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Le droit international de l'environnement face aux enjeux liés à  la conservation de la biodiversité

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par Yannick Alain TROUPAH
Université de Limoges - Master II Droit International de l'Environnement 2010
  

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B. La méconnaissance des droits des communautés locales

La CDB exige, au niveau de ses articles 8j et 10, de la part des Etats parties la promotion des droits des communautés, des agriculteurs et des populations autochtones en ce qui concerne l'usage traditionnel des ressources biologiques et des systèmes de connaissance. A l'opposé, les systèmes de DPI prévus par l'Accord sur les APDIC ne prennent pas en considération cette préoccupation. Les critères qu'ils posent pour qu'une innovation, puisse bénéficier d'une protection notamment ceux relatifs à la nouveauté et aux applications industrielles affaiblissent les droits des communautés locales et écartent les innovations traditionnelles28. En réalité, l'Accord sur les ADPIC ne reconnaît ni explicitement, ni implicitement aucun DPI à l'égard des droits des communautés autochtones et locales. Il considère uniquement les DPI des individus et non ceux détenus sur une base collective par la communauté ou par la nation dans sa totalité29. Les connaissances traditionnelles et locales, compte tenu de leur nature même ne peuvent jouir d'une protection sous l'Accord sur les ADPIC. En effet, le critère de nouveauté ne semble pas pouvoir s'appliquer aux connaissances et inventions traditionnelles qui, eux sont, par essence anciennes. De même, l'obligation pour le demandeur de brevet de divulguer le contenu détaillé de son invention en contrepartie de sa protection par le brevet risque de permettre l'érosion des droits des peuples indigènes et locaux qui verront leurs connaissances ancestrales manipulées par les intérêts commerciaux et de contredire leurs valeurs spirituelles et religieuses. De plus, les connaissances

28 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 29.

29 La Convention sur la diversité biologique et Les Accords de Droit de Propriété Intellectuelle : enjeux et perspectives, Solagral 2001, Hélène IIbert.

traditionnelles et les droits qui s'y attachent sont en général des droits collectifs alors que les DPI sont des droits privés. Les DPI sur les formes de vie, proposés par l'Accord sur les ADPIC, ne répondent pas aux besoins des pays en développement30. Il en est de même, du système de Droits d'Obtentions Végétales (DOV), considéré comme plus souple par rapport au brevet et qui s'inscrit parfaitement dans la philosophie des économies industrielles, où l'accent est mis sur la protection des investissements et des intérêts de grandes et influentes entreprises semencières, qui emploient les sélectionneurs professionnels.

Enfin, les systèmes classiques de DPI ont des implications profondes sur la sécurité alimentaire nationale et régionale, ainsi que sur le développement rural et la santé des populations des pays sous développés. Ils encouragent la biopiraterie en ce sens qu'ils permettent d'exploiter les innovations et créativités des communautés tout en leur privant des bénéfices économiques en découlant, qui sont pourtant essentiels pour leur survie. A titre d'illustration, nous pouvons évoquer le cas du Neem en Inde qui est un pur exemple de biopiraterie31.

En effet depuis plus de 2000 ans, le Neem est appelé « l'arbre gratuit » en raison du fait qu'il symbolise la diversité des espèces et la libre circulation des connaissances dont il dispose. Il est utilisé en Inde, en médecine et en agriculture, il possède notamment des vertus insectifuges et antiparasitaires très apprécier par les fermiers qui s'en servent à l'effet de purifier l'air et soigner presque toutes les maladies des animaux. En Inde, la loi sur les brevets de 1970 interdisait toute brevetabilité des produits agricoles et médicinaux. Malheureusement, en 1971, l'importateur de bois américain Robert Larson constatant les bienfaits du Neem, importait des semences de Neem dans sa compagnie au Wiscosin. Dans la décennie suivante, il a mené des expériences sur la sécurité et le rendement d'un pesticide extrait du Neem, appelé Margosan-O. En 1985, l'EPA (Environmental Protection Agency ou l'Agence pour la Protection de l'Environnement) lui délivre l'autorisation de mettre ce produit en

30 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 30 à 33.

31 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI, le Neem, l'arbre gratuit, patrimoine de la médecine traditionnelle de l'Inde, aujourd'hui spolié par des soi-disant bioprospecteurs, détenteurs de brevets page 45 à 49.

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circulation. Trois ans plus tard, il vendait le brevet du produit à la multinationale de produits chimiques Grace. La multinationale Grace est parvenue à aménager en Inde une usine qui traite près de 20 tonnes de graines par jour. Elle mit également sur pied un réseau de fournisseurs de semences du Neem jouant sur l'extrême pauvreté des populations indiennes, pour s'assurer un approvisionnement constant. La conséquence directe, c'est que le Neem a perdu sa qualité d'« arbre gratuit » dans la mesure où ces 20 dernières années, le prix du Neem est passé de 300 roupies par tonnes à 3000 voire 4000 roupies par tonne. Ainsi, pour lutter contre cet abus des DPI, plus de 200 organisations ont contesté devant les tribunaux deux des brevets détenus par la multinationale Grace, l'un aux Etats-Unis et l'autre à l'OEB. Le 10 mai 2000, l'OEB annule le brevet détenu conjointement par le Gouvernement américain et Grace, aux motifs que ce brevet était fondé sur le pillage de connaissances existantes et manquait de nouveautés et d'inventivité. Certes, cette décision est une victoire, mais elle paraît insignifiante car le mal a été déjà commis.

L'ensemble de ces éléments permet de constater que le régime des DPI, s'il paraît raisonnable dans le contexte des pays industrialisés, est injuste pour les pays en développement, d'où la nécessité pour ces derniers de trouver des alternatives plus adaptées.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams