II. LA PROCEDURE DES FUSIONS
TRANSFRONTALIERES, UN GRAND CHANTIER POUR LES ENTREPRISES
La directive 2005/56/CE du 15 décembre 2005
transposée par le législateur allemand le 25 avril 2007 et par le
législateur francais le 4 aofit 2008 a permis la realisation de fusions
transfrontalieres entre sociétés de capitaux, gr%oce à la
réglementation de la procedure (A). A cette procedure, il peut etre
déroge lorsquÕil sÕagit dÕune fusion entre
sociétés appartenant à un même groupe ou entre
organismes de placement collectif en valeurs mobilieres OPCVM (B).
A. La procedure « normale » issue de la
directive 2005/56/CE
Pour la realisation de fusions transfrontalières de
sociétés de capitaux, la directive 2005/56/CE a établie
une procédure. Ces regles de procedure rendent les fusions
transfrontalieres désormais réalisables en pratique, bien
quÕil sera intéressant de voir quels problemes pourraient se
reveler. Toutefois, ces règles de procédure ne sont applicables
ni en France ni en Allemagne, comme il a été étudié
précédemment concernant le champ dÕapplication de la
directive, aux fusions de sociétés de personnes.
Cette directive établit des regles matérielles
pour tous les elements de la procedure de fusion concernant lÕensemble
des sociétés participant à la fusion. Mais étant
donné que la directive ne pose quÕun cadre juridique compose de
21 articles, pour tous les points plus précis non prévus par la
directive, il sera fait une application cumulative des lois en presence. Le
cumul des legislations peut conduire à lÕapplication des regles
plus contraignantes. 109
les
En revanche, pour toutes les modalités pouvant etre
réalisées distinctement par chaque société, il est
fait une application distributive des lois nationales en presence, qui
régissent les fusions internes entre sociétés. Le regime
des fusions internes est ainsi étendu partiellement au regime des
fusions transfrontalieres.110 La fusion transfrontaliere appelle
ainsi une
109 M. Luby, Impromptu sur la directive n° 2005/56 sur
les fusions transfrontalieres des societes de capitaux, Droit des societes
n 6, Juin 2006, etude 11.
110 M. Menjucq, Droit international et
européen des societes, Domat, Montchrestien, 2008, 326.
application tantôt cumulative, tantôt distributive
des lois en présence. On peut se demander dans quelle mesure tout
conflit dans l'application des lois est évincé. Les étapes
de la procédure des fusions transfrontalières sont le
décalque des dispositions du règlement 2157/2001/CE. 111
La mise en Ïuvre de la procédure pour la
réalisation d'une fusion transfrontalière est un véritable
chantier pour les entreprises, celles-ci devant faire appel à des
professionnels en raison de la complexité de l'opération. Il
conviendra de présenter un aperçu par l'exemple d'une fusion
entre une société allemande et une société
française, afin d'éclaircir les étapes de la fusion et
d'apprécier les difficultés pouvant résulter de
l'application des règles de procédure, en raison des divergences
entre les deux législations.
1. Le projet de fusion
Le projet de fusion est la base
pour la réalisation de toute fusion
transfrontalière. Il s'agit d'un projet commun à toutes les
sociétés participant à la fusion, en ce qu'il est
établi par les organes ou d'administration des respectives. 112
de direct ion sociétés En France, il
s'agit du conseil d'administration pour les
sociétés anonymes à conseil d'administration,
du directoire pour les sociétés anonymes à directoire
et conseil de surveillance, ou des gérants
;113
pour les sociétés à responsabilité
limitée en Allemagne, le directoire pour les sociétés
anonymes et les associés pour les
sociétés à responsabilité limitée. Toutefois
les sociétés qui sont visées pour l'établissement
du projet de fusion ne sont que les sociétés absorbées et
absorbantes, et non les sociétés constituées suite
à la fusion par constitution. En effet, n'étant pas existantes,
elles ne sont pas parties au contrat. 114
Le contenu du projet de fusion doit être identique pour
toutes les sociétés parti cipant à la fusion, qu'il
s'agisse des mentions obligatoires ou facultatives. 115 Les mentions
obligatoires sont celles établies à l'article 5 de la directive
2005/56/CE, repris à l'article 122 c de la loi de transformation
allemande. A cette liste, d'autres mentions peuvent se révéler
obligatoires par l'application d'autres lois allemandes. Ainsi, lorsque la
société absorbée a son siège en Allemagne, l'offre
d'indemnité prévue à l'article 122 i de la loi de
transformation doit figurer
111 M. Menjucq, Des fusions transfrontalieres des
sociétés de capitaux, Revue Lamy droit des affaires, Mai
2006, Nr 5, p10.
112 S. Kulenkamp, Die grenzüberschreitende Verschmelzung
von Kapitalgesellschaften in der EU, Nomos, 2009, S158.
