§ 2 : ANCIEN DROIT FRANCAIS
8 - L'idée de l'obligation au total, qui était
en droit romain, subsistait encore dans l'ancien droit(6). C'est
à partir de XIIIe siècle, dans la coutume de Bretagne,
qu'on trouve des textes traitant l'obligation au tout. Chacun des coauteurs
d'un injure ou d'une extorsion, dite et faite, était tenu à
réparer le dommage pour le tout(7). Il en est de même
dans les coutumes de Beauvaisis au XIVe siècle. L'obligation
au tout était admise sur le fondement de la communauté du
dommage(8) : <<Bien se gart, qui fet à autrui
damage en blés semés, ou en mars, ou en bois, ou en prés,
que cil qui est pris damage fesans est tenus à rendre tout le damage,
qui est prouvés par l'apparence du lieu, tout soit ce que cil qui est
pris n'a pas fet tout le damage, ainçois le firent autre gent qui n'y
furent pas trouvé ».
9 - Au XIVe siècle quelques arrêts du
parlement de Paris montrent que le principe de l'obligation in solidum
était établi par quelques décisions. Dans une sentence du
23 décembre 1342(9), le parlement de Paris condamnait les
coauteurs de coups et de blessures pour le tout. De même le terme in
solidum fut employé dans quelques arrêts, le 23
décembre 1384 (10)le parlement de Paris << condamne
les complices in solidum « ». La solution fut encore
affirmée l'année précédente(11) en
condamnant << in solidum et por toto » des coauteurs, qui
ont dévasté et brûlé une maison, pour la
réparation civile.
(6) Planiol et Ripert par Esmein, Traité pratique de
droit civil, tome VII, page 431.
(7) Planiol et Ripert, ibid.
(8) J. Français, De la distinction entre l'obligation
solidaire et l'obligation in solidum, thèse, Paris, 1936, page
28.
(9) Cité par Chabas, L'influence de la
pluralité des causes sur le droit à réparation, LGDJ
1976, p. 17.
(10) Parlement de Paris: Reg. du parlement (X2 All f. 179 v
à 183 r).
(11)10 mars 1384 Archives nationales: Reg. du Parlement (X2 All
f. 200.201 r), cité par Chabas, thèse précitée,
page 16.
10 - Au XVIe siècle Cujas
étudiât les obligations solidaires d'une manière
précise par opposition aux auteurs médiévaux qui l'avaient
précédé. Pour Cujas(12) << Du fait
que des personnes soient tenues pour le tout en vertu d'une même cause,
il ne s'ensuit pas qu'elles soient duo rei (solidaire) ; tel est le cas des
deux dépositaires, chacun d'eux est bien tenu in solidum,
cependant la faute de l'un ne nuit pas aux autres, contrairement à ce
qui a lieu lorsque les débiteurs sont tenus solidairement. Il en est de
même lorsque deux personnes ont promis successivement la même
prestation à une tierce personne, ou encore dans le cas du
débiteur principal et du fidéjusseur ». Donc, Cujas
admettait l'obligation in solidum entre les coauteurs sur le fondement
de la communauté d'action, ou bien lorsqu'ils doivent la même
prestation.
11 - Du côté de Domat et Pothier, ils ne
distinguaient pas entre la solidarité et l'obligation in
solidum. D'après le raisonnement de Domat il n'y a qu'une seule
solidité (solidarité) qui trouve sa source par <<
1'effet d'une convention » ou << par la nature
même de la dette ». Il range, sous la nature même de la
dette, les personnes qui commettent << quelque crime, quelque
délit, ou causé du dommage par quelque faute qui leur soit
commune ». Selon Domat le fondement d'une condamnation solidaire,
lorsqu'il y a pluralité d'auteurs, est la complicité dans les
crimes et délits ou chacun est la cause du dommage, causalité
totale.
12 - Quant à Pothier(13) << ceux
qui ont concouru à un délit : ils sont tous obligés
solidairement à la réparation », la solidarité
est nécessaire quand plusieurs débiteurs doivent la même
chose, quelque soit la source de la solidarité.
De ce bref examen de l'histoire on tire que l'obligation
in solidum, était une institution bien connue en droit romain,
et relativement dans l'ancien droit. Mais elle n'était pas
formulée sous une théorie générale, mais
limitée à quelques cas. On arrive maintenant au droit positif.
Quelle était sa position, est-ce qu'il l'a réglée, est-ce
qu'il y a un article qui la dispose ? On découvrira cela avec l'analyse
du droit positif.
|