Section 2 : L'engagement
L'approche transactionnelle qui a longtemps dominé la
littérature marketing, appréhende l'échange comme un
processus limité dans le temps où chaque transaction est
considérée comme unique procède d'un commencement, d'un
déroulement et d'une fin qui lui est propre. Elle est
caractérisée par une absence totale de considération du
client par le vendeur, aucune relation n'est nouée avec lui. Le
comportement du consommateur est réduit à un acte d'achat
ponctuel.
Avec une concurrence de plus en plus forte, des marchés
instables et une révolution dans les nouvelles technologies de
l'information et de la communication, le client devient plus rare et plus
exigent, ainsi le transactionnel cède la place au relationnel. Etablir,
développer et maintenir une relation de qualité avec le client
deviennent les maîtres mots du marketing relationnel. Cette approche se
fonde essentiellement sur les hypothèses suivantes :
H1 : l'échange relationnel est un processus temporel
continu.
H2 :l'échange relationnel secrète un ensemble de
liens sociaux qui ont pour effets de « tenir » les partenaires dans
la relation.
Ces hypothèses renvoient directement à la notion
de fidélité qui a fini par occuper le coeur de la recherche en
marketing. Aborder dans la littérature selon trois approches,
comportementale, attitudinale et composite ; la fidélité du
consommateur intègre deux réalités temporelles : celle de
la relation durable et celle de la transaction ponctuelle.
Elle est définie par Oliver 41 comme « un
engagement exprimé par le
consommateur d'acheter de nouveau un produit ou un service qu'il
préfère, de manière cohérente dans le futur en
dépit des influences situationnelles et des effets marketing qui
41 Oliver R.L. (1997) Satisfaction: a behavioral
perspective on the consumer, Mc Graw-Hill International Editions.
33
peuvent induire un changement de marque ». Quant à
Engel42 , Jacoby et kyner43 c'est un
phénomène essentiellement relationnel dans lequel l'individu
développe un degré d'engagement envers une ou plusieurs marques.
La fidélité est « l'expression de la relation durable
établie envers la marque, abordée généralement dans
la littérature à travers la notion d'engagement et se manifeste
concrètement lors des épisodes d'achat et de consommation
»44.
Toutes ces définitions renvoient directement à
l'engagement, un concept très proche de la fidélité que
certains auteurs confondent même. Amine45,
Terrasse46considère l'engagement comme un
antécédent immédiat de la fidélité tandis
que Garbino et Johnson47 l'appréhendent comme une dimension
psychologique de la fidélité. Day48 abonde dans le
même sens en le considérant comme une forme de
fidélité. Morgan et Hunt49 le définissent comme
« la croyance d'un partenaire d'échange qu'une relation continue
avec un autre est tellement importante qu'il s'agit de produire les effets
maximums pour la maintenir : autrement dit la partie engagée croit qu'il
vaut mieux s'investir pour assurer que la relation dure indéfiniment
». Si l'engagement en marketing est associé à la
résistance au changement de fournisseur, de point de vente ; il est
également étudié en psychologie sociale et en gestion des
ressources humaines. En psychologie sociale l'engagement désigne «
une récapitulation globale, interne et subjective de tous les facteurs
qui sont sous jacents aux décisions de rester/partir » Arigote et
Resbult50. Tendis qu'en gestion des ressources humaines il est
« l'intensité relative de
42 Engel J. F., Blackwell R. D., Miniard P. W. (1995) Consumer
behaviour, 8th edition, The Dryden Press
43 Jacoby J., Kyner D. (1973) op cit
44 N'Goala G. (2003) Proposition d'une
conceptualisation et d'une mesure relationnelle de la fidélité,
19ème Congrès de l'Association Française du Marketing,
Tunis
45 Amine A. (1994) op cit.
46 Terrasse C. (2003) Proposition et Validation d'une
Echelle de l'Engagement à la Marque, Actes du Congrès
International de l'AFM, Tunis,
47 Garbarino E., Johnson M. (1999) op ci.
48 Day C. (1994) op cit.
49 Morgan et Hunt (1994) op. cit
50 Arigote et Resbult (1992) op cit.
34
l'identification et de l'implication dans une organisation
particulière, l'engagement peut être caractérisé par
au moins trois facteurs : une forte croyance et acceptation des buts et des
valeurs de l'organisation, une volonté de poursuivre des efforts
considérables au profit de l'organisation et un fort désir de
demeurer membre de l'organisation »51.
