§ 2 : Le contenu du contrôle
L'harmonisation des politiques migratoires par le
Traité de Lisbonne est fondée sur l'article 63 bis point
2 a) qui prévoit d'arrêter des « mesures relatives aux
conditions d'entrée et de séjour... y compris aux fins du
regroupement familial ». L'adoption d'une directive à ce propos
conduit donc la Cour de justice à consacrer le droit des
étrangers au regroupement familial, à la suite du
législateur.
L'arrêt du 27 juin 2006 se veut être
délibérément solennel dans son énoncé comme
dans sa nature. Formellement, il s'agit là d'un arrêt de grande
chambre. La Cour de justice de l'Union européenne a entendu marquer son
importance théorique et constitutionnelle en ouvrant son analyse au fond
du recours « sur les normes de droit au regard desquelles la
légalité de la directive peut être contrôlée
». Il est vrai que la Cour fait ici un pas considérable en faveur
de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi,
indique t-elle « s'agissant de la charte, elle e été
proclamée solennellement par le Parlement, le Conseil et la Commission
à Nice le 7 décembre 2000190. Si cette charte ne
constitue pas un instrument juridique contraignant, le législateur
communautaire a cependant entendu en reconnaître l'importance en
affirmant au deuxième considérant de la directive que cette
dernière respecte les principes qui sont reconnus non seulement par
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais
également, par la charte ».
Par ailleurs, l'objectif principal de la charte, ainsi qu'il
ressort de son préambule est de réaffirmer
190 Ce n'est plus le cas depuis le Traité de Lisbonne
« les droits qui résultent notamment des
traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux
États membres, du Traité sur l'Union européenne et des
Traités communautaires, de la (...) Convention européenne des
droits de l'homme, des chartes sociales adoptées par la
communauté et par le Conseil de l'Europe, ainsi que la jurisprudence de
la Cour et de la Cour européenne des droits de l'homme ». Plus
loin, elle rappelle que « la charte en son article 7, reconnaît de
même , le droit au respect de la vie privée ou familiale. Cette
disposition doit être lue en corrélation avec l'obligation de
prise en considération de l'intérêt supérieur de
l'enfant reconnu à l'article 24 § 2 de ladite et en tenant compte
de la nécessité pur un enfant d'entretenir
régulièrement des relations avec ses deux parents,
exprimée audit article 24 § 3 ». Que faut-il alors, tirer de
ces formulations qui pour être essentielles, n'en semblent pas moins
relativement ambiguës ?
Certes, le contexte juridique était un peu particulier,
la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003, relative au regroupement
familial, dont les articles 4 § 1, dernier alinéa et 6 et l'article
8, étaient attaqués par le Parlement européen, faisait
elle-même référence à la charte dans le
deuxième Considérant en indiquant que « les mesures
concernant le regroupement familial devraient être adoptées en
conformité avec l'obligation de protection de la famille et de respect
de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du
droit international. La présente directive respecte les droits
fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment par
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par la
charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ». La
directive, dans la lignée de l'accord inter institutionnel, se conforme
donc aux droits et principes reconnus entre autres, par la charte. La
première conséquence est que, la charte apparaît comme une
des normes de droit auxquelles la directive peut être confrontée.
Elle apparaît ainsi comme étant dotée d'une valeur
juridique compte tenu du fait que la directive s'y réfère
Pour autant, l'énoncé jurisprudentiel,
paraît dépasser le cas particulier de la directive en cause.
Laisser envisager cette interprétation extensive de la dernière
phrase du point 38 renvoyant à l'objectif principal de
réaffirmation des sources traditionnelles des droits fondamentaux
communautaires attribué à la charte. On en veut pour preuve les
points 35 à 37 de l'arrêt dans lesquels la Cour rappelle à
la fois sa propre jurisprudence, mais aussi l'article 6 § 2 du
Traité sur l'Union européenne191. On peut sans doute
en déduire que dorénavant, la charte des droits
191 Cf art. 6 § 2 du TUE qui dispose que « L'union
adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne
modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont
définies par les Traités »
fondamentaux sans se voir reconnaître une valeur juridique
propre, peut avoir une fonction dans la jurisprudence de la Cour.
En somme, par l'intermédiaire de la Cour de justice, le
droit communautaire confirme et consolide l'existence de ce droit de
l'étranger, à la suite de l'affirmation expresse de son
législateur. Et ce, contrairement à la jurisprudence
européenne qui se veut être prudente à affirmer l'existence
d'un droit au regroupement familial
Aussi, le droit au regroupement familial au sens de la
directive 2003/86/CE est fondé sur l'obligation des États de
protéger la famille et de respecter la vie familiale. Dans la directive
2003/109/CE, à l'instar de la directive 2004/38/CE du Parlement
européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens
de l'Union et des membres de leur famille, le droit au regroupement familial
répond à un double objet : d'une part garantir le respect de la
vie familiale et, d'autre part, garantir la liberté de circulation du
résident de longue durée. Désormais, en droit
communautaire, comme en droit européen, quel que soit le sujet de droit
en cause, le droit au regroupement familial est donc clairement
identifié comme un élément essentiel du droit au respect
de la vie familiale. Il en est de même en droit interne.
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