B - LA HIÉRARCHISATION QUANTITATIVE
124 - La réflexion, rendue par les auteurs à
propos des théories de la causalité, paraît que ces
théories ne servent pas comme fondement à déterminer la
part de chaque coauteur. Le problème, de la pluralité d'auteurs
d'un même dommage est dans la mesure de l'étendue de chaque fait
pour que le juge puisse assigner à chaque coauteur la part de la
réparation incombant sur lui. Pour cette raison le mécanisme de
la causalité partielle fut proposé, mais cette proposition s'est
avérée insuffisante pour quelques auteurs, c'est pour cela ils
ont avancé une analyse dénotant l'impraticabilité de ce
mécanisme.
1o - Exposé de la doctrine
125 - Le premier auteur, qui a marqué ce point,
était Birkmeyer. Il présenta une théorie qui
diffère de la causalité adéquate ou la causa
proxima par l'hiérarchisation quantitative des causes du dommage.
Sa théorie diffère de la causalité adéquate par la
permission de déterminer la quote-part de chaque fait dans le dommage.
Parmi les conditions du dommage chacune a causé une partie, un quantum.
L'auteur outrepasse le domaine juridique qui considère le lien de
causalité comme condition de responsabilité au domaine
matériel ou fonctionnel. La cause du dommage est la condition la plus
efficace quantitativement. Cette détermination de la part de chaque
cause est laissée par Birkmeyer au « gros bon sens »
du juge. Pour la pluralité d'auteurs Birkmeyer n'exclut pas que dans
quelques cas plusieurs causes génèrent la même
conséquence, mais chacune des causes a une quote-part
déterminée.
126 - En France vers la moitié du XXe
siècle l'obligation in solidum fut soumise à des
observations diverses qui conduisirent à sa critique et à son
déclin. La causalité totale adoptée par la jurisprudence
n'a pas persuadé les tenants de la causalité partielle. Cette
impossibilité de déterminer la part incombant à chaque
coauteur a abouti à une responsabilité totale, aucun instrument
de mesure ne permet d'évaluer le rôle causal de chaque fait.
À cette objection, les tenants de l'équation causalité
partielle donc responsabilité partielle ripostent que le partage de
responsabilité est possible. Le coauteur solvens a un recours
contre les autres coobligés et le juge partage cette
responsabilité. Pourquoi donc invoquer cette impossibilité de
répartition(99).
(99) Aydolat, conclusions, Ch. Réuni 25
novembre 1964, D. 1964.733 ; Radouant note sous cass. 13 mars 1957, D. 1958.73
; Meurisse, Le déclin de l'obligation in solidum, D.1962, Ch.
page 243 ; J.Boré, Les arrêts de la chambre mixte du 20
décembre 1968, JCP 1969.I.2221, nos 20 à
27.
127 - Deureux(100) fut le premier auteur en France
qui adopta l'équation de causalité partielle donc
responsabilité partielle. Il dit que, sous l'égide de
l'équité, celui qui contribue à causer un dommage doit
réparer proportionnellement à la part qu'il a causée par
sa faute. Il écrit que « L'équité veut, à
notre avis, que celui qui, par un quasi-délit, a seulement
contribué à causer un dommage doive seulement contribuer à
le réparer, et non qu'il soit tenu de réparer pour le tout le
dommage que sa faute n'a causé que pour partie ; et il doit être
tenu dans le mesure de la gravité de sa faute par rapport aux autres
fautes qui ont concouru au dommage ». Tandis que
Radouant(101) considéra que c'est une erreur de retenir l'une
des causes du dommage et l'imputer une responsabilité totale, parce que
chaque cause a ses propres effets.
128 - D'autres auteurs pensent que le problème de
répartition du préjudice doit être réglé
selon le degré causal qui est un problème de fait, et que le juge
de fait doit(102) « rechercher quelles sont les causes du
dommage, d'en attribuer la responsabilité à chacune des choses
qui ont participé « ». Et si le juge se trouve en face
d'une impossibilité de répartition, il peut revenir à des
experts pour la régler(103).
129 - D'autre(104) essaye de qualifier les causes
antécédentes du dommage. Il ne suffit pas qu'il y ait une
relation entre chaque cause et le dommage, il faut prendre en
considération seulement les causes génératrices ou les
causes créatrices(105).
