Section 2 : Le modèle conceptuel de la
recherche
I. Les concepts dans le contexte de recherche et leurs
définitions
Les concepts d'engagement et de qualité de service
perçue utilisés sont définis jusqu'à cette
étape dans différents domaines. En effet, les auteurs parlent
d'engagement à la marque, à la relation, aux lieux etc. De
même, il est fait état de la qualité des produits, de la
qualité des services du transport, des banques, des assurances etc.
Il revient à tout chercheur de définir ses
concepts dans son contexte. Cela peut passer soit par la reprise d'une
définition déjà donnée dans la littérature,
si celle-ci lui paraît pertinente dans le contexte d'étude ; soit
par la proposition d'une définition nouvelle.
Dans ce point il sera objet de parler des concepts dans notre
contexte d'étude, c'està-dire la qualité de service et
l'engagement au point de vente et leur définition.
1. La qualité de service perçue du point
de vente et sa définition
Dabholkar et al.113 ont proposé une
adaptation de SERVQUAL au commerce de détail. Selon eux, la
qualité est un concept multidimensionnel hiérarchisé
à trois niveaux : le premier relève de la perception de la
qualité de service dans sa globalité, le deuxième concerne
les dimensions primaires de la qualité, et le troisième a trait
aux subdimensions des dimensions primaires. Leur modèle distingue les
multiples facettes des dimensions de la qualité perçue.
L'évaluation de la qualité de service globale découle de
l'évaluation des dimensions primaires de la qualité qui se fera
sur l'évaluation de leurs subdimensions.
113 Dabholkar et al (1996)
66
Ainsi, la qualité de service perçue est
considérée comme un facteur d'ordre supérieur
défini par deux niveaux d'attributs qui contribuent
hiératiquement à la formation d'une qualité globale
perçue du lieu de vente.
Des auteurs comme Rolland (2003) constatent : « une
certaine similarité des modèles multidimensionnels de la
qualité perçue dans le secteur du commerce et des modèles
multi attributs dans la mesure de l'attitude à l'égard d'un point
de vente ». L'attitude étant définie par Fishbein et
Ajzen114 comme « une prédisposition à
répondre de façon constante115 favorablement ou
défavorablement à l'égard d'un objet donné ».
Elle est formée de trois composantes : cognitive, affective et conative.
Elle est déterminante dans le choix du point de vente pour
Bearden116. Selon lui le choix du point de vente est « un
ensemble d'attitudes envers le magasin ». Et ce choix a comme dimensions :
le niveau du prix, la qualité de la marchandise, la
variété, l'atmosphère, la localisation du magasin, les
facilités de stationnement, l'amabilité du personnel. Cette
dernière entre dans le cadre de l'interaction avec le personnel en
contact qui constitue un élément essentiel pour la
détermination de la qualité perçue dans le domaine des
services. L'importance de ce personnel en contact dans l'évaluation de
la qualité perçue par le consommateur se retrouve
également dans le modèle de Parasuraman et al. En effet,
trois117 de leurs cinq dimensions renvoient directement aux
personnels en contact. D'après Sauvé et
Filiatrault118: « c'est au personnel en contact que revient la
responsabilité d'établir un contact où le client
retrouvera courtoisie, sécurité, habileté à
communiquer avec le client, compréhension du client et capacités
de récupérer et de réagir ». Selon Baker et
al119, le vendeur contribue à influencer l'humeur du chaland
et l'atmosphère associé au point de
114 Fishbein et Ajzen114 (1975) cité par
Rolland S. (2003) op.cit
115 Répétitive, cohérente dans le temps
116 Bearden (1977) op cit.
117 Il s'agit de la serviabilité, de l'assurance et de
l'empathie
118 Sauvé et Filiatrault118 (1996)
119Baker et al (2002) cité par Cottet. F et
Vibert. F (2003), la perception du contrôle dans le comportement de
magasinage : une étude exploratoire 2003
67
vente. En fait, la densité perçue des vendeurs,
leur apparence, leur mode d'interaction supposé sont des indicateurs de
la qualité de service anticipée120. Cette interaction
est déterminante dans les boutiques de proximité, ainsi
d'après Teboul121, « leurs avantages principaux sont la
situation de l'emplacement, les horaires d'ouverture tardif, ainsi que la
qualité de la relation avec la clientèle ».
Cette interaction avec le vendeur est certes importante pour
la qualité de service perçue, mais certains clients ne sont pas
toujours intéressés par ça. Stone distingue ainsi quatre
groupes d'acheteurs grâce à leur orientation à
l'égard du point de vente. Il s'agit en effet, de l'acheteur
économique, celui-ci recherche avant tout le meilleur rapport
qualité/prix et veut consacrer le moins de temps possible à ses
achats ; de l'acheteur sensible aux contacts personnels, il attache beaucoup
d'importance à la reconnaissance que lui procurent les vendeurs ; le
défenseur du commerce local, il est très attaché aux
petites boutiques tenues par des commerçants locaux et se méfie
des chaînes de magasins ; et enfin le consommateur apathique, qui
considère les achats comme une corvée, une contrainte, et
voudrait leur consacrer le moins de temps possible.
