2.3. Revue de la littérature.
2.3.1. Le CEF : historique, évolution,
expériences
2.3.1.1. Historique et évolution du CEF
C'est grâce à une étroite collaboration
entre la section d'économie rurale de l'Institut National de Recherche
Agronomique (l'INRA) et de la chaire d'économie rurale de l'Ecole
Nationale Supérieure d'Agriculture (ENSA) de Grignon, conduite par le
professeur Chombart de Lauwe qu'est née l'idée des centres de
gestion des exploitations agricoles. Considéré comme le
père de la gestion agricole en France, Chombart de Lauwe a mis au point
une méthode de gestion des exploitations en 1957 (Legile, 1999).
L'évolution des problèmes de gestion des exploitations et des
cadres de représentation n'a pas été sans influence sur
les méthodes et outils développés, même si d'autres
facteurs y ont aussi concouru (informatisation, et obligations
administratives). Parmi ceux-ci, l'un des plus importants actuellement est
certainement la prise en compte du savoir-faire gestionnaire des agriculteurs.
Si pendant longtemps la gestion a uniquement été associée
à l'obtention de «résultats>>, aujourd'hui elle
commence à être déclinée en terme de pratique, de
raisonnement.
Cette nouvelle approche mise sur pied par Chombart de Lauwe,
vient combler les limites de la vulgarisation classique (Havard et al.,
2002, 2003) qui était caractérisée de « top down
>> car elle ne prenait pas en compte les savoirs locaux et les besoins
réels des paysans (Tchouamo et Steele, 1997, Tchouamo et al.,
2006). D'ailleurs Misté (2008) rapporte que la «
vulgarisation en Afrique a souvent été conçue dans le but
de faire adopter par les producteurs, grâce à des dispositifs
d'encadrement, des techniques mises au point par la recherche agronomique
».
Tchouamo et Steele (1997), Havard et al. (2001), et
Djoukam (2003), précisent que le système «Training and
Visit » de la Banque Mondiale et les approches du Programme National
de Vulgarisation et de recherche Agricole de l'ex MINAGRI ont longtemps
répondu à ce modèle au Cameroun. Bien qu'ayant
contribué à la diffusion de nombreuses innovations techniques,
ces
approches ont rarement contribué à
l'amélioration du fonctionnement global de l'exploitation (Tchouamo et
al., 2006 ; Legile 2006, Misté, 2008). Pour corriger cette
lacune, Havard (2002), Daouda et Havard (2003) , Legile et al. (2004)
pensent qu'un diagnostic de l'exploitation est nécessaire en
préalable au conseil. Dans le cadre de la définition des
nouvelles politiques agricoles, la plupart des Etats et les bailleurs de fonds
cherchent à ressortir les limites de la vulgarisation classique pour
laisser place au conseil (Misté, 2008). Le tableau 4 indique quelques
limites de la vulgarisation classique.
Tableau 4. Quelques limites de la vulgarisation classique
(Training and Visit)
Vulgarisation «classique»
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· Diffusion de thèmes surtout techniques.
· Conseillers détenteurs du savoir : les producteurs
sont des récepteurs des messages.
· Importance des démonstrations sur le terrain mais
les groupes sont rarement constitués par affinité.
· Paysans ne gérant pas les dispositifs et ne
choisissant pas les conseillers.
· Savoirs paysans peu valorisés.
· Liens forts avec les recherches agronomiques publiques
et/ou privées qui mettent au point les thèmes
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Source : adapté de Daouda (2002) et Misté (2008)
L'approche conseil (de gestion) était
considérée comme une aide à la prise de décision
(Legile, 1999). Sa démarche et ses outils étaient beaucoup plus
basés sur les calculs, la comptabilité-gestion, l'animation de
groupe, la technique du questionnement, de la participation des paysans, des
visites de terrain. Legile (1999) précise que l'application du conseil
de gestion nécessitait un certain niveau de scolarisation et une
certaine connaissance en agriculture et en comptabilité tant de la part
des paysans que des conseillers.
Ainsi, Dugué et al. (2004) rapportent que lors
de l'atelier de Bohicon en 2001, le terme conseil de gestion (CdG), jugé
trop restrictif, car connoté «comptabilité-gestion», ne
reflétait pas la diversité des expériences
présentées par les participants. D'où la proposition
d'employer le terme de conseil aux exploitations familiales (CEF) qui recouvre
plusieurs types de conseil conçus et mis en oeuvre dans des contextes
différents et selon des approches distinctes. Le CEF permet de renforcer
la capacité du producteur à maîtriser le fonctionnement de
son exploitation, à améliorer ses pratiques en combinant
innovations paysannes et innovations extérieures, à prendre de
meilleures décisions pour atteindre les objectifs qu'il se fixe avec sa
famille. En ce sens, les démarches de type CEF peuvent utilement
contribuer à la réforme des systèmes de vulgarisation
classique, en dotant les producteurs de capacités à
définir leurs besoins, à préciser leurs objectifs tant au
niveau de leur exploitation que de leur famille, à maîtriser leurs
actions et, plus largement, les processus de gestion concernant leurs
unités familiales de production.
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