Un système très proche présenté
par Daclcq(106) propose de retenir la cause la plus efficiente
« comme critère de la causalité, il dit que,
rien n'empêcherait de considérer que chacune des causes n'a
été génératrice que d'une partie du dommage et de
déterminer l'étendue de l'obligation de réparer le
préjudice imposée à chacun des responsables en
(100)Deureux, De la réparation due par
l'auteur d'une seule des fautes dont le concours a causé un
préjudice, RTDC 1944, page 156.
(101) Radouant notes D. 1961, p 681, D. 1958, p. 73 «
Lorsqu'un dommage peut être rattaché à deux causes dont
l'une écarte la responsabilité du défendeur et dont
l'autre l'engage, ce serait une erreur de n'en retenir qu'une seule et de
régler uniquement d'après elle le problème de la
responsabilité. Chacune doit avoir ses effets propres ».
(102) Peytel, La responsabilité partagée et
la présomption de l'art. 1384, G.P. 1942.1, doctrine, P. 7.
(103) Carel, De la responsabilité civile au cas de
pluralité d'auteurs fautifs, G.P. 1959.I.Doct., page 51 «
Certes, lorsque les dommages ont été successivement
causé par plusieurs auteurs fautif sur la même partie du d'une
victime, il est parfois difficile de discerner quelle part du dommage incombe
à l'un et à l'autre des différents auteurs. Mais cette
difficulté ne doit pas faire perdre de vue le principes du Code civil,
notamment, que chacun n'est responsable que du dommage qu'il a causé. Ce
sera une question de fait et, le plus souvent, des experts qualifiés
sauront apporter aux juges les éléments leur permettant de faire
une discrimination ».
(104) Peytel, La responsabilité partagée et
la présomption de l'art. 1384, Art. précité, p. 7.
(105) Mazeaud et Tunc, Traité de la
responsabilité civile, 5 éd., tome II, nos 1425
et 1426 « tous les événements qui jouent un rôle
dans la réalisation d'un préjudice n'y jouent pas un rôle
décisif, un rôle véritablement créateur»,
et encore no 1442 « les différentes fautes
n'ont pas le meme pouvoir causale ... La nécessité apparaît
d'affirmer qu'il ne suffit pas qu'un événement ait joue un
rôle dans la réalisation d'un dommage pour qu'il soit retenu, au
point de vue de la responsabilité civile, comme cause du dommage, de
rejeter tous ceux qui n'ont pas un rôle vraiment
prépondérant, qui, par suite, n'ont pas vraiment produit le
dommage, qui n'en sont pas la cause génératrice ».
(106) Cité par Chabas, thèse
précitée, page 105.
fonction du caractère plus ou moins adéquat ou
plus ou moins efficient du lien de causalité entre la faute qu'il a
commise et le préjudice subi par la victime >>.
Enfin, un éminent auteur a essayé de distinguer
entre l'imputabilité et la causalité, en la nommant «
causalité matérielle >>(107). Les
causes du dommage sont les causes présentes en même temps et dans
le même lieu de l'accident. Et, l'imputabilité n'est que d'allouer
une part de la réparation à chaque auteur afin de réparer
le dommage.
2o _ Critiques de la doctrine
130 - La théorie de Birkmeyer a subi diverses critiques
à différents niveaux en tant que fondement de la
détermination quantitative de chaque cause. Birkmeyer part de
l'hypothèse que plusieurs dommages distincts ou des dommages divisibles
existent. Alors que l'obligation in solidum impose un dommage unique.
Si on peut déterminer le fait qui a causé le dommage, ou la
quote-part de chaque fait dans le dommage, la condamnation in solidum
est exclue. Donc la théorie de Birkmeyer ne s'applique pas au cas
où le dommage est unique, elle est applicable en présence de
plusieurs dommages juxtaposés et distincts(108).
131 - En outre, Birkmeyer ne donne aucune méthode pour
mesurer le rôle causal de chaque condition(109). Sa
théorie n'est qu'un postulat, il y a parmi les causes du dommage celles
qui ont un rôle causal plus que d'autres, mais le mécanisme de
calcul de l'étendue de chaque fait dans le dommage est absent. En somme,
il ne donne aucune réponse concernant la hiérarchisation
quantitative, mais critique seulement l'hiérarchisation qualitative.
Quant aux autres propositions présentées, aucune
d'elles n'est pratique. La causalité ne peut être rendue au
domaine matériel(110). Tout ce que cherche la
causalité c'est le lien entre le dommage et le fait, et n'a aucune
liaison avec la répartition de la dette entre les
coauteurs(111). C'était la causalité dans la doctrine.
Quelle était donc la position dans la jurisprudence.
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