113 M. Cozian / A. Vivandier / F. Deboissy, Droit des
sociétés, Litec 2009, §1366.
114 Klner Kommentar zum UmwG, Carl Heymanns Verlag 2009,
§122c UmwG
115 H. Kallmeyer, Der gemeinsame Verschmelzungsplan für
grenzüberschreitende Verschmelzungen, AG 13- 1 4/2 007 .
dans le plan. En France, les mentions obligatoires figurent
à l'article R236-1 du Code de commerce. Les mentions figurant à
l'article 5 de la directive sont reprises, mais il ajoute une nouvelle mention
obligatoire: les Ç motifs, buts et conditions de la fusion È.
Ceci peut se justifier en raison de l'obligation d'information des
associés ou actionnaires. Etant donné que ce sont les
associés qui décident par leur vote de la réalisation de
la fusion, il est nécessaire qu'ils soient suffisamment informés,
de facon à ce qu'ils prennent leur décision en connaissance de la
situation et de l'avantage d'une telle opération.
On peut relever qu'alors en principe seul le droit de la
société issue de la fusion est applicable au projet de fusion, le
droit allemand prévoit au contraire que son droit est applicable
partiellement dans tous les cas, même lorsque seule la
société absorbée a son siège en Allemagne.
116 Mais ceci ne devrait pas poser d'importantes difficultés
puisque le droit allemand n'ajoute pas beaucoup plus de mentions obligatoires
à celles prévues par la directive.
Le projet de fusion doit être commun à toutes les
sociétés, mais il ne faut pas oublier qu'elles ont leur
siège dans des Etats membres différents et qu'alors le
problème de la loi applicable se pose. Il ne peut être choisi
l'alternative de l'anglais lors d'une fusion entre une société
francaise et une société allemande. En effet, le notaire allemand
doit authentifier le projet de fusion (article 122 c al 4 de la loi de
transformation) et il ne peut le faire que si celui-ci est rédigé
en langue allemande allemande sur l'authentification). 117
(article 5 de la loi
Ainsi pour la société ayant son siège en
Allemagne, le projet de fusion devra être rédigé en langue
allemande, ou être une traduction conforme de la rédaction
francaise. Si seule la société nouvellement constituée a
son siège en Allemagne, on peut se demander si une rédaction en
langue allemande est obligatoire, car une authentification de l'acte n'aura pas
lieu. Toutefois une rédaction en langue allemande ne serait que trop
recommandée dans la mesure oü le projet de fusion doit être
enregistré au registre du commerce (article 122 d loi de
transformation).118
En France, on peut supposer qu'une rédaction en langue
francaise ou du moins une traduction sera de rigueur. En effet, le notaire ou
le greffier du tribunal dans le ressort duquel la société issue
de la fusion sera immatriculée est chargé, comme le tribunal
allemand chargé de la tenue du registre, de vérifier la
conformité entre la traduction et l'acte. Une alternative
116 H. Kallmeyer, Der gemeinsame Verschmelzungsplan für
grenzüberschreitende Verschmelzungen, AG 13- 1 4/2 007 .
117 Klner Kommentar zum UmwG, Carl Heymanns Verlag 2009,
§122c UmwG.
118 M. Brocker, Die grenzüberschreitende Verschmelzung
von Kapitalgesellschaften, BB 2010, 971.
peut consister rédaction du commun directement en
plusieurs langues. 119
en la projet Mais si
plusieurs projets communs sont établis, il est
recommandé que chaque projet soit cosigné par un
représentant de chaque société participante, afin de
s'assurer qu'ils soient bien rédigés dans les mêmes
termes.120
On vient de soulever le fait que le projet de fusion doit
être authentifié par un notaire en droit allemand. Or comme cela
n'est pas le cas en France, le projet de fusion ne fera l'objet que d'une
authentification par le notaire allemand dans toutes les fusions
par absorption, que
la société ayant son siege en Allemagne soit
absorbée ou absorbante.
Une fois le projet commun établi, il doit faire l'objet
d'une publicité dans chaque Etat membre oil une des
sociétés participant à la fusion a son siege. En France,
il sera déposé au greffe du tribunal de commerce du siege de la
société francaise. Il fera l'objet d'un avis qui devra être
inséré dans un journal d'annonces légales du
département du siege social. Cet avis doit comporter les mentions
énumérées à l'article R236-2 du Code de commerce.
La société allemande quant à elle doit enregistrer au
registre du commerce allemand le projet commun (article 122 d de la loi de
transformation). Dans les deux cas, l'enregistrement ou le dépTMt pour
publicité doit avoir lieu au moins un mois avant la date de
l'assemblée générale appelée à se prononcer
sur la fusion.
Il convient de souligner qu'une fois encore ces regles de
publication ne concernent pas la société nouvellement
constituée, mais uniquement les sociétés absorbées
de fusions par absorption ou par constitution et les sociétés
absorbantes.121
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