II. Le régime juridique des sociétés
sportives de Football :
Fidèles à l'idéal qui les avait vu
naître, les clubs sportifs de football français se sont
créés à l'origine sous la forme d'associations sans but
lucratif. Progressivement, alors que le poids économique de certaines
disciplines se renforçait, il est apparu que le régime des
associations correspondait mal aux attentes des clubs comptant une section
professionnelle en leur sein. C'est ainsi que le statut des clubs sportifs a
évolué. Plusieurs lois successives jalonnent cette adaptation :
la loi du 29 octobre 1975 prolongée par la loi du 16 juillet 1984, fut
modifiée en 1999.
1. Les statuts des clubs professionnels de Football
:
Les clubs français ont l'obligation de créer une
société pour gérer leurs activités professionnelles
dès qu'ils dépassent l'un ou l'autre des seuils suivants :
- 1,2 Mpour les recettes liées à l'organisation de
manifestations payantes (billetterie ; recettes publicitaires ; droits TV...)
à l'exclusion des subventions publiques ;
- 800 000 euros pour les rémunérations nettes
versées aux sportifs employés par le club, hors les charges
sociales et fiscales afférentes à ces
rémunérations.
Le niveau des seuils est fixé de telle façon que la
plupart des clubs professionnels relevant des grandes disciplines sont
désormais constitués en sociétés commerciales,
liées par convention à une association dite « support
», destinée à gérer le secteur amateur :
a) La société anonyme d'économie
mixte locale sportive (SAEMLS) :
Introduit en 1975, ce statut, qui donnait aux
collectivités locales un pouvoir d'orientation considéré
comme la contrepartie de leurs apports financiers au sport professionnel, a
été largement utilisé dans les années 80.
La loi de 1999 a rendu impossible le recours à la SAEMLS,
en accordant cependant aux clubs qui avaient fait le choix de ce statut le
droit de le conserver.
b) La société anonyme à objet
sportif (SAOS) :
La SAOS est une société commerciale, régie
par le code du commerce, sous réserve de dispositions
dérogatoires prévues par la loi du 16 juillet 1984 (interdiction
de distribuer des dividendes et de rémunérer les dirigeants).
L'association support doit détenir au minimum un tiers du
capital social, ce qui constitue une limite à leur financement
(augmentation du capital notamment).
Malgré ses rigidités, ce régime a
séduit nombre de clubs dans les grandes disciplines en particulier le
football (7 clubs de L2).
c) L'entreprise unipersonnelle sportive à
responsabilité limitée (EUSRL) :
L'EUSRL est une société à
responsabilité limitée dont l'associé unique est
l'association support. Il s'agit donc d'un régime idéal pour les
dirigeants qui souhaitent conserver un lien exclusif avec la
société commerciale qu'ils doivent créer pour gérer
leur activité
professionnelle. Ce statut interdit, par construction, la
possibilité de voir des partenaires extérieurs financés,
via la société, la section professionnelle.
A l'image des SAOS, l'EUSRL ne peut distribuer de
bénéfices ; s'ils existent, ils sont obligatoirement
affectés à la constitution de réserves.
Peu utilisé (4 clubs professionnels au total pour le
football), le régime de l'EUSRL convient en fait aux groupements
sportifs dont les besoins de financement sont des plus limités. Il
permet pour certaines associations sportives le passage, par étapes,
d'une gestion à but désintéressé à une
gestion plus commerciale, avec la possibilité, à tout moment,
d'opter pour la formule de la société anonyme.
d) La société anonyme sportive
professionnelle (SASP) :
du budget à gérer.
L'accès au capital des SASP est libre (l'association
support n'est pas tenue de détenir un capital minimum), ce qui la rend
attractive pour les investisseurs intéressés par des disciplines
comme le football (24 clubs entre L1 et L2), mais qui ne souhaitent pas devoir
composer avec une association détentrice d'une minorité de
blocage (cas de la SAOS).
La SASP constitue, de fait, la solution vers laquelle
convergent la plupart des grands clubs professionnels. Cette tendance est
particulièrement nette dans le secteur du football (L1 et L2) touchant
même certains clubs de National.
L'essentiel de ces évolutions statutaires se sont
d'ailleurs produites dans les toutes dernières années, avec une
brusque accélération en 2002 :
Créée par la loi du 28 décembre 1999, la
SASP est la forme juridique la plus proche du droit commun des
sociétés commerciales. Elle présente, en effet, certaines
caractéristiques qui la distingue des SAOS et, bien sûr, des
SAEMLS. Elle peut, notamment, distribuer des dividendes et
rémunérer ses dirigeants, ce qui est souhaitable au-delà
d'un certain niveau d'investissement en fonds propres et de tail e
Nous présenterons simplement et de
façon succincte les différents statuts juridiques des clubs
français dans le tableau suivant :
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caractéristiques
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Le statut basé sur la loi 1901
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Les clubs régis par ce statut sont des associations sans
but lucratif. Il a été modifié en
1984 pour se nommer « Association à statuts
renforcés » afin d'imposer plus de transparence et de rigueur dans
la gestion des clubs. Ce statut est amené à disparaître
pour les clubs professionnels car à partir de 2001, ils doivent se
transformer en sociétés commerciales
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La SEMS (Société d'Economie Mixte
Sportive)
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Ce statut juridique impose que des collectivités
territoriales détiennent la majorité du capital. Comme
précédemment, ce statut est amené à
disparaître complètement à la fin de l'année 2001.
