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La dynamique associative dans le secteur de l'artisanat à Kandi: un enjeu de développement ?


par Hugues Tayé ADJOVI
Université d'Abomey-Calavi
Traductions: Original: fr Source:

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Section 3 : Analyse.

L'analyse du phénomène de l'abandon des ateliers par les artisans en période de culture du coton et de ses implications apparaît non comme la mise en exergue de simples liens mécaniques expliquant un phénomène mais plutôt comme la recherche d'un faisceau de variables répondant à une logique propre. Du fait de l'existence et de l'imbrication de certaines variables telles que la culture, l'économie, le social etc., nous procéderons à l'analyse du phénomène sous deux angles. L'angle de l'analyse structurale et l'angle de l'analyse fonctionnelle.

Partant de l'analyse structurale, nous identifions le phénomène de l'abandon des ateliers comme un produit de ce que nous pouvons appeler le système social ou l'organisation sociale de l'ensemble des communautés de la commune de Kandi.

D'après les données empiriques collectées sur le terrain, les fondements de la structure de la société `'kandienne'' sont étroitement liés à la culture de ses communautés. En effet, les secteurs tels que la santé, l'éducation, l'économie, la politique  étaient organisés d'après des pratiques culturelles très anciennes. Les savoirs relevant de ces secteurs étaient transmis suivant un modèle donné et surtout dans le cadre familial. C'est ainsi qu'on pouvait noter des castes de forgerons, d'agriculteurs, de guérisseurs, de tisserands etc. L'organisation sociale était telle qu'il était demandé voire exigé de tout membre de la famille d'apprendre le métier de son père ou de sa mère. Il était donc aisé de mettre en apprentissage tout membre auprès de sa propre famille. La famille étant identifiée comme le lieu où l'enfant pouvait non seulement apprendre un métier mais recevoir une éducation. Education et apprentissage constituaient donc deux éléments transversaux aux différents secteurs et matérialisaient le choix culturel adopté par ces communautés. Ces choix constituent l'échafaudage même de ce que Ruth Bénédict désigne par « cultural pattern ».18(*) De nos jours, cette organisation sociale a toujours force de loi du fait de la prégnance des valeurs, modèles et symboles culturels dans la conscience collective des communautés. En conséquence, aller cultiver la terre, c'est honorer à un devoir culturel voire familial.

L'avènement de la culture du coton s'affiche comme une porte de sortie pour les communautés ayant déjà des relations très fortes avec la terre. Mais au delà des enjeux culturels que revêt cette pratique, on note l'amorce d'une transition économique. Il s'agit en l'occurrence du passage d'une économie de subsistance à une économie de marché. Contre toute attente, cette transition renforce la structure de la société qui voit la majorité de ses membres replongés dans le conformisme culturel. Intellectuels, analphabètes, commerçants etc., tout le monde manifeste désormais un regain d'intérêt pour un secteur qui procure assez de revenus et permet de rompre d'avec le cercle vicieux de la pauvreté.

D'un point de vue fonctionnaliste, la présente analyse consistera à faire ressortir les processus théoriques que soulève le problème à l'étude. En posant le phénomène de l'abandon des ateliers comme la variable dépendante à expliquer par d'autres variables que nous appelons ici, variables indépendantes, il nous reviendra d'identifier parmi ces dernières, celles qui ont un impact plus immédiat sur la variable dépendante. Ainsi, nous pouvons retenir comme première variable l'économie. En effet, c'est à partir du moment où l'économie de la commune de Kandi a cessé d'être une économie de subsistance pour devenir une économie de marché, grâce à l'introduction du coton comme culture agricole, que le phénomène a pris encore plus d'ampleur. La recherche des revenus plus importants que génère cette culture agricole et qui permet d'améliorer significativement les conditions de vie des agriculteurs, incite d'autres catégories d'acteurs dont les artisans, à s'y adonner.

En dehors de l'économie, on peut aussi citer la culture. En effet, la culture constitue « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distinctes »19(*). A ce titre, la culture du coton n'est pas seulement assujettie à la recherche de revenus économiques, mais elle participe aussi de la culture des communautés kandiennes en ce qu'elle constitue une sorte de pratique formalisée donc, apprise et partagée par une pluralité de kandiens. Cet aspect nous paraît essentiel à souligner car il ressort à la fois du fonctionnalisme et du culturalisme. Fonctionnalisme parce que, la culture du coton assure certaines fonctions précises dans la vie des communautés de Kandi et culturalisme en ce sens que cette pratique relève d'une conscience collective transmise de générations en générations et partagée par une pluralité de personnes.

De même, tout comme l'économie et la culture, la pauvreté qui caractérise le secteur de l'artisanat constitue une variable indépendante explicative du phénomène à l'étude. En effet, l'insuffisance de débouchés, de financement, la précarité des conditions de travail dans le secteur constituent autant de raisons qui poussent les artisans à s'adonner à la culture des champs au détriment de leur profession.

En somme, les trois variables indépendantes sues identifiées exercent chacune en ce qui la concerne, une action non négligeable sur la variable dépendante. Il serait lacunaire à notre avis, de prioriser une variable indépendante par rapport à l'autre. Toutes, expliquent à divers niveaux la manifestation du phénomène et permettent d'en avoir une large compréhension sur la base des facteurs intégratifs de la société kandienne.

* 18 - Ruth BENEDICT, Echantillons de civilisation, Edition Gallimard, Paris, 1950, p36

* 19 - Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale, 1. L'action sociale, Editions HMH, 1968, p.111

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