A - LA COMMUNAUTÉ D'ACTION
69 - L'exigence de la communauté d'action pour
condamner solidairement n'est pas compatible avec la jurisprudence
française qui précède la mise en ceuvre du code des
obligations et contrats. Le dépouillement des répertoires
jurisprudentiels permet de signaler que la cour de cassation française
admettait la solidarité hors de toute communauté d'actions.
À plusieurs reprises, elle prononçait la solidarité contre
les coauteurs des faits distincts. « Il s'agit en effet de faits
différents, successifs parfois, accomplis sans accord préalable,
par des personnes ne se connaissant même pas et reliées entre
elles seulement par cette circonstance qu'elles ont fortuitement concouru
à un même résultat dommageable
»(112).
70 - La cour de Lyon(113) condamnait solidairement
à la réparation du dommage le notaire et le conservateur des
hypothèques, le premier était coupable par une erreur de
désignation du numéro d'inscription, et le deuxième de ne
pas avoir reconnu l'erreur en lisant l'acte. Aussi, la cour de
Paris(114) avait déclaré qu'ils sont solidairement
responsables de la ruine d'une société, tous les administrateurs,
même ceux qui n'étaient pas en fonction et encore ceux qui sont
décédés.
71 - Il en est de même pour la cour
d'Aix(115) qui prononçait la solidarité contre
plusieurs usines qui par le fait de l'accumulation des vapeurs
dégagées de leurs conduits de fumée causaient du dommage
au voisinage, et qui aussi la prononçait contre les exploitants de
maisons(116). De même la cour de cassation prononçait
la solidarité contre un capitaine qui n'a pas amarré son navire
et l'entrepreneur qui a commencé le chargement sans avoir
vérifié l'amarrage(117)
72 - À plusieurs reprises et dans toute la
période qui a précédé le Code des obligations et
contrats la cour de cassation française admettait la solidarité
contre les coauteurs des faits distincts(118).
(112) Lafay, thèse précitée, page 73.
(113) Lyon, 13 avril 1832, cité par Lafay, op.
cit., page74.
(114) Paris, 18 juillet 1895, D. 1896.2.78.
(115) Sous requêtes, 11 juillet 1826, D. 1826.1.424.
(116)Aix., 14 août 1861, D., 1862.2.156 ; - 11
janvier 1873, D., 1874.2.68 ; - 19 septembre 1878, D., 1879.2.219.
(117) Cass., 15 janvier 1878, D., 1878.1.152.
(118) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D.
1826.1.424 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836,
D. 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai
1892, D. 1892.1.348 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 11
juillet 1826, D. 1826.1.424 ; Caen, 23 mai 1873, D. 1875.2.41 ; Angers, 10 mars
1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass.
Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D.
1892.1.335 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D.
1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre
1897, D. 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109 ; Cass. Civ.,
31 janvier 1899, D. 1899.1.301.
73 - il résulte que la communauté d'action
exigée par l'al. 1er de l'article 137 n'englobe pas tous les
cas de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle
générés par des faits distincts. Ainsi, l'expression
communauté d'action marque un caractère
pénal(119), puisque elle est inspirée de la
jurisprudence française qui, à une époque
déterminée, admettait la communauté d'action, mais en
posant cette condamnation sur l'article 55 du Code pénal
français. Quoi qu'il en soit la responsabilité civile est
différente de la responsabilité pénale.
Il reste encore à prouver que l'alinéa 2 de
l'article 137 ne concerne pas la solidarité et qu'elle s'attache
à l'obligation in solidum.
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