Le processus électoral au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Mbassi BEDJOKO Université Catholique d'Afrique Centrale - Master droit de l'Homme et Action Humanitaire 2004 |
B. La distribution des cartes électoralesTout électeur conscient doit s'assurer que les autorités compétentes - les agents de l'Administration ou les Commissions19(*) - lui délivrent une carte d'électeur comme l'indique l'article 65 de la loi concernant l'élection des députés20(*). Cette carte est permanente. Elle peut être conservée par l'électeur ou remise en dépôt à la sous-préfecture en dehors des périodes de scrutin. L'expérience des élections au Cameroun montre cependant que ces dispositions ne sont pas toujours respectées. Le renouvellement des cartes électorales est régulier ; presque à chaque élection, l'Administration confectionne de nouvelles cartes. Cela entraîne une double conséquence au niveau de l'Etat et au niveau des citoyens. Au niveau de l'Etat, la conséquence est plus économique et financière car la confection des cartes génère d'importantes dépenses pour le trésor public. Au niveau des citoyens, il entraîne un gaspillage de temps inutile et les tracasseries administratives, dès lors que obtenir une carte dans le contexte camerounais relève parfois de l'exploit. Il y a lieu de penser simplement à la « mauvaise foi démocratique » de l'Administration qui y trouve une occasion idéale d'exclusion politique de nombre de citoyens à l'exercice du droit de vote. Cette mauvaise foi se traduit également dans les opérations préliminaires conjoncturelles.
Paragraphe 2. Les opérations préliminaires conjoncturellesOn dénombre parmi les opérations préliminaires conjoncturelles, les opérations liées à la fixation de la date des élections, celles relatives au dépôt de candidature, enfin celles se rapportant à la consultation des listes électorales et des bureaux de vote, ainsi que de la convocation du corps électoral. A. La fixation de la date des élections et la convocation du corps électoralLa fixation de la date des élections constitue en apparence une opération purement matérielle et donc neutre par rapport aux grands principes. Le choix de la date du scrutin appartient au président de la République dans une fourchette légale prédéfinie et diffère selon la nature de l'élection. Pour l'élection présidentielle, la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996, prévoit que ce délai est de vingt jours au moins et cinquante jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du président de la République en exercice. C'est le même principe posé par l'article 1er alinéa 3 du code électoral21(*). S'agissant des élections législatives, les délais sont précisés par l'article 15 alinéa 4 de la Constitution qui dit que : « En cas de crise grave, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat22(*), demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat. Dans ce cas, l'élection d'une nouvelle Assemblée a lieu quarante jours au moins et soixante jours au plus après l'expiration du délai de prorogation ou d'abrègement de mandat ». En l'absence de cas de force majeure tel que décrit ci-dessus, l'article 1 alinéa 4 du code électoral énonce que : « l'élection a lieu au plus tard le dernier dimanche qui précède l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée ». Dans le cas des élections locales, le délai est celui qui vient d'être énoncé par l'article 1er alinéa 4 ci-dessus qui proclame que : « les dispositions de la loi no 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale sont applicables mutatis mutandis à l'élection des Conseillers municipaux, sous réserve de celles particulières fixées par la présente loi. » Dans la pratique, les limites imposées par le législateur dans la fixation de cette date ne lient pas toujours l'exécutif. A cet égard, le non-respect des délais constitue une usurpation dont le pouvoir au Cameroun est à chaque consultation accusé. Il fait partie d'un des multiples aspects de la répression électorale au Cameroun selon M. Abel Eyinga qui l'exprime en ces termes : « Chez nous, le chef de l'état, président du parti au pouvoir, s'est arrogé le droit d'être seul à fixer la date du scrutin. Il le fait, naturellement, en fonction de son intérêt personnel et des convenances de son parti. Depuis 1982 (...), peu de consultations électorales ont eu lieu à la date prévue par les institutions. Elles ont souvent été soit retardées, parfois de plusieurs années, soit anticipé »23(*). L'incertitude qui entoure la fixation de la date du scrutin apparaît plus comme une tactique. L'observation montre que l'autorité investie du pouvoir de fixation, choisit la date en fonction de la période qui lui est favorable. Il ressort de l'observation que ces dates correspondent le plus souvent à la période de saison des pluies. A cet égard, seuls les partis nantis peuvent parcourir les pistes des villages impraticables puisqu'ils justifient de véhicules adaptés. Cette date est souvent aussi fixée en tenant compte de l'état d'esprit des populations et de leurs opinions vis-à-vis du gouvernement. Aussi, cette date sera-t-elle fixée si l'opinion est favorable. * 19 Cette Commission comprend : Président : un représentant de l'Administration, désigné par le Préfet Membres : le maire, un adjoint au maire ou un conseiller municipal désigné par le maire ; un représentant de chaque parti politique présent sur le territoire de la circonscription électorale. Elle est valable aux trois élections. * 20 Tout électeur inscrit reçoit une carte d'électeur sur laquelle figurent obligatoirement ses noms, prénoms, date de naissance, filiation, profession, domicile ou résidence. * 21 Cet article indique que si le président de la République est décédé, a démissionné ou en cas d'empêchement définitif constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt jours au moins et cinquante au plus avant l'expiration des pouvoirs du président en exercice. * 22 L'article 14 al. 1 de la Constitution révisée du 18 janvier 1996 a doté le Cameroun d'un parlement bicaméral constitué de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette dernière structure n'est malheureusement pas encore fonctionnelle. * 23 Voir lettre mensuelle de réflexion et de promotion no 84 publiée par le Secrétariat d'A. Eyinga en décembre 1998. |
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