Section III : les différents choix offerts à
l'association
sportive :
Dans ce qui précédait, Nous avons
déjà défini la notion de professionnalisme
nécessaire pour les clubs sportifs tunisiens et qui serait
matérialisée par une structure juridique nouvelle avec tous les
avantages qui en découlent et répondant aux exigences actuelles
du sport.
La question qui se pose à ce niveau, après
l'analyse des structures juridiques préconisées à
l'étranger, et notamment en France : Quel régime
juridique peut on choisir ?
Le choix du régime juridique n'est pas facile. Plusieurs
critères devraient être pris en compte par l'association sportive
:
V' capital minimum nécessaire à la création
montrant ainsi la surface financière obligatoire pour créer la
structure.
V' Le système comptable obligatoire ou non comme mode de
gestion et d'analyse dans la structure.
y' Le nombre d'associés nécessaires à la
constitution d'une structure juridique. Ce premier point montre la
nécessité d'un partenariat ainsi que le problème
lié à la qualité des associés : des personnes
privées ou publiques ?
y' L'obligation ou non de fournir des documents financiers en fin
d'exercice, c'est à dire l'information financière aux tiers.
y' contrôle de ces documents par un commissaire aux comptes
ou des instances administratives.
y' L'existence d'obligations fiscales (TVA, impôts sur les
sociétés).
y' La possibilité de répartition des
résultats obtenus."33
Ces critères sont significatifs de la relation des
structures avec leur environnement économique, et de
l'intégration plus ou moins importante au sein du secteur marchand.
Dans ce qui suit, nous allons analyser les différentes
structures qui pourraient être préconisées en Tunisie dans
le cas où les instances sportives décident d'opérer une
transformation dans le statut juridique des associations sportives.
I. Les sociétés sportives :
L'association, qui peut se transformer en
société, change radicalement de structure juridique en adoptant
la forme d'une société sportive régie principalement par
le code des sociétés commerciales en vigueur.
33Alain Loret : Sport et management : de
l'éthique à la pratique. Page 546. Editions Revue EPS. 1995
Chaque forme juridique que peut adopter l'association
présente ses spécificités par rapport à l'autre,
mais l'objectif du législateur est le même pour toutes les
structures : c'est la garantie d'une bonne gestion, un contrôle
rigoureux et un meilleur emploi des ressources acquises ou
générées par leur activité.
Dans ce qui suit, nous allons étudier les
différentes possibilités offertes aux associations sportives
tunisiennes lors de leur transformation en sociétés. Cette
étude sera focalisée sur le régime juridique à
adopter en se basant notamment sur les dispositions légales
françaises en la matière.
1. Société à Objet Sportif
:
Cette société présente les
caractéristiques d'une société commerciale classique
à l'exception de certains points spécifiques à son objet
social (l'organisation de manifestations sportives) :
V' L'association sportive détient une part dans son
capital social. La part dans le capital n'est pas limitée, mais la
minorité du blocage ne doit pas être dépassée, ce
qui lui permet de contrôler l'orientation sportive de la
société. En même temps, elle assure un meilleur financement
puisqu'elle ouvre l'accès à son capital à des
investisseurs privés. Nous pouvons remarquer à ce sujet que
l'association n'est pas dissoute, mais elle assure désormais la gestion
des activités non professionnelles.
V' La société n'a pas pour seul objectif la
réalisation des bénéfices. Elle a pour objet la gestion
des activités physiques et sportives du club. Les
bénéfices éventuellement dégagés pourraient
être réinvestis.
V' Les actions doivent être nominatives afin de limiter et
sécuriser leur cession éventuelle.
V' La société continue à
bénéficier des subventions de l'Etat et des collectivités
locales.
V' Les relations entre l'association et la
société sportive doivent être matérialisées
par une convention en bonne et due forme renfermant toutes les modalités
de leur fonctionnement. Cette convention énumère les droits et
les obligations
réciproques concernant les relations financières,
les règles d'administration, les compétences sportives, les
conditions d'utilisation des locaux et des équipements, etc.