I. L'engagement dans les autres
disciplines
L'engagement est un concept pluridisciplinaire. Avant
d'aborder les recherches faites en marketing sur ce construit nous allons voir
quelques travaux abordés en psychologie sociale et en organisation.
1. L'engagement en psychologie sociale
Défini par Myers et al52 comme
l'étude scientifique de la façon dont les gens se
perçoivent, s'influencent et entrent en relation les uns avec les
autres; la psychologie sociale a développé une riche
théorie de l'engagement qui a beaucoup influencé les recherches
sur ce concept en gestion des ressources humaines et en marketing.
a. La théorie de l'engagement
Kiesler53 est considéré comme le
père fondateur de la théorie psychologique de l'engagement, il le
définit comme « le lien qui unit l'individu à ses actes
51 Mowday et al (1979) The measurement of
organizational commitment, Journal of Vocational Behavior,
52 Myers et al (1922), Luc, Psychologie sociale,
Montréal
53Kiesler, C.A. (1971). The psychology of commitment.
Experiments linking behaviour to belief. New-York et London: Academic Press.
35
comportementaux ». D'après cette définition,
seuls les actes engagent les individus et l'engagement d'un individu
présente une intensité variable et contrôlable.
D'après Joule et Beauvois54 la
définition de Kiesler ne prend pas en considération le contexte
de réalisation de l'action et le rôle important dans le processus
de création d'engagement c'est pourquoi ils préfèrent le
définir comme « correspondant, dans une situation donnée,
aux conditions dans lesquelles la réalisation de l'acte ne peut
être imputable qu'à celui qui l'a réalisé. »
Kiesler conceptualise l'engagement de la manière suivante
:
Figure 1.4 : L'engagement selon
Kiesler
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Actes
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Conditions de réalisation de l'acte : coût,
répétition, caractère explicite etc.
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Résistance aux changements
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Source : Julienne (2006)55
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b. La théorie de joule et Beauvois
i. Les conditions de l'engagement
Joule et Beauvois56(1998) se sont demandés
« quelles sont les conditions situationnelles qui feront d'un acte
donné un acte engageant ? C'est-à-dire un acte qui
54Joule, R. V. et Beauvois, J. L. (1998). La
soumission librement consentie. Paris : Presses Universitaires de France.
55 Julienne.E (2006), proposition d'un modèle
conceptuel de l'engagement
56 Joule et Beauvois (1998) idem
36
pourra être opposé à celui qui l'a
réalisé par un quelconque attributaire »57. Ils
ont trouvé plusieurs facteurs regroupés dans deux
catégories permettant d'engager l'individu. Il s'agit de la
catégorie relevant de la taille de l'acte d'une part, et celle
liée à la raison de l'acte d'autre part.
Concernant la première catégorie Joule et
Beauvois58 déterminent :
> Le caractère public de l'acte : un
acte réalisé publiquement est plus engageant qu'un acte
anonyme.
> Le caractère explicite de l'acte :
un acte explicite est plus engageant qu'un acte ambigu.
> L'irrévocabilité de l'acte :
un acte irrévocable est plus engageant qu'un acte révocable.
> La répétition de l'acte : un
acte répété est plus engageant qu'un acte non
répété.
> Les conséquences de l'acte : un acte
est d'autant plus engageant lorsqu'il est lourd de conséquences.
> Le coût de l'acte : un acte est
d'autant plus engageant qu'il est coûteux59. S'agissant de la
deuxième catégorie, elle concerne les facteurs liés aux
raisons de l'acte on a :
> Le contexte de liberté dans
lequel l'acte est réalisé : un acte réalisé dans un
contexte de liberté est plus engageant qu'un acte réalisé
dans un contexte de contrainte.
> Les raisons externes : un acte est d'autant plus
engageant qu'il ne peut être imputé à des raisons externes
comme promesse de récompense, de menaces, de punition et qu'il peut
être imputé à des raisons internes comme les valeurs
personnelles, traits de personnalités etc.
