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L'expert et l'avocat dans le proces pénal

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par Philippe THOMAS
Université Paris V - Criminalistique 2008
  

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2.A.1.a Déposition des experts à l'audience

L'arrivée de l'expert est un moment important lors des sessions d'assises, ce n'est pas pour le juré une personne ordinaire, il y a une certaine déférence qui semble le mettre à égalité avec les magistrats professionnels, il représente la connaissance et donc dans l'esprit des jurés une vérité considérée avec attention.

Le Président chargé de l'organisation des débats présente l'expert qui prête serment prévu à l'article 168 du code de procédure pénale « d'apporter son concours à la justice en son honneur et conscience », ce n'est pas le même que celui des témoins, c'est celui d'un professionnel qui apporte le savoir de sa discipline avec son expérience, sa réputation et ses titres.

Un arrêt de la chambre criminelle en date du 25 septembre 200229(*) distingue le témoin et l'expert et expose que l'article 310 du CPP n'étant applicable qu'aux seuls témoins, il résulte que  « les experts ne sont jamais entendus à titre de simples renseignements »

L'expert n'est pas à l'audience par hasard, il va déposer en confirmant son rapport, il infirmera un fait ou critiquera une autre expertise sans pour autant contredire la sienne.

L'attitude de l'expert est ici dominatrice, celui-ci a la conviction de ce qu'il a écrit et éludera tout ce qui peut poser un problème, ou bien il tentera de semer « l'adversaire » en s'appuyant sur le versant purement scientifique de l'expertise et même en utilisant un langage très scientifique.

Chaque partie possède l'opportunité d'intervenir pour appuyer ou critiquer le rapport d'expertise aux moyens de questions qui pourront contenir des observations et qui soulèvent des points importants. Si des observations ont déjà été déposées, chacune des parties doit en tenir compte avec le rapport qui détaille les faits et parfois détermine la relation de cause à effet entre l'infraction et un auteur supposé.

L'avocat doit bien connaître le rapport d'expertise avant de reprendre les points qui posent un problème à son client, il peut s'agir de contradictions entre le rapport et les conclusions, d'un procédé expertal décrié, d'erreur de calcul, ou d'interprétations qui sont personnelles.

Il s'agit aussi de préparer la plaidoirie finale et d'essayer de redimensionner un rapport en adaptant un vocabulaire plus accessible dans un sens plus favorable à la partie que l'avocat représente.

2.A.1.b Interrogatoire et contre interrogatoire des experts

L'interrogatoire et le contre interrogatoire ne doivent pas être confondus avec le « direct examination » ou (examination in chief) le « Cross examination » et le « redirect examination » qui sont des pratiques d'audiences anglo-saxonnes différentes du contre interrogatoire français.

Ce droit connaît des limites soumises à la police du Président du tribunal ou de la Cour, son principe est d'apporter au juge un autre regard sur la pertinence d'une preuve et de sa valeur dans l'influence qu'elle peut avoir pour les suites d'un procès.

Il s'agit pour l'avocat de déterminer la crédibilité d'une expertise qui apparaît comme un élément de preuve, ainsi lorsque cette dernière acquière une valeur préjudiciable à son client, l'avocat doit viser la légitimité de l'expertise et exposer les risques de la dénaturation.

Le contre interrogatoire doit être considéré comme une garantie fondamentale du procès équitable, avant la loi du 15 juin 2000, le Président et le procureur de la République interrogeait directement lors de l'audience pénale les témoins ou experts, les questions des avocats des parties devaient être posées au Président du tribunal ou de la Cour qui les reposait à la personne présente à la barre.


Ce formalisme plaçait les parties en position d'infériorité et a été supprimé depuis le 1er janvier 2001, désormais, l'avocat peut poser directement des questions comme le prévoient les dispositions de l'article 442-1 du code de procédure pénale : «...le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre... »

La possibilité d'interroger directement les experts constitue un élément du procès équitable auquel le prévenu ou l'accusé a droit dans le principe de la présomption d'innocence. Il donne au prévenu ou l'accusé un moyen qui lui permet de présenter une défense adéquate lorsque l'enjeu central du procès repose sur la crédibilité d'une expertise.

C'est le Président du tribunal ou de la Cour qui pose les questions en premier à l'expert, en général le magistrat se livre à un exposé du rapport d'expertise qui conclut à une évidence qu'il demandera ensuite à l'expert de commenter.

