CHAPITRE I : LA NATURE JURIDIQUE
80 - Étant donné que l'obligation in
solidum n'a pas une base légale, mais c'est une institution qui a
été consacrée par la jurisprudence. Quelle est sa nature
juridique ? Est-ce qu'elle est une espèce dégradée de la
solidarité ou elle est de même nature ? Est-elle une institution
de nature différente ? Et quelles étaient les incidences de son
admission ? Pour déterminer sa nature juridique, commençons par
exposer son évolution (Section I), et les critiques qu'il a
suscités (Section II).
SECTION I : L'ÉVOLUTION DE L'OBLIGATION IN
SOLIDUM
L'absence d'un fondement textuel de l'obligation in
solidum donne à la doctrine et à la jurisprudence une
malléabilité de fixer les traits de cette institution. Aucun
article du code civil ne la dispose, tout ce qui est mis en ceuvre n'est qu'une
tradition romaine. On examine successivement la jurisprudence, en essayant de
préciser l'évolution de l'idée de l'obligation in
solidum, et puis son autonomie comme une institution
indépendante.
§ 1 : LA CONSÉCRATION JURISPRUDENTIELLE
81 - L'obligation in solidum ou la
responsabilité collective, était une institution connue en droit
romain et relativement dans quelques coutumes des provinces. Le code civil ne
l'a pas réglé c'est la jurisprudence qui traçait ses
lignes essentielles(1). Au début, elle était une
question d'obligation in solidum en matière de délits et
quasi-délits civils, puis elle est devenue une théorie
générale qui touche plusieurs matières.
Au milieu du XIXe siècle des tentations
doctrinales essayèrent de présenter l'obligation in
solidum en s'inspirant de la tradition romaine. Le premier auteur
était Rodière(2) qui dit qu'au cas de pluralité
d'auteurs d'un même délit ou quasi-délit, il s'agit d'une
obligation in solidum. Cette thèse va être appuyée
par Demolombe(3) qui a écrit que l'obligation in
solidum << a lieu par la force même des choses »
par << sa nature propre et constitutive ! C'est sa manière
d'agir ! ...», et différemment de Rodière il admet
l'obligation in solidum lorsque plusieurs personne causent la
même dommage et non pas lorsqu'ils commettent le même délit.
Mais la jurisprudence réfute les idées de ces deux auteurs. Il
fallait attendre le XXe siècle, surtout au début
jusqu'à les années soixante, pour que
(1) Alain Prothais, D. 1987, Chr. LXII, p. 237.
(2) De la solidarité et de
l'indivisibilité, thèse, page 123 et s., n° 196 et s.
(3) Demolombe, tome XXVI, no 291 et s.
l'obligation in solidum reçoive le soutien de
plusieurs auteurs, en essayant de la généraliser sous une
théorie générale d'obligation in
solidum(4).
Partant de l'expression in solidum qui a
été utilisée pour la première fois par la cour de
cassation en 1939, les arrêts antérieurs à cette datte,
émanant de la cour de cassation, utilisaient la solidarité ou
pour le tout pour désigner l'obligation des coauteurs d'un même
dommage. La solidarité est hors de portée, ce qui nous concerne
c'est l'obligation au tout. Est-ce que la cour de cassation en admettant le
principe de l'obligation au tout, lui conférait les caractères de
solidarité ou celui de l'obligation in solidum ? C'est le
ntieud du problème, car c'est à l'époque où la cour
de cassation condamnait pour le tout que la théorie classique de
l'obligation in solidum a pris essor. Pour en décider il faut
chercher le fondement de cette condamnation et le rapprocher avec celui de la
solidarité et de l'obligation in solidum, et la ressemblance
avec l'un d'eux montre si le principe de l'obligation au tout est solidaire ou
in solidum.
|