57 Qu'il s'agisse de l'acteur lui-même ou d'un
observateur
58 Joule et Beauvois (1998) op. cit
59 En argent, en temps, en énergie etc.
37
ii. Les effets de l'engagement
Joule et Beauvois60 ont distingué les actes
problématiques des actes non problématiques. Ils
considèrent les actes problématiques comme ceux qui sont
contraires à nos idées, nos conceptions de valeur voire notre
motivation profonde et les actes non problématiques comme ceux
conforment à ces derniers.
D'après Joule et Beauvois61 les effets de
l'engagement sont perceptibles sur le plan cognitif et comportemental.
> Sur le plan cognitif :
v' S'il s'agit d'un acte non problématique l'engagement
débouche sur la consolidation des attitudes, sur une plus grande
résistance aux agressions idéologiques et aux changements (effet
de gel) voire une extermination de l'attitude initiale en cas d'agression.
v' S'il s'agit d'un acte problématique : l'engagement
peut déboucher sur un meilleur ajustement de l'attitude à l'acte
réalisé (effet de rationalisation) et donc d'un changement de
l'attitude.
> Sur le plan comportemental :
Les effets concernant aussi bien les actes
problématiques que ceux non problématiques sont la
réalisation du comportement (effet pied dans la porte) et sa
stabilisation.
60 Joule et Beauvois (1998) op. cit.
61 Joule et Beauvois (1998) idem.
38
2. L'engagement en organisation
L'engagement est un concept qui a suscité beaucoup
d'intérêts pour les chercheurs en organisation. Cependant il
n'existe pas encore de consensus pour sa définition même s'il y'a
une convergence. En effet, Mowday et al62 stipulent que l'engagement
est « l'intensité relative de l'identification et de l'implication
dans une organisation particulière, l'engagement peut être
caractérisé par trois facteurs : une forte croyance et
acceptation des buts et valeurs de l'organisation, une volonté de
poursuivre des efforts considérables au profit de l'organisation et au
profit d'un fort désir de demeurer membre de cette organisation »
Alors que Dubé et al63 définissent l'engagement
organisationnel comme la force qui réalise la reconstruction des
éléments positifs (c'est-à-dire l'enthousiasme ressentie
vis-à-vis de l'organisation comme l'identification ou
l'intériorisation des valeurs) et négatif (c'est-à-dire la
persévérance qu'exige la poursuite de la relation avec cette
organisation comme les obstacles rencontrés et sacrifices
nécessaires) associés à l'organisation. Meyer et
Allen64 quant à eux considèrent l'engagement comme
« un état psychologique qui a une influence sur la décision
de rester membre de l'organisation ». Ces auteurs perçoivent trois
formes65 d'engagement : affectif, normatif et de continuité.
L'engagement affectif se réfère à l'attachement,
l'identification et l'implication de l'employé dans l'organisation. Si
un employé est engagé affectivement, il garde son emploi parce
qu'il le veut. Quant à l'engagement normatif, il traduit le sentiment de
devoir ou de responsabilité qu'a l'employé envers l'organisation.
Un employé manifestant un fort engagement normatif conserve son emploi
parce qu'il croit avoir une obligation morale envers l'organisation. Tandis
que, l'engagement de continuité indique
62 Mowday et al (1979) op cit.
63Dubé et al (1997a). Development and
validation of a three-factor model of commitment: From dynamic process to
personal disposition. Manuscrit soumis pour publication, Université de
Montréal.
64 Allen N.J., Meyer, J.P. (1991) A three component
conceptualization of organizational commitment, Human Ressources Management
Review, Vol. 1, N° 1, p. 61-89
65 Ce point sera détaillé dans la partie
qui traite de l'engagement en marketing
39
dans quelle mesure l'employé a conscience des
coûts associés à son départ éventuel. Un
employé exprimant un fort engagement de continuité garde son
emploi parce qu'il en a besoin.
L'intérêt que suscite l'engagement
organisationnel serait justifié parce qu'il semble être un
très bon prédicateur de l'assiduité des individus et leur
loyauté envers l'organisation66. En plus il est
corrélé avec la stabilité du personnel, l'assiduité
des employés, leur performance au travail, la qualité du service
à la clientèle, et les comportements corporatifs67. Il
est également un bon indicateur de la valeur du personnel68.
Cela du fait que l'individu a besoin, pour son hygiène mentale, de
trouver un sens à ses actions et à ses relations, à sa
vie. L'individu a besoin de s'engager pour une cause qui corresponde à
ses valeurs pour maintenir sa «forme psychologique»69.