Il n'existe aucun formalisme sur la déposition de l'expert et sur l'avis de ses conclusions, le détail de l'expertise livrée à l'audience ne doit porter que sur la mission et non sur l'innocence ou la culpabilité du mis en cause.

Si les dépositions des témoins à l'audience sont en contradiction avec les conclusions de l'expert, le Président demande alors aux experts, au ministère public, à la défense et s'il y a lieu à la partie civile, de présenter leurs observations.

Les tribunaux ou les Cours peuvent alors décider, soit de passer outre le témoignage qui viendrait contredire une expertise, soit de décider le renvoi du jugement à une date ultérieure ainsi toute mesure complémentaire d'expertise pourra être demandée.

Lorsque l'accusation repose sur l'expertise, l'affaire est renvoyée pour un complément d'expertise, cependant le budget du ministère de la Justice et l'encombrement des tribunaux ne favorisent pas ce genre de décision.

Sans renvoi, l'avocat doit se débrouiller avec ce qu'il a, c'est à dire un rapport d'expertise contredit par les témoignages, l'habilité du plaideur doit seconder habilement la parfaite connaissance du rapport d'expertise.

Au procès d'Outreau les invraisemblances relevées lors de la déposition des enfants contredisaient tous les rapports d'expertise sur la crédibilité de ces derniers.

Le 5 mars 2004 le Figaro reprenait l'intervention des avocats contre le collège des experts psychologues.

« ...Mme Gryson manie, à toute vitesse, une langue étrange, qui n'est ni celle de la Tour du Renard ni, à coup sûr, celle des jurés. «Morphologie sémantique traumatique», «soulagement libératoire»... Aïe : elle parle psy.

Me Dupond Moretti qui, lui, sait parler à des jurés et va immédiatement les déculpabiliser de n'avoir pas saisi un traître mot :

«Votre rapport a un mérite essentiel, il me remet à ma juste place. Je n'ai rien compris. Une question simple : Kévin dit-il la vérité ?

L'expert : Ce n'est pas ma mission de répondre, mon expertise est phénoménologique.

L'avocat : Qu'est-ce que ça veut dire ?

L'expert : C'est une méthode enseignée à Lille-III et qui sera codifiée dans un ouvrage à paraître en septembre.

L'avocat : Vous écrivez, page 12 de votre rapport (il s'approche de la barre, le témoin semble rétrécir : c'est bien votre signature ?) : «Rien ne permet de penser que Kévin impute des faits à des personnes non concernées.» Donc, il dit la vérité ?»

Mme Gryson noie le poisson.

Le président, étonnamment ferme : «Expliquez-vous, Madame».

L'expert : « Je vais essayer de rester sereine... Je ne suis qu'une petite psychologue de terrain. Cela fait dix ans que je suis agressée comme cela... Ce métier n'apporte aucun confort moral ou financier...»

Le président : « On vous a posé une question précise ».

L'expert : « Je n'ai pas de réponse précise.»

L'avocat : « Pourquoi ne répondez-vous pas, puisque vous l'avez écrit ?»

L'expert : « C'est une dualité d'experts.»

A bout d'arguments, Mme Gryson en appelle aux livres à succès comme ceux de David Servan-Schreiber qui n'a pourtant cautionné, que l'on sache, aucune détention provisoire devant la chambre de l'instruction de Douai30(*)

Le cas évoqué n'a rien d'exceptionnel mais témoigne du comportement de certains experts en mal de publicité, Florence AUBENAS journaliste à libération concluait 18 novembre 2005 « Et comme s'il fallait une ultime farce, VIAUX a déclaré, en sortant de l'audience : « Tant que la justice paiera les experts comme des femmes de ménage, elle aura des expertises de femmes de ménage.»

Loin du partage de l'éthique et du sens du devoir, ces propos désobligeants envers les techniciennes de surface n'ont semblent-ils pas ému la Cour d'appel de Rouen qui, siégeant en formation disciplinaire le 29 mai 2006, a estimé que le professeur Jean-Luc VIAUX, expert dans l'affaire d'Outreau n'avait commis aucune faute susceptible d'entraîner sa radiation, dont acte !

* 29 Crim. 25 sept. 2002 : pourvoi n° 01-87.647

* 30 Stéphane Durand Souffland - Le Figaro - 05 juin 2004

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault