder avec les paysans l'évaluation des besoins alimentaires de la
famille et de confronter ces données avec le disponible à la
récolte (Quels sont mes besoins ? Quelles sont les quantités dont
je dispose ? Est-ce que j'aurai assez de nourriture pour ma famille
jusqu'à la prochaine récolte ?);
- Le plan prévisionnel de campagne dont l'objectif est
d'amener le producteur à prévoir les activités de
production de la prochaine campagne agricole et de vérifier s'il a les
moyens nécessaires (main d'oeuvre, finances, etc...) pour
réaliser ses objectifs de production (Qu'ai je l'intention de faire lors
de la prochaine campagne ? Quels sont mes besoins (intrants, argent,
main d'oeuvre) pour l'assolement retenu ? Quelles sont mes ressources
(intrants, surface, argent, crédits, main d'oeuvre, autres) mobilisables
? Mes ressources me permettent-elles de réaliser mes objectifs ?
Comparaison entre besoins et ressources, recherche de solutions) ;
- La trésorerie dont l'objectif est de faire en sorte
que le chef d'exploitation dispose de suffisamment d'argent pour couvrir ses
dépenses et réaliser ses projets (Quelles sont mes besoins en
argent (dépenses) ? Quelles sont mes ressources (ventes cultures et
animaux, travaux) ? Aurai-je assez d'argent pour couvrir les dépenses
prévues ?) ;
L'analyse technico-économique qui va permettre
d'améliorer les capacités de diagnostic de chaque activité
rémunératrice pour pouvoir prendre les décisions les plus
appropriées (Sensibiliser les paysans à la
saisie détaillée de données relatives aux suivis
techniques et économiques des toutes activités de production,
Déterminer les contraintes techniques,
économiques, sociales à la production agricole des producteurs,
Evaluer les conditions économiques de production des
principales cultures).
|