2- Une exclusion discutable
L'exclusion en droit français des concubins et des
partenaires enregistrés du champ d'application du droit au regroupement
familial est contestable au regard du droit au respect de la vie familiale et
du principe de non-discrimination. Il est désormais acquis que les
relations entre des concubins ou entre des partenaires sont
protégés au titre de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de
81 Pour une position plus réservée, voir not. : F.
JAULT-SESSEKE, le regroupement familial en droit comparé
français et allemand, p. 115, n°217.
82 Cf Art. 4 § 3, de la directive 2003/86/CE.
83 Cf. Art. 4 § 3, de la directive préc.
l'homme, sous le volet de la vie familiale. Combiné
avec l'article 14 de la Convention européenne, l'article 8 garantit le
droit au respect de la vie familiale à toute personne sans aucune
discrimination. Le maintien des concubins et des partenaires d'un
étranger hors du champ d'application du regroupement familial ne semble
être justifié par aucun motif raisonnable et proportionné.
Il semble difficile de soutenir que la nature des relations hors mariage et
l'absence de formalisme ou le formalisme allégé de la formation
des relations hors mariage sont des motifs raisonnables et objectifs
susceptibles de justifier cette différence de traitement. En outre, la
difficulté de prouver l'état de concubin ne saurait à elle
seule légitimer l'exclusion du bénéfice du regroupement
familial puisqu'il peut être envisagé de mettre en place un
document établissant l'existence d'une relation suivie.
Le droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8
de la Convention européenne ne présuppose pas un lien de couple
formel. Il inclut toute relation de famille correspondant à une
réalité sociale dès lors qu'elle est effective. C'est
pourquoi, les membres d'un couple entretenant des relations stables, en dehors
du cadre du mariage ou d'un partenariat enregistré, doivent pouvoir
revendiquer le droit à vivre ensemble.
L'admission du concubin ou du partenaire sur le territoire
français ne remettrait pas en cause la maîtrise des flux
migratoires auquel les gouvernements successifs ont rappelé leur
attachement avec plus ou moins de vigueur. En effet, le regroupement familial
resterait réservé aux membres de la famille nucléaire
composée des enfants et des membres du couple, quelle que soit la nature
de leur relation. Dès lors, ne serait pas remis en cause le principe
selon lequel seules les relations au sein de la famille nucléaire sont
couvertes par le droit au regroupement familial. Au contraire, la
reconnaissance du droit au regroupement familial pour le concubin ou le
partenaire enregistré permettrait de le réaliser pleinement.
Cette perspective ne serait pas novatrice puisque, dans le cadre particulier de
la protection temporaire, sous certaines conditions restrictives, le droit
communautaire prévoit le regroupement familial des étrangers
bénéficiaires de ce régime avec le
partenaire84.
La reconnaissance du droit au regroupement familial au
bénéfice du concubin ou du partenaire pose des
difficultés. D'une part, jusqu'alors, le concept de vie familiale ne
recouvre que les relations
84 Sont considérés comme membres de la famille
« le conjoint du regroupant ou son partenaire non marié
engagé dans une relation stable, lorsque la législation ou la
pratique en vigueur dans l'État membre concerné traite les
couples non mariés de manière comparable aux couples
mariés dans le cadre de sa législation sur les étrangers
» (Article 15§1 point a) de la directive 2001/55/CE du conseil du 20
juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une
protection temporaire en cas d'afflux massif des personnes
déplacées et à des mesures tendant à assurer un
équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour
accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil,
JOUE, L 212, 7 août 2001, p. 12).
de couple entre deux personnes de sexe différent. Il
pourrait alors être tentant de réserver le regroupement familial
aux concubins ou partenaires de sexe différent. Toutefois, l'exclusion
des concubins ou des partenaires étrangers risque d'être
analysée comme constituant une discrimination fondée sur
l'orientation sexuelle. D'autre part, s'il est fait le choix d'étendre
le regroupement familial aux membres des couples de fait, quelle que soit leur
nature, il importerait d'étendre ce droit au conjoint homosexuel d'un
étranger car son exclusion pourrait être considérée
comme violant le principe de non discrimination. De plus, il conviendrait alors
de modifier les règles relatives aux conditions d'admission du concubin
ou des partenaires d'un français. La prise en compte des relations de
couple hors mariage semble nécessaire, y compris dans le cadre du
regroupement familial, mais il importe d'adopter une position cohérente
à l'égard de l'ensemble des situations susmentionnées. Le
droit fondamental à une vie familiale impose que ces différentes
relations de couple soient traitées de la même manière,
sans dépendre du choix des individus de conclure un mariage.
§ 2. Une sélection parmi les membres de la
famille du regroupant
Dans la mesure où le législateur de 2007, opte
pour un modèle familial qui est celui de la famille nucléaire,
les ascendants et les enfants majeurs sont exclus du bénéficie de
ce droit (A). Ainsi, le droit au regroupement familial est
réservé qu'aux enfants mineurs de dix huit ans
(B).
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