Cette recherche de sens implique souvent chez l'être humain un besoin de
transcendance, un besoin de se dépasser, non pas dans le sens de
l'actualisation de soi, mais dans le sens d'engagement pour une cause qui
l'oblige à se détacher de ses intérêts personnels
pour concentrer ses efforts sur un mode authentique d'existence avec ses
semblables.
I. L'engagement en marketing
1. La nature de l'engagement
L'engagement est devenu aujourd'hui une variable
incontournable de la théorie du marketing relationnel70. La
littérature conceptualise deux formes d'engagement des acteurs
économiques : l'approche attitudinale et l'approche
comportementale71.
66 Blau et Boal (1989). Using Job Involvement and
Organizational Commitment Interactively to Predict Turnover, Journal of
Management
67 C'est à dire les comportements
professionnels qui vont au-delà des attentes et des prescriptions de
rôles attribués
68 Meyer et Allen (1997) Commitment in the workplace:
Theory, research, and application sage publications
69 Yalom. I. D. (1980). Existential psychotherapy. New
York : Basic Books.
70 Morgan et Hunt (1994) op. cit
40
a. Engagement comportemental
La dimension comportementale de l'engagement représente
les efforts que l'individu réalise effectivement pour maintenir la
relation. Par leurs comportements, les acteurs démontrent mutuellement
leur volonté de contribuer et de rester dans la relation, ceci au moyen
d'efforts, d'investissements et de « gages ».
« Il n'y a pas lieu de considérer ce que le client
pense, ni la manière dont fonctionne son système central. Son
comportement est l'entière expression de sa fidélité
» disait Trucker72. Ainsi, selon cette approche comportementale
qualifiée également de behavioriste l'important est le
comportement directement observable c'est-à-dire la constatation d'une
fréquentation d'un point de vente ou de l'achat d'une marque pendant une
période déterminée. Frisou73 le désigne
par l'engagement implicite qui est « la connaissance que le client a de
ses comportements d'achats envers le partenaire ou la marque » par
distinction à l'engagement explicite définit comme « la
volonté du client de maintenir, au prix d'un effort personnel, une
relation qu'il juge importante et dont la valeur croit selon lui en fonction de
la durée ». Selon Frisou l'engagement implicite influence
l'engagement explicite.
Les conséquences de l'engagement comportemental sont :
le rachat de la marque ou la fréquentation du point de vente afin de
poursuivre la relation et la résistance au changement. Cette approche
est vivement critiquée dans la littérature marketing notamment
par Day74 pour qui le simple fait de fréquenter le point de
vente ou d'acheter
71 Bown .S.P. (1996), A meta-analysis and review of
organizational research on job involvement, Psychological Bulletin,
72 Tucker W.T. (1964) The development of brand
loyalty, Journal of Marketing Research,
73 Frisou J. (2000) Confiance interpersonnelle et
engagement : une réorientation béhavioriste, Recherche et
Applications en Marketing,
74 Day (1994) op cit.
41
une marque ne justifie pas l'engagement ou la
fidélité. Point de vu partagé par Raj75 pour
qui la répétition d'achat peut être due à autre
chose. Selon Day76 le vrai engagement est
attitudinal77.
b. L'engagement attitudinal
L'attitude d'engagement est du domaine des intentions et des
préférences des individus, elle correspond à l'intention
de poursuivre la relation en cours, de développer une
préférence pour les partenaires, elle est orientée sur le
long terme. Pour certains chercheurs l'engagement vient de l'émotion,
des sentiments d'affection et d'attachement envers les partenaires de la
coopération, pour d'autres, l'engagement est cognitif et calculateur,
c'est à dire qu'il est lié aux récompenses et aux
coûts de continuation de la coopération.
Admettant plus d'adeptes dans la littérature,
l'engagement attitudinal ne se limite pas à constater un comportement
d'achat répétitif ou une fréquentation continue d'un point
de vente mais s'efforce de mettre en lumière le processus
d'évaluation psychologique qui conduit à ce comportement.
