3. Les limites à lÕharmonisation
Cette harmonisation est effectuée au niveau
communautaire et ne concerne par consequent que les situations
intracommunautaires, et non internationales, cÕest-à-dire les
fusions entre sociétés constituées en conformité
avec la legislation dÕun Etat membre et qui ont leur siege statutaire,
leur administration centrale ou leur principal établissement dans un
Etat membre de lÕUnion Européenne. De plus, pour quÕexiste
une dimension transfrontaliére, deux sociétés au moins
doivent relever dÕEtats membres différents. 56 Ce
travail dÕharmonisation, bien que limité à un cadre
regional, pourra toutefois servir de modéle au niveau international, ou
même encourager certaines Etats à aligner leur législation
sur celle de lÕUnion européenne.
52 M. Menjucq, Droit international et
européen des sociétés, Domat droit prive,
Montchrestien, 2008, 323.
53 A. Weng, Zulssigkeit und Durchführung
grenzüberschreitender Verschmelzungen, Duncker & Humblot, 2008, S
89.
54 M. Doralt, Sevic : Traum und Wirklichkeit - die
grenzüberschreitende Verschmelzung ist Realitt, IPRax 2006, Heft 6,
572.
55 S. Kulenkamp, Die grenzüberschreitende
Verschmelzung von Kapitalgesellschaften in der EU, Nomos, 2009, S113.
56 M. Menjucq, Droit international et
européen des sociétés, Domat droit prive,
Montchrestien, 2008, 324.
La directive 2005/56/CE a certes résolu bon nombres de
difficultés concernant la réalisation des fusions
transfrontalières, mais elle s'est limitée à
l'opération de fusions transfrontalières de
sociétés de capitaux. Selon l'article 2 b de la directive, les
sociétés de capitaux sont: Ç toute société,
dotée de la personnalité juridique, ayant un capital social et un
patrimoine séparé, qui est soumise par sa législation
nationale aux conditions de garantie des
57
intérêts des associés et des tiers
prévues par la directive 68/151/CEE È.Pour la France et
l'Allemagne, il s'agit de la société anonyme, de la
société en comman dite par actions et de la société
à responsabilité limitée, ainsi que de la
société par action simplifiée en France. Mais au regard du
dernier critère donné par l'article 2 b de la directive, cette
liste n'est pas exhaustive et de nouvelles formes de sociétés de
capitaux peuvent être concernées. Ainsi, bien que la
société européenne ne soit pas expressément
nommée par la directive, elle ne peut être exclue de son champ
d'application. En effet, selon les articles 9 et 10 du règlement
2157/2001/CE, la société européenne doit être
traitée dans chaque Etat membre comme une société anonyme
et donc être soumise aux dispositions de la loi des Etats membres qui
s'appliqueraient à une société anonyme. De plus, toute
discrimination est interdite, et l'interdiction pour une société
européenne d'être partie à une fusion
transfrontalière serait une discrimination non justifiable.58
C'est ainsi que la société européenne doit pouvoir
être partie à une fusion transfrontalière. Bien que le
droit allemand ne nomme pas expressément la société
européenne comme une société de capitaux pouvant
participer à une fusion transfrontalière, le droit allemand ne
peut s'y opposer. D'autant plus que le législateur allemand a
affirmé, dans le document explicatif accompagnant la loi de
transposition, que les dispositions applicables aux fusions internes et
transfrontalières sont aussi applicables aux sociétés
européennes.59 Par contre, en France, l'article L236-25 du
Code de commerce francais dispose explicitement que les sociétés
France 60
européennes im matriculées en
peuvent aussi faire l'objet de fusions
transfrontalières. Cette réglementation a levé ainsi toute
ambigu ·té, car certains praticiens estimaient qu'une
société européenne ne pouvait être partie à
une fusion transfrontalière.61
D'autre part, on peut noter que les formes unipersonnelles
francaises de sociétés de capitaux, comme l'entreprise à
responsabilité limitée unipersonnelle et la société
par action
57 M. Menjucq, Des fusions transfrontalieres des
sociétés de capitaux, Revue Lamy droit des affaires, Mai
2006, n5, p10.
58 T. Grambow / R. Stadler,
Grenzüberschreitende Verschmelzungen unter Beteiligung einer
Europischen Gesellschaft (SE), BB 2010, 977.
59 Deutscher Bundestag, Drucksache 16/2919, S14, zu
§122a zu Absatz 2.
60 M. Cozian / A. Vivandier / F. Deboissy, Droit
des sociétés, Litec, 2009, § 1407.
61 T. Mastrullo, La transposition en droit
francais de la directive sur les fusions transfrontalieres: une avancée
et des regrets, Europe n 8, Aoüt 2009, étude 8.
simplifiée unipersonnelle, ne sont pas exclues du champ
d'application des fusions transfrontalières, même si elles ne
sont pas expressément visées par la directive ni par l'article
62
L236 -25 du Code de commerce francais.Ceci se justifie par le
fait que l'entreprise à responsabilité limitée
unipersonnelle est une société à responsabilité
limitée mais constituée d'un seul associé, de même
la société par action simplifiée unipersonnelle est une
société par action simplifiée avec un associé
unique. En ce qui concerne le droit allemand, on peut supposer que la
société d'entrepreneur à responsabilité
limitée (Ç haftungsbeschrnkte Unternehmergesellschaft
È), créée par la nouvelle loi de modification du
droit de la société à responsabilité limitée
et combattant les abus du 23 octobre 2008, peut aussi être partie
à une fusion transfrontalière. En effet, cette forme de
société n'est pas une nouvelle forme juridique, mais est une
société à responsabilité allemande, pouvant
cependant être constituée sans capital social minimum.