Le rôle de ce temps dans le choix du point de vente a
été souligné, par Downs122, pour la
première fois. Selon lui la fréquentation d'un point de vente
dépend de la manière dont le consommateur emploie ses ressources
en temps, argent et efforts. Plus récemment les travaux
d'Antéblian123 soulignent également l'importance de la
contrainte du temps disponible à l'exécution de la tâche
d'achat dans le processus de sélection d'un magasin. Selon l'auteur, le
comportement du consommateur dépend de l'évaluation de l'ensemble
du processus c'est à dire du temps de déplacement, d'accès
au point de vente comme de retour. En effet, pour choisir sa destination
commerciale, le consommateur se base sur le
120 D'aprés la théorie de l'inférence, elle
stipule que les consommateurs élaborent une évaluation de
l'inconnu en se basant sur les informations facilement accessibles
121 Teboul. J (2001) Le temps des services - Editions
d'Organisation -
122 Downs (1961)
123 Antéblian (2002) op cit.
68
temps124 qu'il dépensera pour effectuer sa
tâche d'achat. Il ne prendra pas en considération seulement le
temps de déplacement dans son processus d'arbitrage entre les
destinations commerciales. Ni le temps qu'il estime passer dans le point de
vente et surtout le vécu de ce temps importe également.
En définitive, nous définissons la
qualité de service perçue du point de vente comme : le jugement
du consommateur concernant le degré d'excellence ou de
supériorité attribué à un point de vente,
(Zeithaml,1981). Après avoir déterminé ce dont nous
entendons par qualité de service perçue du point de vente, nous
nous attèlerons à la définition de l'engagement au point
de vente.
2. L'engagement au point de vente et sa
définition
Le marketing relationnel considéré par Morgan et
Hunt (1994) comme « toute activité marketing destinée
à établir, développer et maintenir des relations
d'échange à succès » est reconnu actuellement comme
le paradigme dominant du marketing. En effet, le développement d'une
relation durable avec les consommateurs apparaît comme une source de
croissance, de compétitivité et de rentabilité pour les
entreprises notamment celles de la distribution. Certains concepts sont
considérés comme des variables explicatives de cette relation
à long terme entre le consommateur et la marque ou le point de vente. Il
s'agit entre autres, de la confiance, de la satisfaction cumulée, de
l'engagement etc. Ce dernier d'après Morgan et Hunt125, est
devenu un concept incontournable de la théorie du marketing relationnel.
En effet, il est une condition nécessaire à l'apparition de la
véritable fidélité. Ainsi, l'engagement au point de vente
est à la fois une volonté de maintenir la relation à long
terme et une résistance au changement. Il se traduit donc par
124 Temps de déplacement aller/retour, temps de se garer
etc.
125 Morgan Hunt (1994) op cit.
69
une préférence envers le point de vente et
permet de modérer les tentatives de séduction des clients par les
points de vente concurrents. En effet, les consommateurs engagés sont
moins perméables aux messages publicitaires des concurrents.
Ce concept qui se trouve au coeur du marketing relationnel
n'admet pas encore de définition consensuelle. Ngoala126
estime que l'engagement désigne dans le vocabulaire courant l'action de
se lier par une promesse ou une convention : un individu engagé ne peut
aisément renoncer, reculer et changer d'orientation. Alors que pour
Morgan et Hunt127 l'engagement représente « la croyance
d'un partenaire d'échange qu'une relation continue avec un autre est
tellement importante qu'il s'agit de produire des efforts maximums pour la
maintenir » Anderson et Weitz128 le conçoit comme une
«intention durable de développer et maintenir une relation stable
à long terme. ». En outre, Gurviez129 estime qu'il est
«une intention implicite ou explicite de maintenir une relation durable
avec la marque ».
Après avoir exposées quelques définitions
proposées par les auteurs, nous considérons dans cette recherche
l'engagement du consommateur dans la relation avec le point de vente comme :
« la volonté du client de maintenir, au prix d'un effort
personnel, une relation qu'il juge importante et dont la valeur croit selon lui
en fonction de la durée », Frisou (2000). L'engagement
ainsi défini permet le maintien d'une relation importante à la
fois pour le point de vente et pour le client. Ils fourniront donc les efforts
nécessaires pour que la relation continue. On ne peut pas être
engagé dans une relation avec un point de vente sans l'avoir
fréquenté au préalable. En partie, cette définition
rejoint celle proposée par Fournier130 pour qui l'engagement
est une orientation à long
126 N'goala G. (2003) Mesurer la fidélité du
consommateur à la marque dans une perspective relationnelle, Actes du
3ème congrès sur les tendances du marketing, Venise,
127 Morgan et Hunt (1994) cité par N'goala (ref) op.
cit.