Morgan et Hunt (1994)78le considèrent comme
la volonté d'un consommateur de poursuivre une relation avec un
partenaire. Selon Allen et Mayer79 l'engagement est « un
état psychologique ou une attitude relativement stable, forte et intense
en faveur d'une relation ». C'est une « intension durable de
développer et de maintenir une relation à long terme »,
d'après Anderson et Weitz 80. Egalement Gurvez81
estime que l'engagement est une « intensité implicite ou explicite
de maintenir une relation durable avec la marque ».
75 Raj S.P. (1985) Striking a balance between brand
popularity and brand loyalty. Journal of Marketing
76 Day (1994) op cit.
77 Terrasse C. (2003) op cit.
78 Morgan et Hunt(1994) op cit.
79 Allen et Mayer (1993), op cit.
80 Anderson E., Weitz B. (1992) The use of pledges to
build and sustain commitment in distribution channels, Journal of Marketing
Research,
81 Gurviez P. (1998) La confiance du consommateur dans
la marque, conceptualisation, mesure et management, 14ème Congrès
de l'Association Française du Marketing
42
Ces auteurs ont particulièrement insisté sur la
relation à long terme, d'autres cependant relient l'engagement à
l'attachement. C'est le cas de Kapferer et Laurent82 ainsi que
Aaker83 pour qui l'engagement se rapporte au degré
d'attachement qu'un consommateur éprouve pour une marque ou un point de
vente. De même que Beattis84 selon qui, l'engagement est un
attachement émotionnel ou psychologique à l'intérieur
d'une catégorie de produits donnée. Egalement Geyer et
al85 considèrent l'engagement comme « une tendance
à continuer d'utiliser une marque et à s'attacher à
celle-ci ». Amine quant à lui propose que l'engagement soit la
« volonté d'un individu de maintenir sa relation avec un objet sur
la base d'attachement affectif et de son identification à celuici.
Défini en termes de relation à long terme ou
d'attachement, les auteurs semblent s'être mis d'accord sur le fait que
l'engagement attitudinal permet de reconnaître la « vraie
fidélité ». C'est ainsi que Day86 stipulait que
« il y a bien autre chose dans la fidélité que le simple
achat systématique, les attitudes par exemple ». Selon lui le
comportement de rachat systématique non accompagné d'une attitude
favorable exprime une fausse fidélité.
Il apparaît clairement que l'engagement s'inscrit
davantage dans l'approche attitudinal. Cependant depuis quelques temps on
assiste à l'émergence d'une nouvelle approche qualifiée de
composite. Cette dernière que nous allons adopter consiste à
allier à la fois une attitude favorable en plus d'un comportement
d'achat répété ou d'une fréquentation
régulière du point de vente sans pour autant prétendre
à l'exclusivité. Car
82 Kapferer J.N., Laurent G. (1992) La
sensibilité aux marques : un nouveau concept pour gérer les
marques, Fondation Jours de France pour la Recherche en Publicité, 1983,
2ème édition 1992, Editions d'Organisation, Paris
83 Aaker D.A. (1991) Managing brand equity,
capitalizing on the value of brand name. The Free Press
84 Beatty S.E., Kahle L.R., Homer P. (1988) The
involvement-commitment model: Theory and implications. Journal of Business
Research,
85 Geyer P.et al. (1991) Predicting brand commitment,
Mid-atlantic journal of business.
86 Day (1969) op cit.
43
pour certains auteurs notamment Frisou87 le client
peut développer une attitude favorable envers une marque ou un point de
vente sans pour autant avoir un comportement d'achat ou de fréquentation
régulière.
Après avoir fait état de la nature de l'engagement,
nous allons maintenant étudier ses dimensions de l'engagement.
2. Les dimensions de l'engagement
Depuis les travaux de Meyer et Allen88 un consensus
semble se dégageait quant à la nature tridimensionnelle de
l'engagement à savoir : l'engagement affectif, calculé et
normatif.
a. L'engagement affectif
L'engagement affectif est la volonté d'entretenir une
relation dans le temps avec un partenaire (le personnel à son
entreprise, le consommateur à sa marque ou son point de vente, le
militant à son parti) basée sur le plaisir issu des liens
émotionnels. Selon Mowday et al89 l'engagement affectif
exprime le lien d'attachement psychologique, d'identification, d'affiliation,
d'appartenance et de congruence entre l'acteur et son partenaire. Il exerce
ainsi une grande influence sur le comportement de l'individu à travers
une forte loyauté à l'entreprise ou une forte
fidélité à la marque ou au point de vente
indépendamment des intérêts poursuivis.
