La révision constitutionnelle en science du droit( Télécharger le fichier original )par Jean Paul MUYA MPASU Université de Kinshasa - Licence 2011 |
A. Définition de la science du droitPrésentée comme activité cognitive visant à donner une représentation du phénomène juridique conforme au paradigme scientifique adopté, la science du droit, opine François Ost, est à la fois un corpus théorique et une pratique sociale21(*). Comme corpus théorique, « la science du droit se présente sous la forme d'un ensemble de propositions articulés en système impliquant la mise en oeuvre d'une méthodologie conséquente et supposant l'obtention de connaissances à la fois communicables et susceptibles, sinon de vérification, du moins d'assentiment rationnel22(*). Comme pratique sociale, la science du droit suppose un système institutionnel de recherche et d'enseignement et traduit, de façon implicite et explicite, totale ou partielle, son interaction avec les intérêts, valeurs et idéologies dominantes dans la communauté scientifique d'abord, dans la société globale ensuite23(*). Nous ne portons suffrage qu'à la première conception car les intérêts, valeurs et idéologies ne sont susceptibles que d'opinions personnelles ; la science fait toujours recours à la neutralité axiologique. De plus, comme chacun ne peut qu'estimer ce qui lui est intérêts, valeurs ou idéologies, la logique juridique ne peut se concilier avec ce qui est équivoque ; une question ne peut avoir qu'une seule réponse24(*). Sous un autre angle, l'idée qu'il peut y avoir une science du droit est ancienne et ambigüe25(*). Il faut noter que Michel Alliot exprimait déjà la difficulté de définir les conditions de l'élaboration d'une science du droit26(*). Dans le même ordre d'idées, certains concluent à l'impossibilité d'une science du droit en raison, par exemple, de l'impossibilité d'isoler des données purement empiriques dans le champ juridique, ou encore de l'impossibilité d'aboutir à une formalisation de son langage et une axiomatisation de ses règles27(*). Par contre, comme théorie de la science du droit, la théorie pure de Kelsen [...] énonce les conditions de constitution d'une véritable science du droit, analogie aux sciences empiriques. Cette science doit être constituée de propositions susceptibles d'être vraies ou fausses, le « proposition de droit ». Elle doit, à la différence des doctrines du droit naturel, se borner à décrire son objet et s'abstenir de tout jugement de valeur, être « pure » de toute idéologie. Le seul objet susceptible d'être ainsi décrit est le droit positif28(*). Du reste, les frères Mazeaud et François Chabas illustrent mieux la scientifique du droit. Ils écrivent : « Si le droit est l'ensemble des règles juridiques, il est aussi le produit et l'instrument de diverses activités humaines et comme tout phénomène social, il est l'objet d'études scientifiques 29(*)». Dans un sens très large, [la science du droit] désigne simplement la pratique des juristes et elle est synonyme de dogmatique juridique30(*). Selon cette conception, le droit n'est pas l'objet d'une science, mais il est lui-même une science. Dans un sens plus restreint, on ne parle de science du droit que lorsqu'on veut distinguer entre le droit et la science du droit31(*). C'est l'opposition de ces deux significations qui permet de distinguer entre deux concepts de la science du droit, ou deux épistémologies juridiques, l'épistémologie du droit et l'épistémologie de la science du droit, d'inspiration positiviste32(*). C'est le sens restreint qui retient notre attention car, « la science est une activité cognitive et en même temps le produit de cette activité, un savoir, un discours indicatif et non prescriptif ; elle a pour fonction de décrire un objet qui lui est extérieur et qu'elle ne crée, ni ne modifie33(*). Or, le droit, comme on le verra plus tard, est prescriptif et son objet est les normes. Donc, il ne peut être science du moment que son objet ne lui est pas extérieur. La distinction du droit et de la science du droit [ ... ] exprime le fait que la science du droit porte sur un droit ayant une existence objective indépendante de la science elle - même, et qu'elle ne produit pas ce droit, mais se borne à le connaître, c'est - à - dire à le décrire34(*). C'est donc écrire que « la science du droit doit être caractérisée comme une science normative, dont l'objet est profondément différent de celui des sciences de la nature, mais aussi des autres sciences sociales qui, elles, décrivent non le devoir être, mais l'être35(*). De ce moment où nous avons démontré la scientificité du droit, nous pouvons définir la science du droit, dans sons sens le plus étroit, comme la première étape dans la connaissance des phénomènes juridiques [...]. Elle n'épuise pas la connaissance juridique. Elle permet trois ordres de recherches : sociologiques, critiques et philosophiques36(*). Aussi Henri Lévy - Bruhl, la (science du droit) nomme-t-il « Juristique ». Le terme utilisé dans un petit livre de vulgarisation (sociologie du droit), est passé dans quelques études, sans grand succès toutefois37(*). Somme toute, « la science du droit peut se définir, écrit Olivier Corten, comme une activité cognitive visant à donner une représentation du phénomène juridique conforme au paradigme adopté »38(*). La science du droit définie dans toute extension, notre discours peut être axé dès lors sur la détermination de son objet. * 21 Ost, F., « Science du droit », in Arnaud, A.-J. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, L.G.D.J., 2ème édition corrigée et augmentée, 1993, p. 540. * 22 Idem. * 23 Ibidem. * 24 Lire à ce propos Gözler, K., Le pouvoir..., op.cit., p.454. * 25 Lire Alland, D. et Rials, St. (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, P.U.F., 1ère édition, 2003, p. 1391. * 26 Alliot, M., Le droit et le service public au miroir de l'anthropologie, Paris, Editions Karthala, 2003, p.283. * 27 Ost, F., op.cit, p. 541. * 28 Arnaud, A. - J. (dir.), op. cit, p. 397. Contra : Druffin - Bricca, S., L'essentiel de l'introduction générale au droit, Paris, Gualino éditeur, 4ème édition, 2006, p.21 estime que « les sciences du droit visent [...] aussi [l'étude] des sciences dites auxiliaires, qui l'éclairent en analysant la règle de droit, en le replaçant dans son contexte historique, culturel et économique. * 29 Mazeaud, H., Mazeaud, L., Mazeaud, J. et Chabas, F., op.cit, p.40. * 30 Alland, D. et Rials, St (dir.), op.cit, p. 1391 * 31 Idem. * 32 Ibidem. * 33 Alland, D. et Rials, St (dir.), op.cit, p. 1392. * 34 Idem, p. 1393 ; voir aussi Atias, C., Epistémologie juridique, Paris, Dalloz, 1ère édition, 2002, p.139. * 35 Ibidem. * 36 Pinto, R. et Grawitz, M., op.cit, p. 120. * 37 Arnaud, A.- J (dir.), op.cit., p.327 * 38 Corten, O., Méthode du droit international public, Bruxelles, Edition de l'Université de Bruxelles, 2009, p.22, note 4. Soulignons que l'auteur s'exprime dans les mêmes termes qu'Arnaud, A. - J (dir), op. cit, p.363 ; lire aussi Cornu, G., Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 4è édition, 2003, p.815. |
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