128 Anderson et Weitz128 (1992) cité par
Terrasse (2003) op. cit.
129 Gurviez129 (1998) cité par Terrasse (2003)
op. cit.
130 Fournier (1998) cité par Terrasse (2003) op. cit.
70
terme en faveur d'une relation incluant le désir de
continuer cette relation. Cependant, l'engagement est différent de
l'attitude comme l'estime Terrasse (2003) pour qui il est : « une attitude
envers une marque dans une catégorie de produit donnée, qui
indique la volonté du consommateur de maintenir une relation avec cette
marque ». En fait, l'attitude est considérée comme une
tendance psychologique découlant d'une évaluation favorable ou
défavorable. Alors que l'engagement permet de stabiliser un comportement
dans le temps en dépit des circonstances. Il ne peut pas être
réduit à une évaluation globale du point de vente car
dépend en partie du consommateur de ses croyances, de sa satisfaction et
de la qualité de service perçue.
Les deux concepts de notre recherche étant définis
nous allons dans le point qui suit présenter le modèle
théorique avec ses variables et hypothèses.
II. La formulation du modèle théorique
de recherche : variables et hypothèses
L'objectif ici est de présenter le modèle
théorique sur lequel repose notre recherche. Un modèle est
considéré comme une « représentation formelle
d'idées ou de connaissances relatives à un
phénomène. Ces idées s'expriment par un ensemble
d'hypothèses sur les éléments essentiels du
phénomène et des lois qui le régissent
»131. Ainsi une modélisation a pour objet de simplifier
une réalité ou un problème par l'intermédiaire
d'une représentation sous forme graphique (ou mathématique).
Autrement dit, c'est un schéma simplifié et symbolique
destiné à fournir un cadre de raisonnement rigoureux pour
expliquer une réalité.
131 Grawitz (2001) cité par Meier C.D (2007), Les TPE d'un
secteur en difficulté, stratégies et performance : la
restauration de l'arc lémanique Suisse
71
Un modèle de recherche est composé de variables
et d'hypothèses. Nous proposons d'abord l'étudier des variables
du modèle ensuite l'élaboration des hypothèses et leur
justification et enfin la présentation du modèle.
1. Les variables du modèle
Dans la conception du modèle les variables sont
choisies selon, leur pertinence par rapport aux petites boutiques de quartiers
dans la distribution des produits de petit déjeuner et la
possibilité de les mesurer grâce à un questionnaire.
Dans notre modèle conceptuel, l'engagement est
considéré comme une variable dépendante
c'est-à-dire à expliquer et la qualité de service
perçue comme variable indépendante ou explicative.
a. La variable dépendante : l'engagement au
point de vente
Une telle variable dépendante dépend dans ses
variations, d'autres phénomènes ou variable qu'on peut
étudier ou manipuler. Le choix de l'engagement comme variable
dépendante se justifie par le fait qu'il soit considéré
par certains auteurs tel que Day comme exprimant la vraie
fidélité, le comportement de fidélité incorpore une
attitude favorable envers le point de vente.
Sur le plan théorique le choix de l'engagement se
justifie par le fait qu'il soit un concept fondamental dans la
littérature du marketing relationnel. En effet, il permet aux
partenaires en relation de produire des efforts pour maintenir leur relation.
Morgan et Hunt le qualifient même de concept incontournable du paradigme
relationnel. Originaire de la psychologie sociale, l'engagement est
adapté en marketing des biens tangibles par Cunningham132 et
opérationnalisé en marketing des services par Morgan et
Hunt133. Dans le domaine de la distribution l'engagement a fait
l'objet de nombreuses recherches, avec
132 Cunningham (1956) op. cit
133 Morgan et Hunt(1994) op.cit.
72
des auteurs comme Terrasse, Aurier, Bénévent,
Ngoala etc. Ces trois derniers ont élaboré la chaîne
relationnelle de la fidélité qui est composée de
l'ensemble des variables du marketing relationnel.
b. La variable indépendante : la qualité
de service perçue
Elle influence la modification de la variable
étudiée. Le choix de la qualité de service perçue
se justifie à la fois sur le plan théorique et pratique.
Sur le plan théorique la qualité est
considérée comme un préalable pour l'établissement
de toute relation durable avec le consommateur. Ainsi, dans la chaîne
relationnelle les auteurs la considèrent comme l'une des
premières variables entrant en jeu. Cette notion de qualité est
étudiée dans différents services avec notamment le
modèle SERQUAL que ses auteurs ambitionnaient d'adapter à divers
services. Plus récemment Dabholkar et al134 ont
proposé une nouvelle conceptualisation de ce modèle adapté
à la distribution. Les travaux de ces auteurs sur la qualité de
service ont beaucoup inspiré la présente recherche.
