Section 2 : Les conséquences.
Si le retour à la terre en période de culture
du coton constitue pour les artisans un moyen de lutter contre la
pauvreté qui mine leur corporation, il n'en demeure pas moins vrai que
cette pratique engendre des conséquences multiples. Au nombre de
celles-ci, on peut noter le manque de cohésion et de synergie au sein
des Associations et par ricochet, la fragilisation de la dynamique
associative.
1. Le manque de cohésion et de synergie au sein
des associations.
Une association est un regroupement de plusieurs personnes
acquises à la même cause et unissant librement tous les moyens
dont elles disposent pour la réalisation de celles-ci. Cette
définition présente la particularité de souligner entre
autres caractéristiques d'une association, l'uniformité des
objectifs à atteindre par les membres et l'union de leurs moyens en vue
d'atteindre ces objectifs. D'une part, l'uniformité des objectifs
crée une certaine stabilité au sein de l'association ;
stabilité qui est à la base de la cohésion qui existe ou
devrait exister entre les membres. D'autre part, l'atteinte des objectifs
communs suppose une complémentarité entre les tâches et
rôles de chaque membre étant entendu qu'un seul membre ne peut
à lui seul exécuter toutes les tâches relevant du
fonctionnement de l'association.
Cependant, les données empiriques collectées
sur le terrain indiquent avec une forte évidence que l'abandon
provisoire des ateliers en période de culture du coton engendre
d'énormes problèmes de cohésion et de synergie au sein des
OPA.
En quels termes se posent alors ces
problèmes ?
En effet, l'abandon provisoire des ateliers entraîne la
mise en veilleuse de certains métiers durant une période
donnée. Période qui peut s'étendre un semestre environ
surtout si les activités champêtres à exécuter sont
multiples ou sont transversales aux deux saisons. Cette absence prive donc les
populations du bénéfice de certaines prestations relevant des
métiers concernés. Or, il s'avère parfois que ces services
sont d'une utilité quotidienne.
Par ailleurs, les premiers acteurs qui sont supposés
animés la vie associative sont les artisans eux-mêmes. Ce sot eux
qui créent les Associations, initient des réunions au cours
desquelles ils discutent de leurs problèmes et y entrevoient des
solutions. Mais la pratique de la culture du coton, empêche certains
artisans de réellement participer à la vie associative. En
conséquence, la mise en oeuvre des décisions et initiatives
communes souffrent de l'absence des ressources humaines concernées. Dans
ces conditions, les autres membres disposent-ils toujours des moyens
nécessaires (coercition- communication- intermédiation-
dissuasion- sanctions etc.) pour obliger leurs paires à respecter les
dispositions statutaires en matière de présence et de
participation ?
Sur un tout autre plan, cette double vacation des
maîtres artisans et/ou des apprentis affecte et modifie
sérieusement les calendriers d'apprentissage de ces derniers. Cela pose
la problématique de la qualité de l'apprentissage reçu
étant donné que l'apprenti qui est admis dans un atelier sur la
base d'un contrat de cinq (05) ans pleins par exemple, passe en
définitive près ou même plus de la moitié de
l'année à s'occuper de travaux champêtres. En
conséquence, il s'ensuit une stagnation voire une régression des
connaissances acquises. L'apprentissage étant d'abord observation et
imitation (regarde ce que je fais et fais comme moi), la progression de
l'apprenti est soumise aux obligations de la production au sein de
l'atelier.
2. La fragilisation de la dynamique
associative.
Le phénomène de l'abandon des ateliers par les
artisans en période de culture du coton présente également
pour conséquence, la fragilisation de la dynamique associative.
En effet, la dynamique associative est perçue comme le
mouvement ascendant le progrès ou l'évolution que connaît
une association ou une organisation sou l'effet de ses propres activités
et partenariats. Ici, par le terme d'activités, nous désignons
l'utilisation à des fins de fonctionnement des moyens (humains-
financiers- matériels) qui sont mis à la disposition des membres
d'une association. Au niveau du secteur de l'artisanat à Kandi, les
premiers acteurs contribuant à la dynamisation des associations sont les
artisans eux-mêmes. Ce sont eux qui créent les associations, les
animent exécutent diverses initiatives, définissent les cadres
réglementaires de réalisation des apprentissages, fixent les
dates et les conditions de déroulement des examens de fin de formation,
recherchent des partenaires pour la réalisation de diverses formations
ou un appui financier etc. Toutes ces activités exigent pour
réalisation un lourd investissement tant sur les plans humain, financier
que matériel. Mais plus toute autre chose, elles exigent de la
disponibilité et une forte mobilisation. Or, la pratique de la culture
du coton par les artisans `'cotonculteurs'' crée une certaine
démobilisation au sein du secteur de l'artisanat. Ce facteur met en
évidence certains aspects importants à analyser.
En effet, les champs destinés à la culture du
coton sont situés à plusieurs dizaines de kilomètres du
centre ville pour ce qui est des artisans citadins. La pratique de ces
distances ne permet pas aux artisans de revenir se si tôt sur leurs
lieues de travail. De m^me, l'utilisation d'outils traditionnels tes que la
houe, la daba etc. rend les travaux plus lents ce qui occasionne une absence
plus ou moins prolongée des artisans concernés. Cette absence
s'observe tant au niveau de l'atelier qu'à celui de l'association. Au
niveau de l'atelier, cette absence crée de graves conséquences
sur la formation des apprentis qui encourent le risque de désapprendre
et d'être démotivés. Au niveau de l'association, elle
crée un vide du fait de la non participation des artisans
concernés aux réunions statutaires et à l'abandon des
valeurs cardinales qui fondent la réunion des artisans en association.
Dans ces conditions, on est tenté de se poser la question de savoir
quels artisans pour quelles associations ?
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