L'expert et l'avocat dans le proces pénal( Télécharger le fichier original )par Philippe THOMAS Université Paris V - Criminalistique 2008 |
1.1.C. 2 La demande d'expertise par l'avocat.Nous savons que les parties disposent depuis 2007 d'une capacité d'initiative accrue en matière d'expertise et le Conseil National des Barreaux avait précédé ces réformes en se rapprochant de la Fédération Nationale des Compagnies d'Experts Judiciaires. Le 18 novembre 2005 une charte de recommandations entre le CNB et la FNCEJ a été signée sur les bons usages entre experts et avocats.20(*) On doit L'initiative de cette démarche au Conseil nationale des barreaux qui esquissait un rapprochement entre l'avocat et l'expert pour temporiser le défaut du contradictoire qui dénaturait le principe de l'égalité des armes. Sans doute la loi du 5 mars 2007 a modifié une situation tendue qui explique une certaine frustration de l'avocat dans le rapport qu'il peut entretenir avec l'expert. Cela n'emporte pas véritablement une suspicion systématique que l'avocat manifesterait à l'égard des experts, en fait ce que l'avocat redoute le plus est le déficit d'information qui met en péril les moyens de sa défense. Car les moyens d'une partie doivent disposer d'une parfaite liberté et de la maîtrise totale de l'accès des sources d'informations sous peine de formuler à l'issue d'une expertise le reproche de partialité Les parties peuvent aujourd'hui demander au juge d'instruction d'ordonner une expertise sur un aspect du dossier en précisant le choix de leurs questions. Le nouvel article 161-1 du code de procédure pénale installe la discussion des parties qui disposent de dix jours après la notification de la décision du juge d'instruction qui ordonne l'expertise pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert. L'article prévoit que si les parties l'estiment nécessaire et si les circonstances le justifient, ils peuvent demander d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix qui doit figurer sur la liste nationale dressée par la Cour de Cassation ou sur les listes dressées par les Cours d'appel. Le juge d'instruction ne peut refuser cette demande que par une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande Les limites du débat contradictoire dépendent de la bonne ou de la mauvaise interprétation d'une expertise, la multiplication des techniques scientifiques peuvent nous conduire à envisager un nouveau métier de personnes capables de comprendre et traduire le même langage que l'expert judiciaire en jouant un rôle d'interface entre les parties en présence. C'est devant cette évolution que selon toute vraisemblance, les avocats spécialisés supplanteront les avocats généralistes. Mais dans sa culture, l'avocat français admet difficilement son incompétence dans un domaine en particulier, cela concerne plus les avocats généralistes et ce mode de pensée est appuyé par les centres de formation des avocats qui demandent une connaissance générale du droit processuel, cette position explique que la défense d'une partie peut être mal représentée si elle se situe en dehors du débat technique à l'instruction et à l'audience Le risque du hors-jeu est donc permanent quand des difficultés de compréhension apparaissent, ce qui engage la responsabilité professionnelle de l'avocat. Il est utile de rappeler à ce propos que l'avocat qui a prêté serment de probité a moins d'excuses pour le transgresser qu'un simple justiciable. L'avocat qui cause un préjudice à son client peut être envisagé sous différentes hypothèses, il n'a pas été diligent, il a été négligent, inconséquent, absent ou franchement malhonnête et une procédure qui aurait pu être gagnée se retrouve perdue. La loi de 2007 qui crée les pôles spécialisés d'instruction oblige les magistrats et les représentants des parties à se préparer pour mieux appréhender les dossiers qui nécessitent une connaissance particulière. Le décret n° 2009-313 du 20 mars 2009 remplace l'article D15-4-4 du CCP par un nouvel article énumérant les Tribunaux de grande instance dotés de pôles d'instruction et le ressort de compétence territoriale de ceux-ci21(*) Les pôles spécialisés d'instruction suivent l'exemple réussi des Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) qui traitent efficacement des dossiers de délinquance organisée au niveau interrégional et qui sont chargées des plus gros dossiers de délinquance et de criminalité organisées. La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et le décret 2004-1463 du 23 décembre 2004 modifié le 19 juillet 2007 réforment le statut des experts judiciaires tel qu'il était prévu par la loi du 29 juin 1971, il est désormais indispensable pour un expert judiciaire agréé auprès d'une Cour d'appel de suivre une formation continue. La loi permet non seulement d'évaluer les connaissances de l'expert dans sa spécialité mais contrôle également sa connaissance dans « les principes du procès et des règles de procédure applicables aux mesures d'instruction » Les dispositions des lois de 2007 ci-dessus rappelées permettent de meilleures garanties sur la compétence de l'expert et du magistrat instructeur. Il est dommage que le conseil national des barreaux (CNB) ne prenne pas véritablement en considération l'importante évolution de la situation. Le CNB estimait en 2008 que « La complexité croissante du droit, de la procédure et des contentieux, impose une technicité accrue des avocats. En outre, la réponse aux besoins de notre clientèle, qui réclame toujours plus de compétences, rend nécessaire l'accession du plus grand nombre à une ou plusieurs spécialités. » Mais dans la réalité l'avocat reste seul pour se remettre en question et redéfinir son rôle dans la représentation d'une partie. Nous prendrons par exemple, l'avocat spécialiste en finances, dans la réglementation bancaire avec à l'appui de sa formation juridique une seconde formation d'économiste. Peut-il apprécier avec justesse les conclusions d'une analyse chimique ou de la configuration architecturale d'un logiciel ou bien de la différence qui existe entre l'ADN nucléaire et l'ADN mitochondrial ? C'est pourquoi l'avocat s'attachera à comprendre les tenants et aboutissants d'une expertise et veiller à une description intelligible du rapport qui éclaire les zones favorables aux intérêts du client. * 20 Recommandations sur les bons usages entre avocats et experts du 18.11.2005 * 21 Le 22 mars 2009, le ministère de la Justice a fait publier au Journal officiel un nouveau décret fixant la liste des 91 pôles d'instruction suite à l'annulation partielle en décembre 2008 du Conseil d'Etat du précédent décret du 16 janvier 2008. Source : Décret n° 2009-313, 20 mars 2009 : JO 22 mars 2009, p. 5188 - F V. http://pratiquepenale.free.fr |
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