La littératurre marketing a accordé une
attention particulière à la dimension affective de l'engagement
car considérée comme plus « puissante » et effective
pour
87 Frisou J. (2000) Confiance interpersonnelle et
engagement : une réorientation béhavioriste, Recherche et
Applications en Marketing,
88 Meyer et Allen (1987) op cit.
89 Mowday et al (1979) op cit.
44
développer des relations durables que l'attrait du gain
économique ou le manque d'autres alternatives.
b. L'engagement
calculé
Lorsque c'est le calcul économique qui
précède l'engagement, on se trouve en présence d'un
engagement calculateur ou cognitif qui peut avoir deux formes : soit
l'engagement se développe parce que la coopération permet de
réaliser un bénéfice, il peut être aussi
qualifié d'instrumental ; soit l'engagement se développe lorsque
les acteurs se trouvent obliger de maintenir la relation en raison des
coûts élevés et des risques liés à un
changement de partenaire d'échange ou l'absence d'opportunités
satisfaisantes.
L'engagement calculé, également
désigné par l'engagement de continuité en gestion des
ressources humaines et en marketing des services conçoit donc la
relation comme une nécessité guidée par
l'intérêt. Ainsi, selon Mayer et Allen90, la partie
engagée est guidée d'une part, par sa perception du nombre et de
la qualité des alternatives de choix, et ses anticipations des
coûts afférents à un éventuel changement de
partenaire d'autre part. Déjà Thibaut et kaley91,
Emerson92 parlaient de « dépendance perçue »
tandis que Becker le considérait comme une « fidélité
par défaut ». D'après Stevers et al93
l'engagement calculé se traduirait par des dispositions à adopter
un comportement fondé sur une décision économique
rationnelle. Le lien issu d'un tel engagement est plutôt transactionnel
que relationnel, l'intérêt et le profit immédiat sont les
seuls moteurs.
Les acteurs peuvent se trouver « bloquer » dans la
relation si des investissements irrécupérables ont
été faits, ces investissements pouvant être aussi bien
constitués de temps, d'énergie, d'émotion, que de savoir
et de ressources financières. Les acteurs
90 Mayer et Allen (1990) op cit.
91 Thibaut, J. W. and Kelley, H. H. (1959) The social
Psychology of Groups, New York
92 Emerson (1962) Power-dependence relations, American
Sociological Review
93 Stevens J. et al. (1978), Assessing Personal, Role
and Organizational Predictors of Managerial Commitment, Academy of Management
Journal
45
peuvent aussi se trouver dans des situations de surenchère
ou « escalade » : les acteurs font alors des investissements
supplémentaires sur des projets visiblement voués à
l'échec
c. L'engagement normatif
L'engagement basé sur l'obligation, ou engagement
normatif, est un autre aspect de l'engagement cognitif qui met en jeu des
motivations internes sens du devoir et le sentiment d'accomplissement et des
motivations externes que sont les pressions sociales, les normes culturelles,
les conventions et les lois.
Cette forme d'engagement est nettement moins
développée en marketing. Il procède d'une obligation
morale de maintenir durablement une relation donnée Wiener94.
Il provient de promesses formalisées comme par exemple les contacts
écrits ou des liens informels comme les contrats psychologiques.
L'engagement normatif est déterminé par les partenaires et leur
environnement social notamment la famille, le type d'éducation
reçu etc. D'après Gundlad et al95 les normes
relationnelles créent les normes de protection et d'inertie permettant
de renforcer l'engagement. Ce type d'engagement est particulièrement
difficile à identifier et à mesurer surtout s'il s'agit des
contrats psychologiques des partenaires. Cette difficulté fait qu'il est
plus développé en gestion des ressources humaines qu'en marketing
où il renvoie à la fréquentation continue d'un point de
vente ou le rachat d'une marque dicté par des normes supposées ou
réelles.