Sur le plan managérial la forte concurrence entre les
boutiques de quartiers et le fort degré de standardisation des produits
vendus font de la bonne qualité de service perçue le moyen
privilégié à la disposition de la boutique pour se
différencier de la concurrence.
2. Elaboration et justification des hypothèses
de recherche
Dans une recherche hypothético-déductive, des
postulats ou principes généraux sont affirmés dans les
hypothèses. Une hypothèse peut être considéré
comme une réponse possible à la question de recherche puisqu'elle
est une affirmation ou une proposition non prouvée Garwitz135
Elle est en quelque sorte une base avancée de ce que l'on cherche
à
134 Dabholkar et al op cit
135 Garwitz (2001) op. cit
73
prouver, c'est-à-dire, la formulation proforma de
conclusions que l'on compte tirer et que l'on va s'efforcer de justifier et de
démontrer méthodiquement.
Trois hypothèses principales sont notées dans
cette recherche. Elles cherchent à lier la qualité de service
perçue et l'engagement. Nous allons exposer successivement l'ensemble de
ces hypothèses.
La dimensionnalité de la qualité perçue a
de tout temps intéressé les chercheurs. Pour la plupart d'entres
eux, elle est un concept multidimensionnel. Pour Parasuraman136 et
al il existe cinq dimensions de la qualité de service perçue :
les éléments tangibles, la fiabilité, l'empathie,
l'assurance et la serviabilité. Tandis que Grönroos voit dans la
qualité deux dimensions : la qualité technique et la
qualité fonctionnelle. Rust et Oliver137 s'appuyant sur les
travaux de Grönroos, présentent la qualité de service comme
un concept tridimensionnel, qui repose sur le service produit138 ,
le service délivré139 et l'environnement dans lequel
se déroule le service. Dabholkar et al140 quant à eux
conçoivent la qualité comme un concept multidimensionnel qui peut
être hiérarchisé. Ainsi, ils conceptualisent un
modèle de qualité à trois niveaux : le premier
relève de la perception de la qualité de service dans sa
globalité, le second concerne les dimensions primaires de la
qualité, et le troisième a trait aux subdimensions des dimensions
primaires.
Tous ces auteurs dans leurs différents contextes de
recherche conçoivent la qualité de service perçue comme un
concept multidimensionnel. Ainsi, il nous revient de voir la
dimensionnalité de la qualité de service perçue de la
boutique appliquée à l'achat des produits de petit
déjeuner. Ceci nous emmène à poser comme première
hypothèse :
H1 : la qualité de service
perçue est un concept multidimensionnel
136 Parasuraman et al (1988) op cit.
137 Rust et Oliver (1994) op cit.
138 Qui renvoie à la qualité technique de
Grönroos 139Qui renvoie à la qualité
fonctionnelle de Grönroos 140 Dabholkar et al (1996)
74
Dans la littérature la plupart des auteurs
conçoivent l'engagement comme un concept multidimensionnel. Pour
certains comme Allen et Mayer il est tridimensionnel avec l'engagement
calculé, l'engagement affectif et l'engagement normatif. Tandis que pour
d'autres tels que Amine Lacoeuille et Terrasse141 c'est un concept
bidimensionnel, il est à la fois calculé et affectif. La
dimension affective est pour certain comme relation et celle calculée
comme cognitive. Egalement, l'attachement est considéré comme de
l'engagement affectif.
Partant de ces travaux nous posons l'hypothèse suivante
:
H2 : l'engagement à la boutique de quartier est
multidimensionnel.
La qualité de service perçue est
considérée comme primordiale dans l'établissement d'une
relation à long terme avec le consommateur. D'après Gounaris et
Venetis142 les dimensions de la qualité de service
perçue sont pour la plupart des cas mentionnés comme
antécédents de la qualité de service perçue.
Certains auteurs ont établi la relation entre la qualité de
service perçue et l'engagement. Ceci nous mène à poser
notre deuxième hypothèse de recherche à savoir :
H2 : la qualité de service
perçue influence positivement l'engagement
A travers ces hypothèses et ces variables
évoquées plus haut, nous présentons notre modèle
théorique de recherche. Ce modèle est provisoire car il faut
qu'il soit confronté
141 Terrasse (2003) 141 op. cit
142 Gounaris et Venetis (2002) cité par Nefzi (2007) la
relation entre la perception de la qualité et la fidélité
: une application à la distribution des parfums et cosmétiques en
France
75
avec la réalité pour confirmer ou infirmer les
hypothèses afin de dégager le modèle définitif.
Figure2.1 : modèle théorique de la
recherche
76
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