B. Les difficultés propres au droit
international de l'environnement
Au niveau du DIE, la violation d'une obligation
conventionnelle résulte rarement d'un acte délibéré
et prémédité. La mise en oeuvre des règles est
rendue difficile par trois facteurs : la mollesse des normes illustrée
par l'abondance de la soft law, caractère souvent très
général des obligations, faiblement contraignantes42,
non quantifiées, atténuées ; le caractère non
auto-exécutoire de la plupart des obligations ; le fait que les
mécanismes classiques de réaction à la violation
substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal adaptés lorsque
l'obligation constitue un engagement unilatéral, exempt de
réciprocité. Les manquements trouvent aussi leur source dans les
difficultés d'interprétation de Conventions peu claires et/ou,
peu précises, ou encore dans l'incapacité de la Convention
à évoluer et à prendre acte de changements de
circonstances notamment en cas de nouvelles découvertes scientifiques
par exemple. Le foisonnement normatif est également source de
difficultés, comme cela a été rappelé ci-dessus :
le DIE est un corps de règles construit dans l'urgence, au coup par coup
face aux nombreux problèmes liés notamment à la
destruction de la couche d'ozone ou encore à l'érosion
très remarquée de la biodiversité. Il souffre
malheureusement d'incohérences internes, voire de problèmes
d'articulation externes dus à des cloisonnements normatifs et
institutionnels par rapport à d'autres corps de règles relatives
notamment au Commerce. Les insuffisances de la mise en oeuvre trouvent aussi
leur source dans l'incapacité matérielle à se conformer
à des obligations internationales dont
42 La souplesse constatée au niveau des
obligations de la Convention sur la diversité biologique.
l'application a souvent un coût économique et
social très important. Pour rendre compte de la réalité
dans son ensemble, l'analyse juridique doit être au moins
complétée par des analyses sociologiques et économiques.
De ce point de vue, la théorie des régimes contribue à
expliquer les différences de résultats et d'effectivité
d'un régime à l'autre. Dans une réflexion plus
prospective, elle permet d'ébaucher les formes que doivent prendre les
dispositifs internationaux pour être les plus efficaces et effectifs.
Le droit de la biodiversité, branche du DIE, dispose
d'un instrument juridique international de référence en
matière de conservation de la biodiversité. Il s'agit notamment
de la CDB. Cependant, le constat est que malgré l'entrée en
vigueur de cette Convention depuis 1993, les objectifs visant à stopper
l'érosion de la biodiversité n'ont pas été
atteints. Cette situation n'est pas étrangère aux
problèmes rencontrés par le DIE lui-même qui ont
été présenté en amont. En effet, la CDB contient
les stigmates d'une Convention difficilement applicable et dont
l'effectivité reste douteuse. La CDB présentée lors de son
adoption comme un accord contraignant, semble contenir des dispositions qui
laissent penser le contraire. La CDB propose des obligations conventionnelles
souples aux Etats Parties et conformément au principe de
souveraineté des Etats laissent aux Etats la latitude de décider
des modalités d'exécution et d'application de ces obligations.
Cette démarche adoptée par la CDB confère le
caractère non auto-exécutoire aux obligations de la CDB dans la
mesure où leur application sera toujours conditionnée.
En outre, la CDB souffre aussi d'incohérences internes
dus au cloisonnement de règles relatives au Commerce. Il convient de
rappeler que le pays le plus concerné par la conservation et
l'utilisation de la biodiversité à savoir les Etats Unis, n'a pas
signé la texte final de la Convention, mais a participé à
toutes les négociations et notamment fait des propositions. Les Etats
Unis n'ont pas adhérés à la CDB parce qu'elle n'offrait
pas de garantie suffisante à ses firmes industrielles, les enjeux
économiques étaient la raison de la défection des Etats
Unis43. Mais cette défection, ne signifiait pas que la CDB
allait se consacrée uniquement aux impératifs écologiques.
La CDB sous la pression d'autres pays industrialisés a dü
prévoir des
43 Commission de la propriété
intellectuelle et industrielle, 15 septembre 1999, l'accord relatif aux APDIC
et la Convention sur la Diversité Biologique : quel conflit ?
dispositions traitant des enjeux économiques et
financiers liés à la conservation de la biodiversité. Il
s'agit des dispositions relatives à l'accès aux ressources
génétiques avec les très controversés DPI, et de
celles relatives au partage des ressources issus de l'exploitation de la
biodiversité. Ainsi, la CDB est comme un iceberg, il y a la face visible
qui fait de la protection et de la conservation de la biodiversité, une
priorité pour stopper l'érosion de la biodiversité, puis
il y a la face cachée de l'iceberg, où les enjeux
économiques et commerciaux importants liés à la
biodiversité sont positionnés soigneusement et attendent de se
manifester. Le droit de la Biodiversité illustre bien les
défaillances du DIE.
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