3. Les antécédents de l'engagement dans
la littérature
Les auteurs ont déterminé des
antécédents de l'engagement, parmi lesquels on a l'attachement et
la confiance. Ces concepts associés à l'engagement permettent
de
94 Wiener, Y. (1982). Commitment in organizations : A
normative view. Academy of Management Review,
95 Gundlach G.T., Achrol R., Mentzer J.T. (1995) The
structure of commitment in exchange, Journal of Marketing
46
développer et de maintenir une relation dans le long
terme. Pour appréhender davantage ces deux construits nous allons
exposer d'abord une revue de la littérature synthétique de
l'attachement avant la confiance.
a. L'attachement
Les premiers travaux sur l'attachement ont été
développés, en psychologie dans un contexte interpersonnel et
plus précisément dans le cadre de la relation mère enfant.
Les enfants recherchent une proximité physique avec des figures
d'attachement et se servent de cette proximité pour se préserver
d'une menace extérieure. Les liens d'attachement ainsi établis
continuent d'être importants tout au long du cycle de vie de l'individu.
Ils constituent un indicateur de la proximité atteinte dans une relation
de partenariat.
L'attachement est un concept récent en marketing, il
est souvent utilisé pour rendre compte d'un certain type de relation
entre l'homme et l'objet. Cette relation à l'objet qui s'est
inspiré des travaux sur le matérialisme et la fonction expressive
des pratiques de consommation a deux principaux aspects :
> Un caractère temporel par la capacité de
l'objet à refléter une histoire de vie et donc à renvoyer
à des connexions nostalgiques ;
> Un caractère identitaire s'expliquant par le
rôle de la possession dans le maintien et l'expression du concept de soi
de l'individu.
L'attachement est associé en marketing par la plupart
des auteurs à la marque. Ainsi, Heilbrun96 s'est
consacré au processus psychologique de la relation de proximité
entre le consommateur et la marque, il estime que l'attachement est « le
lien émotionnel et affectif tissé par un consommateur à
l'égard d'une marque donnée ». Il considère
96 Heilbrunn B. (2001) Les facteurs d'attachements du
consommateur à la marque, Thèse de doctorat en sciences de
gestion, Université Paris IX Dauphine
47
l'attachement existentiel comme étant l'expression de
ce lien affectif et émotionnel à la différence de
l'attachement fonctionnel. Lacoeuille97 quant à lui aborde la
proximité psychologique entre le consommateur et la marque, selon lui
l'attachement est « une variable psychologique qui traduit une relation
affective durable et inaltérable98 envers la marque et qui
exprime une relation de proximité psychologique avec celle-ci ».
Alors que Cristau99 intègre l'amitié et la
dépendance dans la définition de l'attachement, selon elle
l'attachement est : « une relation psychologique, émotionnelle,
forte et durable à une marque qui résulte d'une concomitance de
sentiments d'amitié et de dépendance vis-à-vis de la
marque ».
Pour certains auteurs l'attachement est différent de la
fidélité et de l'engagement. Tendis que pour d'autres il est
confonde à la dimension affective de l'engagement. Cet attachement se
traduit par un véritable engagement affectif, il va au delà d'un
quelconque calcul d'intérêt. L'attachement se situe en amont et
alimente l'engagement, ainsi il apparaît comme un
antécédent important de l'engagement, s'il est distinctement
identifié.
b. La Confiance
En marketing, les recherches sur la confiance se sont
inspirées des travaux des chercheurs comme Bonoma et al100 ou
encore Dwyer, Schurr et Oh101. Ces derniers ont
développé le modèle de processus de développement
de la relation basé sur les théories de l'échange et les
phénomènes interpersonnels. Beaucoup de recherches en marketing
considèrent que la confiance est indispensable pour
l'établissement d'une relation à long
97 Lacoeuilhe J. (2000) Proposition d'une
échelle d'attachement à la marque, Revue Française de
Marketing
98 La séparation est douloureuse
99 Cristau C. (2003), Définition, mesure et
modélisation de l'attachement à une marque comme la conjonction
de deux dimensions distinctes et concomitantes : la dépendance et
l'amitié vis-à-vis de la marque, 3rd International Congress
Marketing Trends, Venise.
100 Bonoma T. V., Zaltman G. et Johnston W.J. (1977), Industrial
Buying Behavior, Marketing Science Institute Monograph.
