4o _ quatrième étape
48 - L'élément objectif qui à la fin du
XIXe siècle devenait l'inspirateur de la jurisprudence, en
matière de responsabilité, fut encore appliqué pour la
solidarité en matière quasidélictuelle. Dans cette
étape de l'évolution la cour de cassation(83)
condamnait solidairement sur le fondement de la communauté de
résultats.
49 - Pour J. Français(84) la
solidarité fondée sur la communauté de résultats
s'est prononcée pour la première fois par la cour d'Aix en
considérant que l'indivisibilité dont le dommage s'était
effectué rendait l'obligation de réparer solidaire. Mais la cour
suprême le 11 juillet 1826 a rejeté cet étai sur
l'indivisibilité en premier temps, puis l'a ultérieurement
accepté. Ce stade commença en 1892(85) par
l'énoncé de l'impossibilité de déterminer la part
de chaque coauteur. Pour Lafay(86) comme pour J. Français
cette objectivité s'exprimait en fondant la solidarité sur
l'indivisibilité. Mais cette indivisibilité se traduisait par
l'indivisibilité du fait dommageable ou par l'impossibilité de
déterminer la part de chaque coauteur ou les deux formules ensembles.
50 - Ce que J. Français considérait que la cour
de cassation le 11 juillet 1826(87) rejetait l'indivisibilité
n'est pas convaincant, par ce que la cour de cassation, clairement, et pour la
première fois, créait la technique de l'impossibilité de
déterminer la part de chacun en « Considérant, qu'il y a
eu nécessite pour la cour royale de prononcer une condamnation solidaire
par l'impossibilité oil elle a déclaré se trouver, en
fait, de déterminer la proportion
« ».
Quelle que soit l'opinion de cet auteur, le fait dommageable
indivisible, ou l'impossibilité de déterminer la part de chacun
dans le fait dommageable ou dans le dommage se range sous la communauté
de résultat ou sous l'indivisibilité du
résultat(88) qui est le fondement de la solidarité en
dernière étape.
(83) J. Vincent, op. cit., cite l'arrêt Civ., 11
juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S., 1892.1.508.
(84) J. Français, thèse précitée,
page 96 et s.
(85) Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S.,
1892.1.508.
(86) Lafay, thèse précitée, page 88, 89.
(87) Cass. Civ., 11 juillet 1826, S., 1826.1.138.
(88) Chabas, thèse précitée, page 57 et s.;
Marty et Raynaud, Les obligations, tome II, page 113, 114 no128.
51 - Notons que la cour de cassation exprimait cette
communauté de résultat en exigeant un fait ou une faute
indivisible(89), ou l'impossibilité de déterminer la
part de chaque coauteur dans le dommage ou dans le fait dommageable, et enfin
l'indivisibilité de l'obligation(90).
52 - Cette solution, qui fonde la solidarité sur
l'idée de l'indivisibilité, impose la réparation
intégrale d'après les articles 1382 et 1383 C.
Civ.(91), l'auteur fautif est tenu à réparer
intégralement le dommage(92), s'il a agit seul ou
collectivement (93).
53 - La théorie de l'indivisibilité,
utilisée comme fondement de la solidarité, a été
fortement critiquée, vu qu'elle employait l'indivisibilité hors
de son domaine. Même si les deux institutions, l'indivisibilité et
la solidarité, reposent sur l'impossibilité de division de
l'obligation. Dans la solidarité elle provient de la volonté des
partis ou du législateur, tandis que dans l'indivisibilité elle
est naturelle et provient de la nature de l'objet (art. 1218 C.
civ.)(94).
Il en est ainsi, que l'appel à la théorie de
l'indivisibilité du fait dommageable ou l'indivisibilité du
dommage rend l'obligation de réparer indivisible. Donc, on assimile
l'indivisibilité du fait ou du dommage avec l'indivisibilité de
l'obligation. Une obligation est indivisible si son objet est indivisible et
non pas sa cause. Cette idée est une «doctrine tout à
fait en dehors du code de prétendre que l'indivisibilité de la
cause se transporte à l'objet et rend l'obligation tout entière
indivisible »(95). En plus, cette idée
d'indivisibilité ne se rattache pas à la solidarité car la
réparation intégrale découle de l'article 1382 qui
concerne l'obligation in solidum(96).
(89) Aix 14 mai 1825, précité ; Aix 1 mars
1826, D., 1827.1.228 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ;
Cass. Civ., 8 nov. 1836, D., 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D.,
1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348 ; Cass. Civ., 15 juillet
1895, D., 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ; Cass. Civ., 12
février 1879, D., 1879.1.281 ; Req. 23 mars 1927, D., 1928.1.73 ; Req.
19 juin 1929, G.P., 1929.1.567.
(90) L'impossibilité de déterminer la part de
chacun dans le dommage: Cass. Civ., 11 juillet 1826, D., 1826.1.424, S.,
1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ; Caen, 23
mai 1873, D., 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D., 1874.2.68 ; Angers, 10 mars
1875, D., 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D., 1879.1.281 ;
Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D.,
1893.2.39 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D., 1892.1.335 ; Cass. Civ., 11
juillet 1892, D., 1894.1.561 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D., 1896.1.31 ;
Paris, 7 avril 1898, D., 1898.2.501 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ;
Cass. Civ., 10 novembre 1897, D., 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D.,
1899.1.109 ; Cass. Civ., 31 janvier 1899, D., 1899.1.300 ; Cass. Civ., 14
février 1898, D., 1900.1.73. Indivisibilité de l'obligation :
Cass. Civ., 8 nov. 1836, s. 1836.1.265 Req., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D.,
1827.1.230 ; Aix 19 nov. 1878, D. 1879.2.219.
(91) Infra no 88.
(92) Lafay, thèse précitée, page 113 ;
Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280 ;
Colmet de Santerre, op. cit., tome V, no 135 bis3 ; Sourdat, op.
cit., no 473; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis
de droit civil, 6e édit., tome II, no 219 ;
Aubry et Rau, Droit civil français, 4e édit.,
tome IV, § 298 ter, p. 23, note 14 ; J. Français, thèse
précitée, page 100.
(93) Rodière, De la solidarité et de
l'indivisibilité, thèse précitée,
no 50.
(94) J. Français, thèse précitée,
page 98 ; Baudry-Lacantinnerie et Barde, tome II, no 1304 ;
Demolombe, tome XXVI, no 193 et 194 ; Laurent, tome XVII,
no 322 à 324 ; Demogue, tome IV, no 768.
(95) Boistel, note Dalloz, D. 1979.1.281.
(96) Sur l'évolution de l'obligation in solidum,
infra nos 82 et s.
La solidarité produit des effets principaux et
secondaires. Pour quelques-uns il n'y a qu'une solidarité proprement
dite ou une solidarité parfaite. Mais pour d'autres la solidarité
délictuelle n'est qu'une solidarité imparfaite qui exclut les
effets secondaires.
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