En effet, dans le cadre de l'uniformisation Européenne, les
collectivités territoriales ne peuvent plus devenir actionnaires d'une
société sportive.
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La SAOS (Société
Anonyme à Objet Sportif)
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Ce statut se rapproche d'une société anonyme,
cependant il a des limitations rédhibitoires quant à une
éventuelle cotation en bourse. De plus l'association du club doit
détenir au moins 34% du capital de la société. Il rend
impossible la distribution des dividendes et oblige à émettre des
actions nominatives.
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La SASP
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Ce nouveau statut a été créé depuis
1999. Il présente des caractéristiques
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(Société
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nouvelles plus en correspondance avec les nouvelles
préoccupations des clubs.
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Anonyme
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En effet, c'est une société commerciale de droit
classique qui bénéficie des
|
Sportive
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avantages de la société anonyme. Avec une SASP, on
peut redistribuer des
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Professionnelle)
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dividendes et rémunérer les dirigeants mais aussi
mobiliser des capitaux.
|
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L'indépendance vis à vis des collectivités
publiques est renforcée. Les collectivités locales peuvent
toujours verser des subventions mais de façon plafonnée.
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Les règles
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Les trois formes de statuts présentées ci dessus
ont interdiction de distribuer des
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communes à ces
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bénéfices aux actionnaires, de
rémunérer les dirigeants élus sauf en
|
trois formes de
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remboursement des frais. La responsabilité des dirigeants
au plan civil et pénal
|
statuts
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est engagée. Pour le cas d'une SAOS ou d'une SEMS, on
se trouve en présence de deux personnes morales, l'association sportive
ou association « support » qui demeure, et la société
anonyme, créée par la première, et qui, elle seule,
gère les activités professionnelles du club.
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Les principales
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Alors que le SEMS est composée d'un capital à la
fois public et privé mais dont
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différences
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la majorité est détenue par les
collectivités locales, la SAOS est détenue en
|
entre une SEMS
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majorité par des capitaux privés. Ainsi, dans la
SEMS, la participation d'une ou
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et une SAOS
|
plusieurs collectivités est indispensable. Cette
obligation n'existe pas pour les
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|
SAOS ou les associations à statuts renforcés.
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2. Conclusion sur le statut juridique :
Ainsi, les associations à statuts renforcés et les
SEMS sont amenées à totalement disparaître du secteur des
clubs professionnels. Bientôt, il subsistera uniquement deux statuts
différents, la SAOS et un nouveau statut qui apparaît et se
généralise, la SASP. La création de ce dernier marque une
évolution majeure dans le système français puisque il
permet d'espérer la possibilité aux clubs français de
s'introduire en bourse. Pour le moment la cotation en bourse est interdite en
France, d'ailleurs le ministre de la jeunesse et des sports Marie Georges
Buffet y est farouchement opposé. Toutefois, une trentaine de clubs sont
déjà cotés en bourse en Europe et particulièrement
en Grande-Bretagne (Manchester United est cotée en bourse depuis mai
1991 et l'action s'est valorisée à plus de 1000 % depuis son
introduction). Cette situation est pénalisante pour les clubs
français qui présentent encore une fois un retard
conséquent sur
les concurrents européens. D'après Bernard Tapis,
l'ancien manager sportif de l'Olympique de Marseille, cette restriction n'est
pas légitime juridiquement.21
3. Avenir - Enjeux :
Le problème pour l'avenir est de savoir si la France
pourra ou non maintenir en
l'état son système de régulation si elle
continue à rester relativement isolée du concert
international. En effet, on retrouve l'éternelle
opposition entre efficacité et équité :
- pour être efficace, il faut concentrer les moyens
entre quelques gros clubs, au risque de nuire à l'équilibre
compétitif. Cela a été le choix de la plupart des
championnats européens qui ont privilégié, voire
anticipé, la performance européenne mais ont rompu
l'équilibre national ;
- si on fait le choix de l'équité, et cela a
été le cas de la France pour des raisons historiques et
culturelles, on prend le risque de ne plus être efficace. Et c'est
effectivement le cas des clubs français qui rencontrent des
difficultés pour se qualifier au niveau des compétitions
européennes.
Cela signifie que la réponse à la crise
financière des clubs ne peut être que globale et européenne
:
- Un traitement financier seul ne sera pas suffisant. C'est
l'ensemble du système qui devrait être réformé en
tenant compte de la formation des joueurs, la solidarité entre clubs, la
mobilité des jeunes joueurs... C'est en ce sens que l'approche de l'UEFA
par la licence de club semble a priori une piste intéressante.
- Il n'est pas légitime de laisser agir des cavaliers
clandestins. C'est donc tous les clubs qui devraient être soumis aux
mêmes règles en matière de contrôle financier, de
charges fiscales, d'obligation de formation... ;
- Au final, c'est le choix d'un modèle d'organisation du
football européen qui est en jeu :
> Faut-il en venir à une Ligue fermée
?
> Faut-il généraliser à l'Europe
entière un système « à la française »
?
21 JEAN PIERRE DENIS, (rapport sur certains aspects du
sport professionnel en France) novembre 2003
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