101 Dwyer F. R., Schurr P. H. et Oh S. (1987), « Developing
buyer-seller relationships », Journal of Marketing,
48
terme. Ainsi Morgan et Hunt102 estiment que la
confiance permet de préserver les relations à long terme, de
résister aux alternatives concurrentes et de réduire
l'incertitude liée aux termes de l'échange. Berry103
quant à lui indique que « la confiance est le fondement de la
fidélité ». Selon, Gurviez et Korchia104 «
la confiance dans une marque, du point de vue du consommateur, est une variable
psychologique qui reflète un ensemble de présomptions quant
à la crédibilité (répondre aux attentes techniques
du consommateurs), l'intégrité (honnêteté du
discours de la marque quant au respect des promesses concernant les termes de
l'échange) et la bienveillance (prise en compte des
intérêts du consommateur ce qui permettrait à ce dernier
d'envisager une relation à long terme moins incertaine) ». Cette
définition fait ressortir les trois dimensions de la confiance, qui sont
actuellement les plus acceptées sur la dimensionnalité du
concept. Il s'agit de la présomption de crédibilité, la
présomption d'intégrité et la présomption de
Bienveillance. Cependant, des conceptions unidimensionnelle et bidimensionnelle
de la confiance existent dans la littérature. Fournier105 et
Morgan et Hunt106 ont appréhendé la confiance comme
unidimensionnelle, en effet ils estiment que même si les dimensions
d'honnêteté et de motivation bienveillante sont distinctes
conceptuellement, d'un point de vue opérationnel, elles restent
solidairement liées. En revanche, Sirieix et Dubois107
estiment que la conception bidimensionnelle s'avère être la plus
rencontrée dans les recherche en marketing. En effet, dans cette
conception, une distinction est faite entre la crédibilité
objective du partenaire (attribution de compétence et
d'honnêteté) et l'attribution de bienveillance (les bonnes
intentions du partenaire, sa détermination perçue à faire
attention aux besoins de l'autre).
102 Morgan et Hunt (1994) op cit.
103 Berry (1993) op cit.
104 Gurviez P., Korchia M. (2002) Proposition d'une
échelle de mesure multidimensionnelle de la confiance dans la marque,
Recherche et Applications en Marketing,
105Fournier (1994) Mouvements et engagements depuis
les années trente,Presses de l'Université Laval/ L'Harmattan,
1994,Paris.
106 Morgan et Hunt (1994) op. cit
107 Sirieix L., Dubois P-L. (1999) Vers un modèle
qualité-satisfaction intégrant la confiance ? Recherche et
Applications en Marketing
49
La confiance est considérée par beaucoup
d'auteurs comme un construit étroitement lié à
l'engagement. En fait la confiance et l'engagement sont
appréhendés comme des variables clés dans
l'établissement d'une relation efficiente à long
terme108. En effet, la confiance se situe en amont de la
chaîne relationnelle, elle précède et détermine
l'engagement dans le modèle de Morgan et Hunt109 .
En somme, l'approche théorique de la qualité de
service perçue et de l'engagement nous a permis de mieux cerner ces deux
notions dans leurs différentes conceptualisations. Ainsi, des
définitions et des modèles de mesure ont été
synthétisés à travers la littérature tant pour la
qualité de service perçue que pour l'engagement. Dès lors,
il convient de faire une étude de la distribution au
Sénégal avant d'élaborer le modèle conceptuel.
108 Morgan et Hunt (1994) op. cit
109 Morgan et Hunt (1994) idem.
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Chapitre 2 : Contexte de recherche et cadre
conceptuel
La distribution a pour rôle de rapprocher et d'ajuster
l'offre à la demande, dans les conditions ou chacun des partenaires
trouve son compte. Elle permet aux consommateurs de se procurer aisément
les biens dont ils ont besoin, tout en évitant de se déplacer sur
de longue distance. Elle était considérée comme une
activité parasitaire effectuée par des intermédiaires qui
prélèvent des marges abusives. Cette vision a changé au
cours du temps, la distribution est reconnue maintenant productive, c'est
à créatrice de valeur.
La distribution est importante en termes d'emplois
crées mais aussi d'elle dépend le bon fonctionnement d'une
économie de marché. En effet, elle est une des principales causes
des pénuries, des gaspillages, des pertes de temps pour les
consommateurs.
Pour une meilleure compréhension du contexte de notre
recherche, nous allons dans une première section présenter la
structure de la distribution des produits de grande consommation au
Sénégal. Dans une seconde section, nous proposerons un cadre
conceptuel de la qualité de service perçue et de l'engagement.
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