Section III : Des conditions strictes d'exercice du droit
au regroupement familial
Afin d'exercer son droit au regroupement familial, le
regroupant, dans la législation française, doit remplir certaines
conditions. Cependant, poser des conditions à ce droit, ne le vide pas
de tout son sens ? En effet, la directive de 2003 sur le regroupement familial
des étrangers, transposée par la France, donne la
possibilité aux États membres de fixer des conditions d'exercice
du droit au regroupement familial. Conditions particulièrement
difficiles à remplir pour le regroupant (§1). A
ces conditions, va s'ajouter un délai d'attente pour le regroupant avant
de pouvoir faire venir sa famille. Délai qui pourra se
révéler particulièrement long
(§2).
129 V. Art. L.314-11 8° du CESEDA
130 J. Fougerouse et R. Ricci, Le contentieux de la
reconnaissance du statut de réfugié devant la Commission des
Recours des Réfugiés, RD publ. 1998, pp. 179-224,
spéc. pp. 185-190.
131Loi n°70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant
l'adhésion de la France au Protocole relatif au statut des
réfugiés, signé à New York le 31 janvier 1967 par
le président de l'Assemblée générale et par le
secrétaire général des Nations Unies, JORF, 26
novembre 1970, p.10851. Le protocole a été publié par le
décret n°71-289 du 9 avril 1971, JORF, 18 avril 1971 p.
3752;
§ 1 : Des conditions difficiles à remplir
pour le regroupant
Tout d'abord, avant même de pouvoir demander le
bénéfice du regroupement familial, le ressortissant de
l'État tiers résidant régulièrement en France, doit
démontrer une volonté d'installation à long terme sur le
territoire132.
Ensuite, pour bénéficier du droit au regroupement
familial, le regroupant doit justifier de ressources stables (B), et d'un
logement adéquat afin de recevoir sa famille (A).
A- Un logement adéquat
Depuis la loi de 2006133, c'est désormais le
maire de la commune de résidence de l'étranger
régulièrement établi en France, ou le maire de la commune
où il envisage de s'établir, qui vérifie en premier
ressort si les conditions de logement et de ressources sont effectivement
remplies.
Ces vérifications se font à partir de
pièces justificatives fournies par le demandeur et pour la condition de
logement et en tant que de besoin, par des contrôles sur place qui seront
confiés à des agents des services de la commune, ou par les
enquêteurs de l'Agence Nationale de l'Accueil des Étrangers et des
Migrations. L'avis du maire sur le logement, agissant en l'espèce, comme
représentant de l'État, est toutefois consultatif :
l'autorité titulaire du pouvoir de décision en matière de
regroupement familial reste le Préfet. Comme c'était
déjà le cas auparavant, en l'absence d'avis motivé, l'avis
du maire est réputé favorable à l'expiration d'un
délai de deux mois.
Ce qui revient à dire que dès lors le regroupant
est au chômage, même pendant une courte durée, ou que le
famille ne soit entre temps élargie, avec la naissance d'un enfant par
exemple, pour que le regroupant ne remplisse plus les conditions de logement.
Raison pour laquelle, il est intéressant de faire un parallèle
avec l'interprétation que la Cour de justice des communautés
européennes fait de la condition de logement prévue pour le
regroupement familial des membres de la famille d'un ressortissant
communautaire. Cette condition est prévue par l'article 10 §3 du
règlement n°1612/68 qui impose la condition d'un « logement
normal » pour les ressortissants communautaires souhaitant faire venir
leur famille. La Cour, dans un arrêt Commission c/ R.F.A du 18 mai 1989,
pose que la condition de logement normal prévue à cet article 10
doit s'entendre uniquement comme condition d'accueil. Ne pourrait-on,
dès lors transposer ce raisonnement aux cas des ressortissants des
États tiers ?
132 Cf Art. L. 411-1 du CESEDA
133 Préc.
Depuis la loi du 24 juillet 2006, les conditions de logement
sont appréciées par référence à ce qui est
normal « pour une famille comparable dans la même région
géographique ». Le législateur a en effet estimé que
les caractéristiques du logement n'étant pas homogènes,
les conditions d'habitat devraient s'apprécier en fonction du lieu de
résidence. Sur ce fondement, est considéré comme «
normal », un logement qui présente une superficie
minimale134 et qui satisfait aux conditions de salubrité et
d'équipement.
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