A - LA HIÉRARCHISATION QUALITATIVE
122 - La déficience principale de la théorie de
l'équivalence des conditions est qu'elle permet de retenir les causes
antécédentes les plus éloignées même si elles
ne sont pas présentes lors de l'accident. Il est donc inconcevable de
faire supporter la réparation sur une
(93) P. Raynaud, note sous arrêts : Paris, 19 janvier
1972 et 30 mars 1973, D.1974.116 ; Ch. Larroumet, note sous cass. civ. I, 7
juin 1977, D. 1978.289 ; Pierre Raynaud, op. cit., in Mélanges
J. Vincent, p. 317 et s. ; Lambert-Faivre Yvonne, De la poursuite à
la contribution; quelques arcanes de la causalité, D. 1992, Chron.
LXIII.
(94) Von Buri, cité par Chabas, thèse
précitée, page 84.
(95) Marteau, La notion de causalité dans la
responsabilité civile, thèse Aix-marseille 1914, page 130 et
131 ; Guex, page 105.
(96) Marteau, ibid.
cause qui n'existe pas sur la scène de l'accident. Il
faut une hiérarchisation qualitative des causes du dommage. L'essentiel
de la théorie de l'équivalence des conditions est consacré
sur le lien entre le dommage et les causes du dommage et ne s'intéresse
pas sur la qualité des causes du dommage.
123 - Une théorie fut formulée par l'allemand
Von Kries(97) qui a essayé de remplir la brèche de la
théorie de l'équivalence des conditions par la procédure
d'hiérarchisation des causes du dommage : c'est la théorie de la
causalité adéquate.
Selon cette théorie une condition cause du dommage, est
une condition sine quibus non. Toutes les conditions sont mises sur un
plan d'égalité, pas d'avantage d'une cause sur les autres. Une
cause est retenue comme condition du dommage, est une cause qui, objectivement,
par son apparition unique, génère le dommage. Les conditions
fortuites sont éliminées, seules les conditions adéquates
sont prises en considération(98). Mais pour faire cette
discrimination il faut que le juge puisse connaisse le savoir nomologique et le
savoir ontologique.
Le savoir nomologique, qui est la connaissance de la loi de la
nature, permet de déterminer que telle cause est la condition qui
produit tel résultat. En effet, c'est la détermination
mathématique : telle cause produit tel effet.
Le savoir ontologique consiste à savoir les conditions
connues par l'agent ou l'auteur du dommage. Mais le critère de la
connaissance diffère d'un auteur à un autre. Il y a,
premièrement, le critère temporal. Von Kries présente un
critère subjectif qui consiste à isoler l'agent au moment de son
action, et de retenir toutes les conditions dont il avait connaissance ou qu'il
aurait pu connaître. Cependant, le système proposé par
Rümelin distingue entre les conditions antérieures à la
faute et les conditions postérieures. Les actes antérieurs
doivent être toujours pris en considération même si au
moment de l'acte l'agent ne les connaissait pas. Tandis que les conditions
postérieures, si elles sont prévisibles, doivent être
prises en considération. Deuxièmement, il y a le critère
de Thon qui estime que l'homme avisé est un critère de
connaissance des conditions du dommage.
Ce que les partisans de la théorie de causalité
adéquate essayent de résoudre ne suffit pas à trouver la
solution requise. La hiérarchisation qualitative n'était pas
conforme à la pratique, une mesure quantitative était
nécessaire pour déterminer l'étendue de chaque cause dans
la réalisation du dommage. La déficience subsiste la même,
la théorie de causalité adéquate hiérarchise
qualitativement et le problème constitue une hiérarchisation
(97) Chabas, thèse précitée, page 86 et s.
; G. Marty, La relation de cause à effet comme condition de la
responsabilité civile, RTDC 1939, p. 702 ; P. Conte, Rep.
Dalloz, Yo Responsabilité du fait personnel,
no 128, page 21.
(98) G. Marty, précité
quantitative. Il faut trouver une méthode de mesure exacte
de l'étendue de chaque cause dans le dommage.
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