V' Une personne privée ne peut être actionnaire
de plusieurs S.A.O.S. En effet, dans le but d'empêcher les investisseurs
privés d'assurer le contrôle de plusieurs clubs sportifs (ce qui
peut évidemment fausser le résultat des rencontres), la loi
pourrait interdire à une personne privée d'être,
directement ou indirectement, simultanément porteur de titres
conférant un droit de vote ou donnant accès au capital de plus
d'une société à objet sportif dont l'objet social porte
sur une même discipline sportive.
"La SAOS est une émanation de l'association sportive
préexistante dite association support. Sa création ne remet pas
en cause l'existence de l'association antérieure. Bien au contraire,
celle-ci survit, participe au capital de la nouvelle société et
assume la charge du secteur amateur du club sportif, le secteur professionnel
étant réservé à la société
nouvellement créée."34
L'association ne sera pas dissoute par la création de
la société, elle sera « absorbée
» et son rôle consistera à la gestion des activités
non professionnelles. Les activités commerciales et
génératrices de revenus et de profits seront l'objet social de la
société commerciale.
De ce qui précède, on remarque que l'on pourrait
préserver le caractère « amateur » des activités
sportives tout en garantissant, pour les activités à but
lucratif, caractérisées par des flux financiers de taille, et
génératrices de revenus importants et de gains éventuels
de même importance, une gestion plus efficace et un contrôle plus
approfondi.
"Ce qui paraît curieux dans le phénomène
et mérite un examen plus approfondi, est le problème de la
qualité des membres de l'association sans but lucratif, ou
d'actionnaires ou d'associés de la société
commerciale."35
Tout au contraire de l'association qui est gérée
par des bénévole non formé en la matière (membres,
fondateurs ou non, et bénévoles dont l'objectif suprême est
tout simplement le gain des partie et la préservation de l'esprit
sportif dans les compétitions, la réalisation des objectifs du
comité directeur, des supporters et même des joueurs). La
société, elle, est gérée par un conseil
d'administration, un directoire ou un gérant qui ont pour but la
recherche des bénéfices ou la réalisation
d'économie de coûts afin de maximiser le taux de dividendes
34Jean Gatsi : Le droit du sport. Page 28. Editions
Presses Universitaires de France. 2000
35 Luc Silance : Les sports et le droit. Page 357.
Editions De Boeck Université (Belgique). 1998
annuel. Cependant, ces sociétés spéciales se
distinguent par l'interdiction de distribuer des dividendes en cas de
réalisation de bénéfices.
2. Société d'économie mixte sportive
:
Elle est née de l'alliance de l'association sportive
avec les collectivités publiques. Une particularité de taille
chez ces sociétés, c'est que les collectivités
locales sont majoritaires au même rang que l'association
sportive. De ce fait, la structure du capital social sera
formée par deux actionnaires majoritaires : l'association et les
collectivités publiques.
L'objet social de cette société réside
dans la gestion et l'animation d'activités organisées par les
fédérations sportives, ainsi que dans le fait de mener diverses
actions en relation avec cet objet, et notamment des actions de formation au
profit des jeunes sportifs.
Comme pour les Sociétés à Objet Sportif,
la relation entre l'association et la société créée
doit être définie par une convention ratifiée par leurs
assemblées générales respectives. Cette convention est
destinée à régler les relations, notamment
financières et juridiques entre ces deux entités juridiques
distinctes. La gestion, le fonctionnement et le contrôle de ce type de
sociétés obéissent aux mêmes règles
préconisées pour les sociétés à objet
sportif.
Cependant, l'analyse approfondie des spécificités
des deux sociétés permet de relever quelques points divergents :
"36
y' La S.A.O.S. vise des intérêts privés,
aucun membre ne peut être institutionnel (collectivité
territoriale) exclusivement puisqu'à l'inverse de la S.E.M.S.,
l'association sportive- support peut n'être que minoritaire.
y' La S.E.M.S. est composée d'un capital public et
privé mais il doit être détenu en majorité par
l'association sportive seule, ou conjointement par l'association et les
collectivités locales.
y' Dans la S.A.O.S., ce sont les privés qui ont la
majorité du capital.
La société d'économie mixte pourrait
être une forme dérivée de la société anonyme,
dirigée par un président et un conseil d'administration ou un
directoire et un conseil de surveillance, et dans laquelle vont être
associées une ou plusieurs collectivités locales, l'association
sportive et éventuellement d'autres personnes privées.
36Serge Pautot : Le sport et la loi - Guide juridique
pratique. Page 90. Editions Juris Service. 1997
Pour les S.A.O.S. ainsi que les S.E.M.S., l'association a
obligatoirement la qualité d'actionnaire, mais elle est en
réalité un peu plus que cela puisqu'en tant que groupement
à but non lucratif, son objet statutaire est, dans une très large
mesure, le même que celui de la société : organiser la
pratique d'un sport déterminé. La société a en
effet pour objet l'organisation de manifestations sportives payantes. Ce qui
implique que l'association va transférer cette activité
spéciale à la société.
"Or il est difficile d'organiser ce transfert sous forme d'un
apport au sens technique du terme qui serait fait par l'association à la
société car l'activité en cause n'est pas un bien et elle
ne peut pas être patrimonialité par le recours à des
techniques du droit des biens telles que le fonds de commerce ou la
clientèle. C'est pourquoi le besoin a été
éprouvé d'imposer une convention entre l'association et la
société qui, parallèlement à la constitution, va
organiser le transfert.
Cette convention est, du seul point de vue de son
résultat, un peu l'équivalent de la convention de location-
gérance qui est conclue entre une société d'exploitation
et son associé- propriétaire du fonds."37
La convention ainsi établie doit préciser
quelles sont les activités qui relèvent de l'association et
celles relevant de la société. D'après la loi
française, à partir du moment où il y a des sportifs
rémunérés, la participation aux compétitions et par
voie de conséquence l'organisation des spectacles résultant de
cette participation relève de la compétence de la
société.38
Ainsi, apparaît une distinction entre sport
rémunéré et sport non rémunéré, le
premier relevant de la société, le second de l'association.
"Si les activités professionnelles doivent
obligatoirement être transférées à la
société, il n'est pas dit que les activités non
professionnelles doivent obligatoirement rester dans le giron de l'association.
Rien ne semble donc interdire, en tous cas pas l'objet de la
société qui pourrait le prévoir, que cette
société prenne en charge les activités professionnelles et
certaines activités non professionnelles.
37 Eric Bournazel : OP. Cit. Page 61
38 Article 2 du décret n° 93-395 du 18
Mars 1993 portant application du 3è alinéa de l'article 11 de la
loi n° 84- 610 du 16 Juillet 1984 relative à l'organisation et
à la promotion des activités physiques et sportives (France)
Institut Supérieur de Gestion - 77 -
L'association deviendrait alors une sorte de fantôme. Le
risque est cependant limité car l'intérêt bien compris de
tout le monde est de maintenir l'association d'autant qu'il ne semble pas trop
difficile d'en conserver le contrôle."39[139]
3. Société Anonyme Sportive Professionnelle
:
La S.A.S.P. est une société anonyme sportive qui
renferme les mêmes caractéristiques que les S.A.O.S. ou les
S.E.M.S., à l'exception de certains points très importants qui
ont contribué à son rapprochement des sociétés
anonymes purement commerciales plutôt que des sociétés
sportives « à but non lucratif ».
Deux points essentiels ont été
apportés à ce type de sociétés : la
possibilité de distribuer des dividendes en cas de réalisation de
bénéfices et la rémunération des
dirigeants.
Grâce à la possibilité qu'elle offre aux
partenaires privés, cette nouvelle structure est beaucoup mieux
adaptée aux nouveaux enjeux du sport professionnel et met un
terme à l'implication de l'Etat et des collectivités
locales au niveau des subventions.
L'association fondatrice ne sera plus obligée de
conserver une participation dans le capital, ni de siéger dans les
organes dirigeants de la société. Cela devrait permettre au club
d'attirer de nouveaux investisseurs et de se développer pour être
compétitif au plus haut niveau.
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