Malgré tout, lors de la transposition de la directive,
ni la France ni l'Allemagne n'ont élargi le champ d'application de la
directive aux sociétés de personnes, bien que ces deux Etats
autorisent les fusions au niveau interne entre tous types de
sociétés, de personnes ou de capitaux (article 3 de la loi de
transposition allem ande et article L236 -2 du code de commerce francais).
Pourtant, les fusions transfrontalières sont possibles entre toutes
sociétés, telles que définies à l'article 54 al.2
du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et
bénéficiant de ce fait de la liberté
d'établissement. Ces sociétés ne sont pas
nécessairement des sociétés de capitaux, mais peuvent
aussi être des sociétés de personnes, ainsi que des
associations ou fondations63. Une telle affirmation résulte
de l'arrêt Sevic de la Cour de Justice des Communautés
européennes du 13 décembre 2005 qui interdit ainsi tout Etat
membre de s'opposer aux opérations de fusion transfrontalière,
même si elles ont lieu entre des sociétés autres que celles
visées par la directive 2005/56/CE.64
On peut regretter que l'harmonisation des règles
juridiques soit limitée aux fusions transfrontalières de
sociétés de capitaux, car seules les formes de
sociétés pouvant fusionner en vertu de la législation des
Etats peuvent participer à une fusion
transfrontalière.65 Toutefois des sociétés de
personnes pourront être parties à une fusion
transfrontalière. Elles ne pourront seulement pas
bénéficier des dispositions applicables aux fusions
transnationales. Ainsi, selon
62 T. Mastrullo, La transposition en droit
francais de la directive sur les fusions transfrontalieres : une avancée
et des regrets, Europe n 8, Aoüt 2009, étude 8.
63 A. Weng, Zulssigkeit und Durchf·hrung
grenz·berschreitender Verschmelzungen, Duncker & Humblot, 2008, S
91; Sedemund, BB 2006, 519, 520.
64 M. Menjucq, Droit international et
européen des sociétés, Domat droit privé,
Montchrestien, 2008, § 335.
65 M. Menjucq, Droit international et
européen des sociétés, Domat droit privé,
Montchrestien, 2008, §327.
Thomas Mastrullo, elles Çrestent soumises aux
règles classiques du droit français, et notamment à la loi
de l'unanimité pour les sociétés qui disparaissent
à l'issue de la fusion È.66 La même solution
peut être retenue en droit allemand.
La directive 2005/56/CE du 26 octobre 2005 sur les fusions
transfrontalières des sociétés de capitaux a fait l'objet
d'une transposition en France par la loi n°2008-649 du 3 juillet 2008
portant diverses applications d'adaptation du droit des sociétés
au droit communautaire, suivi d'un décret n° 2009-11 du 5 janvier
2009 relatif aux fusions transfrontalières de sociétés ;
et en Allemagne par la loi du 25 avril 2007 portant modification de la loi sur
les transformations, l'objectif du législateur allemand étant
alors de réglementer
67
les fusions transfrontalières dans une procédure o
rdonnée.
Toutefois, la transposition de la directive signifie
simplement que les Etats membres sont liés quant au résultat
à atteindre, mais libres quant à la forme et aux moyens au sens
de l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
Européenne. Les règles juridiques établies dans chaque
Etat membre suites à la transposition de la directive peuvent donc
présenter des différences.
B. La prise en compte des caractéristiques
des legislations des Etats - membres.
En raison des différences importantes entre les Etats
membres quant aux régimes de protection des salariés, des
associés des sociétés participant à la fusion ainsi
que des créanciers, un régime de protection au niveau
communautaire devait être élaboré par la directive
2005/56/CE. En effet, les salariés, associés et créanciers
de la société absorbée deviennent, après la
réalisation de la fusion, salariés, associés et
créanciers de la société issue de la fusion, et sont ainsi
soumis à la loi de l'Etat du siège de la société
issue de la fusion. Un changement de la loi applicable peut s'avérer
préjudiciable si la loi dont relève la société
issue de la fusion présente des garanties moindres.68 En
raison des divergences entre les législations des Etats membres, que ce
soit pour les salariés (1), les associés (2) ou les
créanciers (3), la
66 T. Mastrullo, La transposition en droit
francais de la directive sur les fusions transfrontalieres : une avancée
et des regrets, Europe n° 8, Aoüt 2009, étude 8.
67 M. Brocker, Die grenz·berschreitende
Verschmelzung von Kapitalgesellschaften, BB 2010, 971.
68 M. Luby, Impromptu sur la directive n°
2005/56 sur les fusions transfrontalieres des sociétés de
capitaux, Droit des sociétés n° 6, Juin 2006,
étude 11.
directive 2005/56/CE a proposé un régime de
protection, tout en tenant compte de ces différences.
|