A- Le principe de l'exclusion des enfants majeurs
En droit interne, il n'est pas envisagé l'admission des
enfants majeurs, y compris à charge, aux fins du regroupement familial.
Dans le droit intracommunautaire, la même règle est
énoncée. Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, point b) de la
directive 2003/86/CE, « les enfants majeurs célibataires du
regroupant ou de son conjoint, lorsqu'ils sont objectivement dans
l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de
leur état de santé » peuvent être autorisés
à entrer et séjourner. Il n'est donc pas consacré un droit
subjectif au regroupement familial car chaque État membre est libre
d'autoriser ou de refuser l'entrée des enfants majeurs à charge
d'un étranger régulièrement établi sur leur
territoire. En revanche, sous certaines conditions, le droit communautaire
prévoit l'entrée de l'enfant majeur citoyen européen.
Le règlement (CEE) 1612/68 prévoyait que les
descendants de moins de 21ans ou à charge du travailleur communautaire
pouvaient s'installer dans le pays d'exercice de son activité
professionnelle85. Le seuil de l'âge n'était donc pas
rédhibitoire puisque le regroupement familial devait être
autorisé lorsque l'enfant majeur était à la charge du
parent. En outre, cette disposition avait vocation à s'appliquer dans
les rapports entre un travailleur communautaire et ses petits enfants, voire
ses arrières petits-enfants86, qui se trouvaient à sa
charge87. Le nouveau régime défini dans la directive
2004/38/CE est plus restrictif puisque sont visés les « descendants
directs », c'est à dire les seuls enfants, à l'exclusion des
autres descendants en ligne directe, tels les petits enfants ou les
arrières petits enfants. Les descendants directs du citoyen
européen qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui
sont à charge ainsi que les descendants directs de son conjoint ou de
son partenaire enregistré bénéficient d'un droit
d'entrée et de séjour dans l'État membre d'accueil .
Sous réserve des enfants majeurs des citoyens
européens, en droit français, le dix-huitième anniversaire
est un seuil au-delà duquel la demande de regroupement familial n'est
plus recevable. Certes, l'exclusion des enfants majeurs du
bénéfice du regroupement familial n'est pas contraire en soi
à l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l'homme88 et le grief tiré de la violation de l'article 8 est
irrecevable lorsqu'il concerne une requête relative à l'admission
aux fins du regroupement familial d'un enfant majeur89
Toutefois, il importe de prendre en compte les circonstances
de dépendance qui justifieraient l'admission des majeurs
célibataires à charge et des handicapés,
c'est-à-dire « des personnes qui n'ont pas d'existence autonome par
rapport au groupe familial, en particulier pour des raisons économiques
ou, le cas échéant pour des motifs tels que la poursuite
d'études non rémunérées ou des raisons de
santé »90
85 Cf. Article 10, par. 1, point a) du règlement (CEE)
1612/68.
86 H. Gaudemet-Tallon, La famille face au droit
communautaire, in Internationalisation des droits de l'homme et
évolution du droit de la famille, spec. p.100.
87 CE, 22 février 1993, req. N° 107467,
Ministère de l'intérieur c. Cordeiro
88 Comm. EDH, déc. du 8septembre 1988, req.
N°13654/88, R .R . et S. R. c. Pays-Bas, Déc. et Rapp. pp.
291-294, spéc. p. 293.
L'artice 8 de la ConvEDH dispose que « 1. Toute personne a
droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance »
89 Cour EDH, 19 février 1996, req. N° 23218/94,
Gûl c. Suisse
90 Cf. article 19, paragraphe 6 de la Charte sociale
européenne dans sa rédaction initiale aux termes duquel les
États s'engagent « à faciliter autant que possible le
regroupement de la famille du travailleur autorisé à
s'établir lui même sur le territoire » : Comité des
Ministres, Conclusions VIII, p. 216. Adde : P. Boucaud, Les travailleurs
migrants et leurs familles, protection dans la Charte sociale
européenne, Droits de l'homme - Cahier de la Charte sociale,
n°4, Ed. du Conseil de l'Europe, p.57 et s.
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