2. Le régime dérogatoire des OPCVM
La directive 2005/56/CE ne sÕapplique pas aux fusions
dÕorganismes de placement collectifs en valeurs mobilières
(OPCVM) (article 3 al 3 de ladite directive). Cette exclusion a
156
été reprise à lÕarticle 2 de la loi
de transposition fra nçaise du 3 juillet 2008 en ce qui
concerne les sociétés dÕinvestissement
à capital variable (SICAV) et sociétés de placement
à prépondérance immobiliére à capital
variable (SPICAV)157et elle est formulée aux articles L214-18
et L214-125 du Code monétaire et financier francais. De meme, les
organismes de placement collectifs allemands tels que définis à
lÕarticle 6 de la loi allemande sur lÕinvestissement ne peuvent
bénéficier de la réglementation des fusions
transfrontaliéres de sociétés de capitaux selon l Nr2 de
la allemande de transformation. 158
'article 122 al
b 2 loi
Cette exclusion découle de lÕabsence
dÕaccord au sein du conseil de lÕUnion européenne sur la
question spécifique de la fusion de ces organismes de placement
collectif. Selon le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles au
Sénat (rapport, p 56), l'un des projets du gouvernement pour la
présidence française de l'union européenne (qui a
débuté le 1er juillet 2008) sera de « proposer un
régime communautaire spécifique pour ces operations de fusion
à l'occasion de la revision de la directive n 85/611/CEE du 20
décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives,
réglementaires et administratives concernant certains organismes de
placement collectif en valeurs mobiliéres È.159
Ce nÕest que le 13 juillet 2009 quÕun
régime minutieux de fusions transfrontalières des OPCVM a
été établi suite à lÕadoption de la
directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil portant
coordination des dispositions législatives, réglementaires et
administratives concernant certains organismes de placement collectif en
valeurs mobiliéres.
155 G. Montagnier, Harmonisation fiscale
communautaire, Janvier 1988-decembre 1990, RTDE, 1991, Chroniques
p 92.
156 T. Mastrullo, La transposition en droit francais de la
directive sur les fusions transfrontalieres : une avancee et des regrets ,
Europe n° 8, Aout 2009, etude 8.
157 H. Le Nabasque, Les fusions transfrontalieres
apres la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, Revue des societes 2008
p. 493.
158 A. Spahlinger / G. Wegen, Deutsche Gesellschaften in
grenzüberschreitenden Umwandlungen nach Ç Sevic » und der
Verschmelzungsrichtlinie in der Praxis, NZG 19/2006, 721.
159 H. Le Nabasque, Les fusions transfrontalieres
apres la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, Revue des societes 2008
p. 493.
Il s'agit d'un régime dérogatoire (article 38 de
ladite directive), en ce qu'il repose essentiellement sur deux
éléments : << la soumission de la fusion au droit du pays
de l'OPCVM absorbé et l'autorisation préalable de
l'opération par l'autorité compétente du pays d'origine de
l'OPCVM absorbé È. Ce régime dérogatoire trouve son
fondement dans l'impératif de
160
protection des investisseurs.
Malgré cette divergence profonde avec le régime
de fusion transfrontalière résultant de la directive 2005/56/CE,
on retrouve une structure commune. Ainsi, l'OPCVM absorbé et l'OPCVM
absorbeur doivent rédiger un projet commun de fusion selon l'article 40
de la directive 2009/65/CE ; ce projet commun doit faire l'objet d'un double
contrôle : un contrôle de conformité par les
dépositaires des OPCVM, et un contrôle effectué par un
dépositaire ou contrôleur légal des comptes (article 42),
contrôle particulier fusions transfrontalières d'OPCVM; les
porteurs de parts peuvent exiger le rachat ou le remboursement de leurs parts
(article 45). De plus, une fusion transfrontalière entre OPCVM produit
les mémes effets qu'une fusion transfrontalière entre
sociétés de capitaux telle que définie par la directive
2005/56/CE, en ce que tout l'actif et tout le passif de l'OPCVM absorbé
est transféré à l'OPCVM absorbeur, et que les porteurs de
parts de l'OPCVM absorbé deviennent porteurs de parts de l'OPCVM
absorbeur (article 48).
La directive 2009/56/CE présente toutefois quelques
particularités. La première consiste en ce qu'elle ajoute aux
deux formes de fusions étudiées précédemment, la
fusion par absorption et la fusion par constitution, une nouvelle forme de
fusion, la fusion par amalgamation ou concentration d'OPCVM. Selon cette
technique, <<un (ou plusieurs) OPCVM (ou compartiments),
dénommé(s) OPCVM absorbé(s), qui continue d'exister
jusqu'à ce que le passif ait été apuré,
transfère(nt) son actif net à un OPCVM (ou à au autre
compartiment du méme OPCVM) qu'il constitue ou à un autre OPCVM
existant (ou à un compartiment), dénommé <<OPCVM
absorbeurÈ (absorbant) È. Cette technique, ayant son origine dans
les pays de la Common law, n'existe pas en droit français et en droit
allemand. Cependant, ces deux Etats auront pour seule obligation de
reconna»tre les transferts d'actifs qui en résultent, et non
d'introduire cette technique dans leur droit national.161 Les
OPCVM
160 A. Boujeka, Répertoire de droit des
sociétés, Marchés financiers (Union Européenne),
juin 2010, §54.
161 I. Riassetto, Directive OPCVMIV - Fusions à
caractère transfrontalier, Revue de Droit bancaire et financier
n° 2, Mars 2010, comm. 75.
ne pourront recourir à d'autres techniques, mais
seulement dans un cadre strictement national.162
Une autre particularité est la subordination de la
fusion à une autorisation préalable délivrée par
les autorités compétentes de l'Etat membre d'origine de l'OPCVM
absorbé, au sens de l'article 39 de ladite directive. Ainsi, la fusion
est autorisée si elle est conforme à la directive 2009/65/CE, si
<l'OPCVM absorbant a fait l'objet d'une notification, pour la
commercialisation de ses parts sur une base transfrontalière, dans tous
les États membres oü l'OPCVM absorbé est autorisé ou
a fait l 'objet d'une notification pour la commercialisation de ses parts et,
enfin, si les autorités des États de l'OPCVM absorbé et
absorbant considèrent comme satisfaisantes les informations qu'il est
proposé de fournir aux porteurs de parts, ou en l'absence d'indication
d'insatisfaction de la part de l'autorité de l'État de l' OPCVM
absorbant (art. 39 § 4). Cette dernière exigence témoigne de
ce que l'autorité de l'État de l'absorbant a le droit de refuser
l'opération È.163
Cette harmonisation résultant de la directive 2009/65/CE
reste partielle car <les droits
164
nationaux conservent une grande part du pouvoir normatif
È.Par exemple, l'Etat membre est libre d'exiger ou non l'approbation des
fusions entre OPCVM par les porteurs de parts (article 44 de ladite directive).
On peut se demander si en France et en Allemagne l'approbation par
assemblée générale des porteurs de parts sera
exigée, sachant que la réunion d'une assemblée
générale des actionnaires ou associés est obligatoire pour
les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux.
Par ailleurs, cette harmonisation ne concerne que certains
types d'OPCVM, dits < coordonnés È. Une liste d'exclusion est
établie à l'article 3 de la directive 2009/65/CE. <
Concrètement, les OPCVM régis par le droit de l'Union
européenne se présentent comme les organismes dont l'objet
exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans
er
d'autres actifs financiers liquides visés à
l'article 50, paragraphe 1 , des capitaux recueillis auprès du public,
et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition de
risque et dont les parts sont, à la demande des porteurs,
achetées ou remboursées, directement ou indirectement, à
charge des actifs de ces organismes È.165 Ainsi, les Etats
membres sont totalement libres quant à la réglementation des
autres OCPVM dits < dérogatoires È. Cette
162 M. Storck, Reglementation financière. Directive
OPCVM IV., RTD Com. 2010 p. 167.
163 I. Riassetto, Directive OPCVMIV - Fusions à
caractère transfrontalier, Revue de Droit bancaire et financier
n° 2, Mars 2010, comm. 75.
164 A. Boujeka, Répertoire de droit des
sociétés, Marchés financiers (Union Européenne),
juin 2010, §47.
165 A. Boujeka, Répertoire de droit des
sociétés, Marchés financiers (Union Européenne),
juin 2010, §48.
exclusion va créer une inégalité de
traitement, surtout qu'il est peu probable que la France et l'Allemagne
élargissent le régime à ces OPCVM
Çdérogatoires >>, puisque déjà lors de la
transposition de la directive 2005/56/CE la France et l'Allemagne n'ont pas
élargie le champ d'application aux sociétés de
personnes.
er
En attendant la transposition de la directive qui devra avoir
lieu au 1juillet 2011 au plus tard, les fusions transfrontalières de
deux OPCVM, réglées bilatéralement entre les
autorités concernées, ne sont possibles que si le droit national
ne les interdit pas, et si ces droits sont compatibles entre eux. De plus, ces
fusions sont appréciées au cas par cas par les autorités
nationales concernées qui malheureusement Çne voient pas
très favorablement la disparition d'un ou plusieurs OPCVM, et par
conséquent, la diminution du montant des actifs
166
domiciliés dans leur Etat au profit d'un >>.
autre
En ce qui concerne le droit francais, les fusions
transfrontalières de SICAV sont certes visées par l'article L214
-18 al 2 du Code monétaire et financier, mais cet article précise
qu'elles ne sont pas régies par des dispositions du Code de commerce
relatives aux fusions transfrontalières et ne détermine pas leur
régime.167 D'autre part, en droit allemand, de telles fusions
ne sont pas réglementées. Ainsi, jusqu'à la transposition
de la directive, il sera impossible de réaliser des fusions entre des
OPCVM relevant du droit francais et d'au tres relevant du droit allemand.
Bien que cette directive 2009/65/CE pose une nouvelle
avancée pour les fusions transfrontalières d'OPCVM, de telles
opérations se trouveront malheureusement encore confrontés
à de nombreuses difficultés car les dispositions fiscales
diffèrent d'un Etat membre à un autre.168
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