Paragraphe 2. La nature et la portée de ses
obligations
En analysant méthodiquement les dispositions de la
Convention, il ressort que l'option consistant à prescrire des mesures
et obligations contraignantes aux Etats parties a été
écartée au profit de celle proposant aux Etats, des obligations
souples, flexibles, et cela conformément au principe de
souveraineté des Etats.
Il s'agira ici d'entrevoir successivement la nature, puis la
portée des obligations assignées aux Etats par la Convention sur
la diversité biologique dans le cadre de la conservation et la gestion
durable de biodiversité.
A. La nature juridique des obligations
De prime abord, il convient de rappeler que les obligations
relatives à la conservation et à l'utilisation durable de la
biodiversité, au partage juste et équitable des ressources
génétiques sont des obligations prises dans le cadre d'une
Convention Internationale parce qu'engageant plusieurs Etats. Il s'agit donc
d'obligations dites conventionnelles15 dans la mesure où
elles émanent de la volonté commune des sujets de droit
international qui ont décidé de s'y soumettre. La
vivants modifiés résultant de la
biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la
conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte
tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus
précisément l'accent sur les mouvements
transfrontières ».
15 Les traités-cadres : une technique juridique
caractéristique du droit international de l'environnement Alexandre
Kiss.
20
particularité des obligations prévues dans la
CDB, découle du fait qu'elles sont pour une large part conditionnelles
16. En effet, lorsqu'on procède à une lecture des
dispositions relatives à la conservation et à l'utilisation
durable de la biodiversité notamment les articles 5, 7, 8, 9, 10, 11 et
14, on remarque l'expression utilisée en début de chaque article
est la suivante : « chaque Partie, dans la mesure du possible et selon
qu'il conviendra ». Le recours à cette expression s'explique
par le fait que l'objectif recherché par la Convention est de confier
directement aux Etats parties la responsabilité de la gestion durable de
la biodiversité. Cela illustre bien l'influence incontestable du
principe de souveraineté. Cette méthode a certes le mérite
de responsabiliser directement les Etats, cependant elle n'est pas
nécessairement efficace quand on sait que l'essentiel de la
biodiversité provient de pays en développement dépourvus
de moyens suffisants pour respecter intégralement les mesures et
obligations de protection de la biodiversité.
B. La portée des obligations
Il convient à juste titre de revenir sur
l'environnement qui a prévalu avant l'adoption de la CDB, les
oppositions d'idées et d'intérêts entre pays en
développement et pays développés d'une part sur les
questions de souveraineté et d'autre part sur celles relatives au
libéralisme économique. Les rédacteurs de la Convention
dans le souci d'aboutir à un accord concerté et acceptable par
toutes les parties, ont opté pour un cadre juridique moins restrictif et
plus souple. Ainsi, les obligations assignées aux Etats parties à
la Convention en plus d'être conditionnelles comme indiqué plus
haut, sont souples17 car nulle part dans le texte de la Convention,
des expressions contraignantes ne sont utilisées à l'effet
d'inciter les Etats à s'acquitter de leur part d'obligations dans le
cadre de la protection et la conservation de la biodiversité. En effet,
L'article 3 de la Convention bien que mettant en avant un « Principe
» qui insiste sur la souveraineté des États, limite
considérablement la portée des dispositions adoptées. Par
conséquent, pour parvenir à de résultats probants, il
faudrait que les États acceptent de s'obliger eux-mêmes, en
intégrant dans leurs législations nationales, des règles
juridiques établissant d'une part des mesures de
16 Cours n°5 la biodiversité
(complément 2011 - actualisation du cours) Jean-Marc Lavieille,
Maître de conférences à la faculté de droit et des
sciences économiques de Limoges.
17 La souplesse de ces obligations n'est pas de
nature à entretenir l'espoir d'une protection véritable de la
biodiversité, voir HERMITTE Marie-Angèle,
Pour un statut juridique de la diversité biologique,
Revue Française d'Administration Publique, janvier-mars 1990,
n°53, pp.33-40.
conservation efficaces et d'autre part les conditions et
modalités de leur mise en oeuvre effective. Il est vrai que dans le
souci de pourvoir à de telles mesures, la CDB, conformément au
principe de responsabilités communes mais différenciées, a
prévu en son article 20 relatif aux mécanismes financiers,
que les Parties s'engagent à fournir des ressources
financières nouvelles et additionnelles pour permettre aux Parties
généralement les pays en développement de faire face
à l'ensemble de leurs obligations. En réalité la mise
en oeuvre de cette disposition n'est pas toujours évidente ce qui rend
alors hypothétique les efforts et la volonté des pays riches en
biodiversité, généralement peu outillés
financièrement et scientifiquement en la matière.
En somme, on peut déjà estimer que les
difficultés concernant la protection et la conservation de la
biodiversité trouvent notamment leur explication, dans le cadre
juridique encadrant la gestion durable de la biodiversité.
Néanmoins, nous ne devons pas ignorer la relation conflictuelle qui
prévaut au niveau des nombreux enjeux liés à la
conservation de la biodiversité.
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